Sans être un sommet, Sans pitié est un bon petit polar typique des années 80, porté par un esthétisme léché et un couple de stars au firmament de leur carrière. Agréable, bien que vain.
Synopsis : Deux policiers de Chicago, Eddie Juliette et Joe Collins, arrêtent un petit dealer qui les met sur un gros coup. Un gros bonnet de La Nouvelle-Orleans l’a engagé pour exécuter quelqu’un. Eddie décide de se faire passer pour le tueur et prend contact avec Deneveux, le commanditaire. Mais le règlement de comptes tourne mal et Joe se fait poignarder sous les yeux d’Eddie. Fou de rage, Eddie décide de venger son ami et enlève Michele, la ravissante escorte de Deneuveux. Peu à peu Eddie devient amoureux de sa captive.
Un hommage aux films noirs des années 40
Critique : Initié par le producteur D. Constantine Conte (48 heures de Walter Hill en 1982), le projet Sans pitié naît véritablement sous la plume du scénariste James Carabatsos qui tient à rendre un hommage appuyé aux films noirs des années 40. Par le jeu de leurs connaissances respectives, les deux hommes parviennent à convaincre le réalisateur Richard Pearce de s’impliquer dans la réalisation. Pour mémoire, le cinéaste, initialement documentariste et directeur de la photographie, venait tout juste de tourner Les moissons de la colère (1984) qui avait eu un joli écho.
Assez rapidement, Pearce arrive à convaincre Richard Gere de s’impliquer dans le projet. Dès lors, l’acteur devenu star en très peu d’années devient un précieux collaborateur, faisant parfois modifier le scénario pour mieux en définir les personnages. Dernière arrivée, Kim Basinger vient compléter une affiche pour le moins glamour. Gere est alors le jeune premier le plus apprécié de ces demoiselles, tandis que Kim Basinger vient d’enflammer la libido des hommes avec 9 semaines 1/2 (Lyne, 1986).
Un duo de stars glamour
Le couple star est pourtant durement malmené par le réalisateur Richard Pearce qui les plonge dans le bayou une bonne partie du temps. Cela n’empêche pourtant pas la sensualité de s’immiscer progressivement au cœur d’une œuvre qui se veut autant un film d’action qu’une romance poignante entre deux êtres que tout oppose. Dès le début, on sent la volonté des auteurs de ressusciter l’âge d’or hollywoodien, avec une photographie superbe, très contrastée et de nombreuses zones de clair-obscur.
Kim Basinger est d’ailleurs décrite au départ comme une classique femme fatale, même si le long-métrage en fera finalement une innocente, victime d’une forme odieuse d’esclavage sexuel. Face à elle, Richard Gere campe un flic borderline qui n’hésite pas à outrepasser ses droits pour se faire justice. Il l’incarne avec aisance et forme un très beau couple de cinéma, avec la rayonnante Kim – d’ailleurs le duo sera reconstitué dans Sang chaud pour meurtre de sang-froid (Joanou, 1992).
Un script archétypal qui déçoit
On peut sans aucun doute regretter l’aspect très archétypal du script. Sur des rails, l’intrigue ne propose que fort peu de rebondissements étonnants et le film se regarde sans déplaisir, mais également sans grande passion. Il faut avouer que le seul véritable intérêt réside dans la présence de ses deux stars, ainsi que dans l’aspect finalement très daté du long-métrage. Doté d’une musique synthétique typique des années 80 signée Alan Silvestri, d’éclairages savants totalement artificiels et clinquants, Sans pitié ne peut clairement pas être extrait de son contexte de création. En gros, les amoureux (ou nostalgiques) des années 80 seront aux anges, tandis que les autres seront exaspérés par les tics un peu tocs de l’époque.
Reste une très bonne dernière demi-heure qui se mue en western avec l’invasion par les méchants d’un hôtel que les deux amants ont piégé. Ici, Richard Pearce fait preuve d’un vrai talent dans la gestion de l’action et de l’espace. Finalement, le temps passé avec le couple vedette a permis au spectateur de prendre fait et cause pour eux, ce qui renforce la puissance de ce final un peu over the top. L’affrontement ultime entre Richard Gere et Jeroen Krabbé laisse exploser une violence excessive qui nous ramène encore une fois au cœur des années 80.
Un échec commercial inattendu
Malgré un lancement en grande pompe aux Etats-Unis, Sans pitié a été un cruel échec, ne parvenant à cumuler que 12,3 millions de dollars de recette. Même son de cloche du côté de la France où le film doit affronter cette semaine-là La couleur de l’argent de Martin Scorsese avec Paul Newman et Tom Cruise. Alors que le film de Scorsese s’empare sans problème de la première place du box-office parisien, Sans pitié n’arrive que 4ème avec 50 859 entrées pour sa première semaine d’exploitation. Sur la France entière, le long-métrage ne glanera que 221 897 entrées, signe d’un désaveu du public.
Box-office : un bide Sans pitié
Le 11 mars 1987, personne ne pouvait échapper à la sortie de Sans pitié en France. Un thriller américain de charme, avec des acteurs hype et surtout 40 salles à Paris-intra-muros. C’était une vraie combinaison de blockbuster ! Le film Warner Columbia était la sortie du jour, loin devant La couleur de l’argent de Scorsese qui ne bénéficiait que de 29 salles (Disney), suivi de Extremities, avec Farah Fawcett outragée (21 écrans), Bloody Bird, giallo italien sanglant sur 19 salles et, ex æquo, la comédie érotique française Les exploits d’un jeune Don Juan et le film de guerre Cannon, Les lauriers de la gloire. C’était l’époque des divertissements généreux qui laissaient peu de place aux continuations d’une semaine sur l’autre.
Pour son premier jour d’exploitation, La Couleur de l’argent écrase Sans pitié, malgré un casting vieillissant (Paul Newman), à l’exception de la caution jeune apportée par Tom Cruise. La suite tardive de L’arnaqueur démarre à 17 327 spectateurs contre 7 150 pour le duo Basinger-Gere qui est un cuisant échec. Incapable de doubler Crocodile Dundee dans sa 6e semaine ou Le maître de guerre d’Eastwood, le thriller de Richard Pearce n’entre qu’en 4e place, avec 50 859 entrées.
La deuxième semaine est meurtrière avec une dégringolade de plus de 55% de sa fréquentation et à peine 23 096 entrées dans ses eaux troubles. Les exploitants méfiants l’ont viré de 11 cinémas sur Paris-périphérie.
En 3e semaine, Sans pitié a déjà quitté le top 15, avec 7 166 égarés…. Il passe à 3 281 tickets en 4e semaine, désormais cloîtré dans Paris, dans 4 cinémas. Petit rebond en 5e semaine, dans 3 salles, grâce à son exposition dans le cinéma de doubles programmes, le Hollywood Boulevard (4 870 spectateurs, dont la moitié dans le cinéma de René Chateau).
En 6e semaine, le film est diffusé au Galande et accueille 41 spectateurs pour quelques séances dans la semaine (total de 88 454 entrées). Il y finira sa vie à 89 486 entrées une semaine plus tard.
Les salles parisiennes qui ont diffusé Sans pitié en première semaine étaient le George V, le Marignan Pathé, le Kinopanorama (cela ne plaisantait pas !), le Forum Cinémas, l’UGC Montparnasse/Danton/Convention/Gare de Lyon, le Rex, le Clichy Pathé, le Montparnasse Pathé, le Français Pathé, les 3 Sécretan, le Gambetta, le Mistral et la Fauvette.
Critique du film : Virgile Dumez