Totally F***ed up est une comédie dépressive mais fantaisiste sur l’adolescence gay des années 90, par le futur auteur de Doom generation et Mysterious skin. Du pur Araki.
Synopsis : L’histoire tragi-comique d’une bande de jeunes gays vivants à Los Angeles . Ils sont beaux et rieurs, mis à la porte par leurs parents, fauchés, trompés par leurs amants, agressés par des casseurs de pédés, ils errent, se rebellent, se racontent des histoires, s’envoient en l’air, et malgré des coups de blues, parfois un suicide, ils continuent joyeusement à vivre, se décrivant comme TOTALLY FUCKED UP !
Critique : Premier volet de la trilogie de la Teenage apocalypse trilogy, Totally F***ed up révéla son auteur, Gregg Araki, au-delà de la scène gay underground, où il jouissait d’un petit statut culte à la suite de la sortie américaine de Living end en 1992 (une virée nihiliste et désespérée de deux gays séropos).
Alors que le cinéma homosexuel sortait enfin du placard pour envahir les salles indépendantes, l’avènement d’Araki, au même titre que celui de Gus Van Sant pour My own private Idaho, a permis au genre de gagner ses lettres de noblesse, en mêlant la forme (travaillée et singulière) et le fond (une réflexion sur l’errance des jeunes gays, à l’époque trouble du sida). Fini le temps ringard des productions destinées au marché vidéo, sans âme et talent, vendues sous le manteau et les magasins communautaires. Le cinéma d’auteur de Jarmusch, Hal Hartley et autre Tom Dicillo, influencé par la Nouvelle Vague, allait devoir composer avec un cinéma plus insolent, plus cul, mais tout aussi profond (sans jeu de mot) dans ses revendications et descriptions d’âmes juvéniles en souffrance.
Aussi, avant même l’arrivée de ce vieux roublard de Larry Clark (Kids date de 1995), Gregg Araki est devenu le chantre d’une jeunesse en péril irrémédiablement détachée du monde adulte. Grâce à Totally F***ed up, il connut un joli succès mondial, un peu partout dans l’Occident, sauf en France, alors que, grâce à l’implication financière d’UGC, les deux films qui suivirent sa filmographie (Doom Generation et Nowhere), connurent une exploitation française en salles et en vidéo !
Pourtant, ce premier volet de la fameuse trilogie regroupait toutes les qualités des œuvres futures du réalisateur de Mysterious skin – une finesse psychologique dissimulée derrière des stéréotypes clinquants de jeunes déjantés (avides de sexe, d’acide et rock’n’roll), une solitude à la douleur palpable, un désir de vie et de l’autre incandescent, aussi fort que la tentation morbide dans laquelle se jette l’un des protagonistes déçus à la fin (le film est entièrement bâti sur le spectre du suicide des jeunes gays)…
Au-delà de l’aspect fun et récréatif de la mise en scène, qui sait, toutefois, devenir plus sérieuse lors d’inserts vidéo, permettant à chaque protagoniste de s’adresser directement à la caméra (procédé très rare en 1993), ce qui saisit le spectateur encore aujourd’hui, c’est bien toute la tendresse du cinéaste pour ces jeunes paumés, et notamment pour le comédien James Duval, idéalisé dans les trois segments de la Trilogie de l’apocalypse. Avec un brin de voyeurisme, une bonne pincée de provocation et une bonne dose d’humour et d’émotion, Araki réalisait là le premier teen movie à caractère homosexuel, sans jamais chercher à regarder avec condescendance cette génération d’égarés ; il y incluait même deux ados lesbiennes comme pour enfoncer le clou du politiquement incorrect.
Au final, Totally F***ed up, métrage à l’époque prometteur, est devenu au fil du temps une œuvre de référence qu’il a été possible de découvrir sur notre territoire en 2009 grâce à sa sortie providentielle en DVD chez BQHL Editions.

Copyrights : BQHL Editions
Le test DVD de Totally F***ed up
Une œuvre rare, restée inédite en France pendant 15 ans, dévoilée au public français en 2009.
Compléments : 0 / 5
Malheureusement, aucun bonus n’accompagne cette sortie discrète, mais événementielle pour les fans d’Araki.
Image & son : 3 / 5
Petite production indépendante tournée en mono et au format 4/3, Totally fucked up est présenté ici dans une copie correcte au vu de ses modestes origines, mais le grain persistant et la présence de pixels pour les inserts vidéos n’en font pas un parangon de beauté esthétique. Le son stéréo n’est pas d’une grande puissance, en raison des conditions d’enregistrement d’époque. Cependant si les voix paraissent lointaines, elles n’en demeurent pas moins relativement claires. Bref, des conditions acceptable pour découvrir ce classique de l’underground