Film témoignage bouleversant, Pénélope mon amour plonge au cœur du spectre autistique et du syndrome de Rett durant les 18 premières années d’une enfant lourdement handicapée. Parfois dur à supporter, le documentaire évoque aussi le combat d’une mère pour aider sa fille envers et contre tous. Essentiel.
Synopsis : Depuis 18 ans je filme Pénélope, jeune adulte porteuse d’autisme. Un jour j’ai ouvert le placard qui contenait des cassettes DV et des bobines super 8. Ça m’a presque crevé les yeux. Il fallait rassembler toutes ces images. Pénélope mon amour trace le parcours d’une mère et de sa fille à travers les années. Il raconte différentes étapes : le choc du diagnostic, la déclaration de guerre, l’abdication des armes, pour finalement accepter et découvrir un mode d’existence autre. Pénélope ne cesse d’acclamer ce qu’elle est, je ne cesse de questionner qui elle est. La réponse à la question est précisément dans cette quête infinie. Tout m’est renvoyé en miroir. Ainsi, n’est-ce pas Pénélope qui par ricochet me dit qui je suis ?
Pénélope, filmée durant les quinze premières années de sa vie
Critique : Pénélope mon amour (2022), c’est avant tout l’histoire du combat acharné d’une mère pour aider sa fille à guérir d’un mal dont on connait aujourd’hui le caractère irréversible. C’est à la fois un cri d’amour, mais aussi un terrible aveu d’impuissance face à une situation insaisissable. En fait, le documentaire très intime de la réalisatrice Claire Doyon consacré à l’histoire de sa propre fille qu’elle a filmée durant 18 ans est un puissant témoignage sur les errements de la psychiatrie à une époque où l’on ne comprenait pas encore les implications de l’autisme.
Il faut dire que la pauvre Pénélope est à la fois porteuse d’autisme, mais également du syndrome de Rett qui peut être défini selon l’Inserm comme une altération du développement du système nerveux central qui implique une déficience intellectuelle grave et qui ne touche que les petites filles. Ainsi, Pénélope mon amour est à la fois la description du quotidien de parents qui cherchent désespérément à communiquer avec leur enfant, mais qui doivent aussi affronter au quotidien la dégradation de l’état mental et physique de leur progéniture. Non seulement le spectateur est appelé à observer cette enfant dans sa réclusion mentale par rapport à l’extérieur, mais aussi ses crises. Autant dire que le documentaire met notre moral à rude épreuve.
Le portrait en miroir d’une mère désemparée
Parallèlement, l’on suit l’évolution de cette mère qui refuse au départ de s’avouer vaincue et qui pense pouvoir aider sa fille à devenir « normale ». Il faut se souvenir que ceci intervient à une époque où l’autisme était encore bien mal connu, y compris des psychiatres. Pour preuve, la réalisatrice cite en voix off certaines remarques de professionnels qui laissent pantois par tant de méconnaissance et d’idiotie. Rappelons que la prise en compte par les pouvoirs publics de l’autisme – mais aussi du handicap en général – est tout bonnement catastrophique en France. Outre un manque cruel de structures d’accueil, les familles sont régulièrement laissées de côté, devant gérer à la fois leur vie professionnelle, les rendez-vous médicaux et bien entendu un quotidien difficile (surtout si l’enfant est fortement impacté par les troubles autistiques).
La France, loin d’être championne dans la prise en charge du handicap
Pénélope mon amour montre ainsi le désarroi d’une mère qui passe par toutes les étapes pour tenter de guérir sa fille, jusqu’à un voyage en terre chamane (déjà documenté dans son moyen-métrage Pénélope de 2012). Au fur et à mesure que les connaissances scientifiques s’affermissent, on découvre le découragement d’une mère qui comprend que sa fille ne peut pas se soigner puisqu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une maladie. Elle doit également faire le deuil d’une idée : s’occuper en permanence d’une fille qu’elle aime, mais qu’elle commence à détester à force de tout lui sacrifier.
Ce sont donc ces sentiments très durs que Claire Doyon partage avec le spectateur à travers ces petits films familiaux de première main et une voix off qui touche au plus profond. Le spectateur comprend toutes les interrogations qui ont émergé et bouleversé l’existence de cette réalisatrice ayant transformé son enfer quotidien en art. Ainsi, Pénélope mon amour est bien le chant d’amour d’une mère envers sa fille, mais aussi un témoignage de la terrible solitude des familles face au handicap dans un pays qui se dit en pointe sur le plan médical.
Critique de Virgile Dumez