Comédie dynamique et hilarante, Soyez les bienvenus ! est aussi l’occasion pour Elem Klimov de régler son compte au système soviétique et de livrer une ode à la liberté enthousiasmante. Un régal !

Synopsis : Les enfants d’une colonie de vacances pour jeunes pionniers n’ont que faire des règles établies par les adultes, et le directeur, Dynin, ne semble avoir aucune autorité sur eux. C’est tout particulièrement le cas de Kostya, qui bouscule l’ordre établi. Enfreignant le règlement une fois de trop en allant jouer avec les garçons du village, il est renvoyé chez lui. Mais Kostya n’a pas l’intention de se laisser faire.

Soyez les bienvenus! est un film de fin d’études remarquable

Critique : Issu de la même génération qu’Andrei Tarkovski, Elem Klimov a connu enfant les horreurs de la guerre – il a assisté à la bataille de Stalingrad – puis a subi les dérives autoritaires du stalinisme dans les années 40-50. Lorsqu’il intègre finalement le VGIK, Klimov devient immédiatement l’un des élèves les plus doués de sa promotion. Il tourne ainsi plusieurs courts-métrages remarquables et décide de réaliser en 1964 un long-métrage de fin d’études. Pour cela, il semble aller dans le sens de la bureaucratie soviétique puisqu’il se lance dans une comédie destinée en apparence aux enfants. Il s’agit de Soyez les bienvenus ! ou Accès interdit aux personnes non autorisées.

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Persuadé que le contenu de son film ne plaira guère aux autorités, Elem Klimov se débrouille pour réaliser le film en un temps record, terminant le tournage nettement en avance par rapport à la date prévue. Ainsi, lorsque le pouvoir prend la terrible décision d’interrompre les prises de vue, le métrage est déjà en boîte. Cela a bien entendu mis en fureur les bureaucrates qui ne se sont pas trompés en visionnant cette œuvre en apparence anodine, mais en réalité d’une grande puissance subversive.

Klimov détourne le film pour enfants et livre une satire politique féroce

Effectivement, si Soyez les bienvenus ! se présente de prime abord comme une comédie burlesque mettant en scène les aventures de gamins espiègles, le ton se fait bien plus sarcastique à mesure que les bobines défilent. En réalité, Klimov se sert d’un genre très populaire dans les régimes soviétiques – le film pour enfants – afin de le pervertir et de livrer un commentaire acerbe sur les dérives autoritaires du régime en place.

Ressemblant au début à des œuvres légères comme La guerre des boutons (Robert, 1962), Soyez les bienvenus ! suit les aventures du jeune Kostya (interprété avec un beau naturel par Viktor Kossykh). Ayant désobéi aux ordres du chef de la colonie de pionniers – excellent Evgueni Evstigneev – Kostya est exclu de la communauté. Incapable de se résoudre à rejoindre sa grand-mère, le gosse décide de rester au cœur de la colonie en clandestinité. Pour cela, il va être aidé par ses plus proches camarades.

S’ensuivent plusieurs stratégies pour nourrir le clandestin, le cacher ou empêcher la venue des parents lors de la kermesse annuelle, afin de ne pas révéler le pot aux roses. Les situations sont souvent très drôles, parfois à la lisière du burlesque, notamment par l’intervention d’animaux facétieux – on adore le cochon vorace notamment. Toutefois, ce que l’adulte retiendra de cette comédie très dynamique vient de son discours très audacieux pour l’époque au cœur d’un régime autoritaire, et même dictatorial.

Une ode à la liberté

Effectivement, le cinéaste prend fait et cause pour les gosses qui sont une force de désobéissance majeure face à l’autorité du chef de camp, sans cesse bafouée. Bien entendu, le camp peut être vu comme une URSS en réduction et le chef de la colonie comme le secrétaire général du Parti. Dès lors, Elem Klimov se moque ouvertement des ordres absurdes dictés par la hiérarchie soviétique et se place du côté des séditieux. Pire, il ose terminer son film par une ode à la liberté et à la désobéissance. Il rompt même lors de la scène finale avec le réalisme socialiste et termine son œuvre par une séquence fantastique qui relève de la pure poésie.

Pourtant, malgré l’opposition des bureaucrates, Nikita Khrouchtchev a finalement autorisé la sortie du long-métrage sur les écrans d’Union Soviétique. Quelques jours plus tard, Khrouchtchev était destitué par les membres du Parti. Trop tard toutefois pour éviter le triomphe de ce premier film de Klimov qui a réuni plus de 13 millions de spectateurs en URSS. Si les enfants ont bien évidemment apprécié le film pour son humour et sa légèreté, les adultes ont pu rapidement saisir l’aspect subversif d’une œuvre à plusieurs niveaux de lecture.

Réalisé avec brio dans un style typique du cinéma soviétique – gros plans sur les visages, profondeur de champ abyssale, cadrages biscornus – Soyez les bienvenus ! est bel et bien un petit bijou qui doit être vu par tous les cinéphiles. On notera que le film, désormais disponible en DVD au sein du coffret consacré à Klimov et Chepitko par Potemkine Films, serait sorti dans certaines salles françaises de province en 1981, selon le site Encyclociné.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 7 octobre 1981

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