Cette comédie, gay et péchue, est un concentré du cinéma culte des années 90, et compte parmi celles qui allaient relancer le filon de la comédie homo en s’attelant avec liberté à la thématique, alors très à la mode dans les médias, des drag queens. Sociologique, mais rigolo.
Synopsis : Trois travestis de Sidney signent un contrat pour donner plusieurs représentations de leur spectacle de cabaret à l’autre bout du pays. Pour s’y rendre, « elles » achètent un bus qu’« elles » baptisent « Priscilla » et s’enfoncent dans le vaste désert australien.
Critique : Après l’échec cinglant rencontré par son premier long métrage (Frauds, 1993 avec Phil Collins), l’Australien Stephan Elliott décide d’évoquer le monde des travestis et des transsexuels, thématique alors à la mode, avec le phénomène des drag queens. Le cinéaste écrit le scénario en quinze jours et parvient à réunir les fonds nécessaires pour commencer à chercher des acteurs. Une fois la participation de Terence Stamp acquise, dans un rôle à contre-emploi de travesti vieillissant qui a de quoi surprendre, toute l’équipe peut alors se rendre dans le désert pour un tournage marathon épuisant et placé sous le signe de l’improvisation, et de l’euphorie.
Avec un budget ridicule, le cinéaste est parvenu à tourner une comédie d’une rare qualité esthétique, soutenue par une photographie somptueuse et des décors naturels absolument grandioses. Toutes les séquences dans le désert sont extrêmement soignées et réussissent à ravir l’œil. Mais le film ne serait rien sans ses dialogues désopilants et d’une grivoiserie revigorante. Les acteurs débitent une trentaine de grossièretés à la minute, et pourtant, à l’arrivée, l’ensemble ne paraît pas vulgaire grâce à une attention constante envers la psychologie des personnages. Évitant la caricature, l’auteur ne se moque jamais des drag-queen, mais nous fait rire avec elles.
Le film se révèle être un excellent divertissement, tout en abordant le thème de la tolérance sans jamais se faire moralisateur. Les dernières scènes d’ascension des travestis dans le désert touchent même énormément le spectateur, de par la solennité qui s’en dégage. Priscilla est donc une comédie enlevée, dont bon nombre de répliques deviennent cultes après plusieurs visionnages. Quant aux tubes d’ABBA et de Village People qui parsèment sa tonique bande-son, ils ne peuvent que susciter l’enthousiasme, même des plus réfractaires au genre musical du disco.
Gros succès international à sa sortie, Priscilla, Folle du désert a su ravir le cœur des Américains avec 11,2 millions de dollars collectés. En France, ils furent 388 313 spectateurs à venir festoyer au cœur de cette fantaisie restée unique en son genre. Une belle performance qui s’est confirmée sur tous les territoires dans un grand élan d’unanimité. L’homosexualité n’avait que rarement été aussi bankable en salle et, signe des temps qui changent (un peu), le reste de la décennie proposera à nouveau des comédies fanfaronnes avec leur lot de gays excentriques : Pédale douce en France et le remake américain de La cage aux folles (The Birdcage) en 1996 ou In & Out de Frank Oz, avec Kevin Kline, assureront la descendance, avec un succès qui ne faillira pas.
Critique de Virgile Dumez