Envisagé initialement comme une suite à Se7en pour Fincher, Prémonitions est devenu un thriller de série B des plus captivants, marqué au sceau de l’efficacité et de son interprétation étonnante. Anthony Hopkins, même dans un océan de clichés, est formidable de présence. Toutefois, ce gros succès en France fut une oeuvre maudite…
Synopsis : Un tueur en série énigmatique sévit à Atlanta, laissant le FBI totalement désemparé. Quoi qu’ils fassent, les enquêteurs ont toujours un coup de retard, comme si le tueur pouvait anticiper leurs mouvements à l’avance ! En désespoir de cause, ils se tournent vers le docteur John Clancy (Anthony Hopkins), un médium retraité dont les visions les ont aidés dans le passé. En étudiant le dossier, Clancy devine rapidement la raison pour laquelle le FBI est incapable de coincer le tueur : ce dernier possède le même don divinatoire que lui. Comment dès lors arrêter un tueur capable de prévoir l’avenir ? Commence alors une partie d’échecs impitoyable.
Même SND n’y croyait pas…
Critique : Distribué sans trop de conviction par SND, en septembre 2015, loin en amont d’une sortie américaine qui se fera attendre un an plus tard, en VOD, Prémonitions n’est pas forcément le mauvais trip de télékinésie redouté. Pour le distributeur hexagonal, ce fut même son 2e succès annuel devant La rage au ventre et Le dernier chasseur de vampires. Et pourtant, le distributeur garda la presse loin des salles, et, au vu du titre bidon dont il l’attifera, il n’avait vraiment pas cherché à personnaliser cette petite sortie proposée de surcroît en septembre, donc à un moment creux de l’actualité cinématographique.
Si le cinéaste Afonso Poyart est inconnu (il avait auparavant réalisé un thriller inédit sur nos écrans où il avait su manipuler sa caméra avec dextérité, et donc convaincu Hollywood), son casting, lui, l’est moins. De retour dans le thriller glauque où les meurtres tordus sont accomplis par un psychopathe manipulateur et égocentrique, Anthony Hopkins écrase le film d’une présence redoutable.
Anthony Hopkins star du casting
La star du Silence des agneaux incarne un agent du F.B.I. clairvoyant qui s’est retiré du service, à la suite de la mort de prématurée de sa fille, emportée par la maladie. L’acteur Britannique est l’attraction numéro 1 d’un film à suspense imparable. Tout en retenue, y compris dans les scènes nerveuses de course poursuite, “Hannibal Lecter” apporte une majesté de jeu, qui enrichit son personnage de voyant, hanté par des visions, qu’elles soient des bribes du passé ou de l’avenir, qui vont lui servir à accomplir une enquête au plus profond du morbide.
Aux côtés de l’actrice rappeuse Abbie Cornish (de plus en plus dans la ressemblance avec Charlize Theron) et de Jeffrey Dean Morgan, plutôt sobre (il n’était pas encore devenu le Negan de The Walking Dead), Hopkins participe à une investigation classique, malgré l’apport d’éléments paranormaux conférés par son don, mais toujours énergique.
Prémonitions allie suspense, violence et surnaturel pompier
Les passages obligés (messages cryptiques du tueur, interrogatoires fascinés et illuminés, crimes particulièrement horrifiques…) sont loin d’entamer l’enthousiasme face au dynamisme de l’intrigue que le réalisateur assume à coup d’effets pompier qui peuvent lasser comme séduire, notamment lorsque l’enquête devient mentale et que la caméra retranscrit les projections hypothétiques du personnage d’Anthony Hopkins, qui doit se servir de ses flashs pour altérer les drames à venir. Beaucoup de critiques, notamment aux USA, reprochèrent cette approche très esthétique au film.
Evidemment un thriller à la Se7en – New Line avait envisagé de développer le script afin d’en tirer une suite de Se7en, avec Fincher à la réalisation, avant de se débarrasser du bébé qui grandira autrement, au sein d’une autre société -, ne serait pas légitime sans l’étoffe d’un grand tueur.
En psychopathe lui aussi clairvoyant (le spoiler est sur l’affiche !), Colin Farrell, qui intervient très tardivement, séduit de par sa prestance, et permet au scénario d’éviter les lieux communs dans les sempiternels rebondissements freudiens. Son incarnation d’un maniaque christique échappe au manichéisme dérangé pour une réflexion bienvenue sur la fin de vie et la souffrance. C’est toute l’originalité de cette série B vraiment bien troussée à la carrière abîmée.
Un film à la carrière maudite… sauf en France
Miraculeusement triomphal au box-office français, Prémonitions s’arrêtera près du million d’entrées en 2015 en France et finira en 45e place annuelle, loin devant Everest, Jupiter le destin de l’univers, Pixels, Birdman, Hitman, Whiplash, Chappie ou Renaissance de Tarsem Singh. Ses 6 500 000$ de recettes sur notre territoire font de la France une figure d’exception pour un produit maudit qui ne trouvera qu’un léger écho en Chine (près de 6M$) et au Mexique (2 900 000$). En effet, c’est surtout en VOD que le thriller s’épanouira à l’international. Aux USA, Relativity Media, en situation de faillite en 2015 après les flops de Season of the Witch, Sanctum, Skyline, My Soul to Take, Cowboys & Aliens, Anonymous, Les immortels, Total Recall, Movie 43, 47 Ronin, 3 Days to Kill, Brick Mansions, The November Man…, vend finalement le film à Lionsgate qui le sortira dans un circuit ultra limité en salle et en VOD en décembre 2016, via Grindstone Entertainment Group.
Les critiques locales assassines et le téléchargement illégal finiront d’assassiner cette série B pourtant chiadée.