The Living End est un road movie nihiliste, à l’époque du sida destructeur de jeunesse, un peu daté dans sa forme et ses propos, qui a été, depuis, traité à profusion, en moins fauché et en plus convaincant. Notamment par Gregg Araki, lui-même.
Synopsis : Un gigolo et un intello séropos se rencontrent à un moment crucial de leur vie. Un flingue en mains, les voilà parcourant les routes américaines pour une course à la survie qui semble vouloir les mener à une mort inévitable.
Le nihilisme selon Gregg Araki
Critique : En pleine pandémie du sida, Gregg Araki se fait connaître en présentant au festival de Sundance, en 1992, avvec The living end, un road-movie nihiliste mettant en scène deux gays séropos. Le film fait sensation et lance la carrière du génie provocateur, qui multipliera plus tard les attaques contre le conservatisme autour d’une adolescence dépressive, égarée quelque part entre la liberté sexuelle furieuse et la violence absurde : Doom generation et Nowhere. Si ces derniers connaissent les joies de la distribution en France, c’est surtout l’émouvant Mysterious skin qui l’installe auprès des critiques français, peu réceptifs, jusqu’alors, aux égarements subversifs du cinéaste. Une œuvre plus mature, qui nous permet aujourd’hui de mieux appréhender les prémices de sa carrière.
Un micro budget resté inédit en France pendant 17 ans
Avec un budget ridicule de 20 000$, The living end, inédit en France même en VHS, jusqu’à l’édition d’un DVD tardif en 2009, ne peut prétendre à la même réussite que ces successeurs, mais il se découvre aisément pour sa texture underground authentique et son empreinte historique dans la culture queer à un moment fondamental de son histoire, après l’émergence du “cancer gay” qui fit tomber des milliers d’homosexuels dans l’agonie de la honte.
The Living End introduit tous les thèmes favoris d’Araki. Des personnages en pleine errance, déphasés et attirés par l’autodestruction, des marginaux rebelles qui jouent de leur condamnation sociale. Ils sont ici effectivement condamnés par la maladie et donc plus globalement par une société paniquée qui répond ici par la tentation de l’homophobie meurtrière, une réalité récurrente chez l’auteur.
Les deux anti-héros de The Living End, cavaliers seuls en fuite, représentent des caractères antinomiques. L’ange déchu au grand cœur qui essaie de lutter, et le démon de la tentation qui use et abuse de son corps pour arriver à ses fins. Leur rencontre, version Thelma et Louise gay, les propulse sur les routes pour une dérive physique et mentale, à travers l’Amérique du rejet, qu’ils vont également provoquer.
Errance queer et underground
L’errance homosexuelle, mue par la peur collective de la maladie et plus généralement par la différence, était au début des années 90 un sous-genre assez fécond – Butterfly kiss de Winterbottom, My own private Idaho de Gus Van Sant, Thelma et Louise de Ridley Scott et évidemment l’œuvre à suivre d’Araki. Aussi dans un contexte aussi riche que remarquable, cette production underground, qu’il aurait été préférable de découvrir en son temps, pâtit en tant que divertissement de la comparaison avec ses prédécesseurs et les jalons qui la suivirent. Les maladresses touchantes deviennent aujourd’hui source d’ennui et l’hommage à la Nouvelle Vague beaucoup trop évident pour palier ses manques d’originalité. Reste un film prometteur qui fut très vite confirmé et dépassé par son propre auteur.

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