Gregg Araki

Réalisateur, Scénariste, Producteur, Monteur, Directeur de la photographie
Affiche de Mysterious Skin de Gregg Araki

Personal Info

  • Nationalité : Américain
  • Date de naissance : 17 décembre 1959, à Los Angeles, Californie (Etats-Unis)

Biographie

Note des spectateurs :

Gregg Araki est un cinéaste indépendant américain, punk et iconoclaste dans les années 80 et 90. Il se tourne vers la télévision en 2016.

La filmographie de Gregg Araki

  • 1987 : Three Bewildered People in the Night
  • 1989 : The Long Weekend (O’Despair)
  • 1992 : The Living End
  • 1993 : Totally F***ed Up
  • 1995 : The Doom Generation
  • 1997 : Nowhere
  • 1999 : Splendeur (Splendor)
  • 2004 : Mysterious Skin
  • 2007 : Smiley Face
  • 2010 : Kaboom
  • 2014 : White Bird (White Bird in a Blizzard)
Affiche de White Bid de Gregg Araki

Affiche : Le cercle noir pour The Alamo – Photos : Matt Kennedy, Sophie Valde-Hansen

L’interview de Gregg Araki

Gregg Araki, cinéaste déjanté, n’en est pas moins un individu calme et cohérent, qui parle sans excès de son œuvre sur les adolescents paumés. L’image qu’il donne de lui en vrai est à mille lieues de son œuvre extravertie dans laquelle les grossièretés fusent, les jeunes y consomment inlassablement de la drogue et la violence éclate de manière absurde. Un décalage intéressant qui ne remet pas en cause la sincérité du bonhomme, que nous avons rencontré en 2008 à la sortie d’ASmiley face, une comédie enfumée des plus décalées.

Frédéric Mignard : Comment avez-vous pu produire des films aussi controversés que ceux de votre trilogie sur l’adolescence au début des années 90 ? [NDLR : Totally fucked upDoom generation et Nowhere]
Gregg Araki : Curieusement le financement de cette trilogie n’a pas été très difficile. Totally fucked up était un film à tout petit budget qui s’est fait principalement grâce à des subventions artistiques tandis que Doom generation et Nowhere ont été produits par deux sociétés françaises, UGC et Why Not Productions.

Comment ont-ils été reçus aux USA ?
Les avis ont été très partagés. Beaucoup de détracteurs ont haï ces films, d’autres au contraire étaient totalement admiratifs. Une chose est certaine, c’est que dans leur circuit, aussi limité fût-il, ils n’ont pas laissé indifférent.

Vous avez ensuite réalisé Splendor, une comédie romantique plus policée. Ce n’est pas votre plus grande réussite à ce jour.
Voyez-vous, je n’ai pas d’enfants. Pour moi, mes films sont un peu comme des gosses. Ils représentent tous une partie de ma vie. Totally fucked up reflète un peu mes années 93-94, Doom mes années 94-95… On y retrouve beaucoup de moi : qui j’étais alors, ce que je traversais à l’époque. C’est également vrai pour mes deux derniers. A la fin de ma vie, je pourrai les revoir et voir ainsi ma vie défiler. Ce sont tous des chapitres de mon existence.

Affiche de The Doom Generation de Gregg Araki

© Haut et Court Distribution

Avec Mysterious skin, vous empruntez un ton beaucoup plus sérieux et vous recevez par ailleurs le meilleur accueil critique et public de votre carrière. Comment en êtes-vous arrivé à adapter le livre de Scott Heim ?
Je connaissais Scott. Il était très enthousiaste à l’idée que j’adapte son œuvre.

Le matériau d’origine vous permettait de revenir au cinéma provoquant qui avait fait votre notoriété, que vous aviez laissé de côté avec Splendor.
Je me suis beaucoup retrouvé dedans. Si j’ai autant aimé le livre, ce n’est pas une coïncidence, j’ai retrouvé chez l’auteur une sensibilité et un tempérament communs. C’est pour cela que j’ai eu envie de l’adapter.

Même si votre dernier film, Smiley face, s’intègre à votre carrière de manière cohérente, ce retour à la comédie après l’accueil enthousiaste de Mysterious skin est quelque peu surprenant.
Mysterious skin était sombre et déprimant. Smiley face, c’est tout son contraire. Ils sont comme les deux faces d’une même pièce, le yin et le yang. Ce sont d’ailleurs les deux seuls films dont je ne suis pas l’auteur à l’origine. Ma trilogie sur l’adolescence, que j’ai écrite, était un mélange d’humour et de drame. Il y avait des éléments sarcastiques et satiriques. On ne retrouve plus cette ironie dans Mysterious skin qui est un authentique drame, au sens premier du terme. Et Smiley face est ma première vraie comédie. Mysterious est mon film le plus sombre ; smiley face est le plus léger. Ce dernier, je l’ai fait en réaction au précédent. Je ne voulais pas faire sur l’instant un autre drame plombant.

Affiche de Mysterious Skin de Gregg Araki

© MK2. All Rights Reserved

La ressemblance physique d’Anna Faris avec Britney Spears est fascinante. Quand on ajoute à celle-ci la déchéance commune due à l’abus de drogue, vous auriez presque pu mettre en phrase d’accroche « bienvenue dans les enfers de Britney ».
Voilà un point de vue intéressant (dit-il en riant). Je n’avais jamais fait le rapprochement. Mais je crois que le cas de Britney Spears est quand même bien pire que celui du personnage d’Anna Faris. Mais il est vrai que leur trajectoire est un peu similaire.

Vous l’auriez engagée pour Nowhere qui comportait quand même un casting de star plutôt trash ?
Eh bien, je ne sais pas si elle aurait été à la hauteur.

Parlons de la drogue… Elle est au coeur de votre dernier opus. Cherchez-vous à faire passer un message ou vous utilisez une fois de plus son thème, cette fois-ci, juste pour l’amusement ?
Ce n’est pas vraiment un film sur la drogue. Dans le film, Jane, le personnage central, l’utilise comme moyen d’évasion. Je m’intéresse dans mes films aux différents niveaux de réalité, pas vraiment à la réalité ordinaire. J’aime bien un peu baigner mes films d’onirisme et c’est sûrement pourquoi à un certain point ils impliquent l’usage de la drogue. Ils sont un peu hallucinogènes.

D’après vous, qui va voir vos films ?
Smiley face a été une expérience intéressante car j’ai élargi mon public. Evidemment son public de base, ce sont des spectateurs un peu déjantés et perchés, des glandeurs. Mais il parle également à une audience plus large, car c’est évidemment une œuvre plus accessible et très amusante. Il y a même des gens de 70 ans qui ont vu et aimé smiley face, des gens qui ne se sont jamais drogués et qui n’ont jamais fumé auparavant.

Affiche d'A Smiley Face de Gregg Araki

© First Look International, Memento Films

Et vous, dans votre jeunesse, étiez-vous un peu fou et sauvage comme Jane ?
Non ! (Répond-il catégoriquement.) Je suis plutôt quelqu’un de sérieux. Ce n’est pas que je n’aime pas m’amuser, mais ma drogue à moi, c’est le boulot. J’en suis accroc.

Vos films sont empreints de fantastique. Vous n’avez jamais été tenté de faire un vrai film de genre ?
J’aime bien effectivement les éléments décalés, que l’intrigue s’éloigne un peu de la réalité. Je ne suis pas très intéressé par l’heroic fantasy par contre, les fées et les trucs de ce style. Après j’aime bien mélanger les tons.

Il y a également beaucoup d’éléments horrifiques. Vos films sont hantés par des monstres. Des stars qui violent, des nazis, un extra-terrestre qui désintègre des ados… Mais qui sont actuellement dans le monde, les vrais monstres à vos yeux ?
Il y en a tant. Mais si l’on prend l’Amérique, le plus grand de nos monstres est à la Maison Blanche. Mais à mon avis, les monstres on les trouve surtout du côté des gens intolérants. C’est l’intolérance qui conduit à la monstruosité, à l’oppression. Doom generation mettait justement en scène un trio de jeunes complètement naïfs, des électrons libres que le monde essayait de détruire.

Affiche de Nowhere de Gregg Araki

© Why Not Productions, Polygram. All rights reserved.

D’après vous, 13 ans après, qu’est devenue cette doom generation ?
L’époque est différente, de nos jours tout va toujours plus vite. Je pense que la génération de ce film a grandi et que même si le contexte a changé, il y en a une nouvelle qui lui a succédé, pas forcément pire que la précédente d’ailleurs.

Votre œuvre à travers sa thématique sur les adolescents paumés n’est pas sans rappeler celles de Larry Clark ou de Michael Cuesta. Que pensez-vous de leur travail ?
Je les connais tous les deux. On n’a pas souvent l’occasion de se parler, mais je les trouve très talentueux et leur travail est vraiment intéressant.

Comment voyez-vous votre carrière dans dix ans ?*
Jusqu’à présent, j’ai eu beaucoup de chance. J’ai pu faire les films que je voulais. On ne m’a jamais obligé à en faire un pour de l’argent. Dans dix ans, j’espère que cela sera pareil, que je pourrai garder cette liberté de ton.

Propos recueillis à Paris, le 9/01/08

*C’est à la télévision que le cinéaste finira par trouver cette liberté de ton. Après un onzième long métrage en 2014, mettant en scène Shailene Woodley et Eva Green, Gregg Araki quitte le cinéma pour la télévision. Il réalise des épisodes d’American Crime, 13 Reasons Why, Riverdale, Monstre : L’histoire de Jeffrey Dahmer, American Gigolo… En 2019, il crée Now Apocalypse, série en dix épisodes, qui reprend les thèmes décadents de Nowhere. Steven Soderbergh coproduit.

Affiche de Kaboom de Gregg Araki

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