Paris qui dort / Entr’acte : critique et test blu-ray (1924/1925)

Fantastique, Expérimental, Muet, Court-métrage | 1h07min / 24min
Note de la rédaction :
8/10
8
Paris qui dort et Entr'acte, la jaquette du blu-ray

  • Réalisateur : René Clair
  • Acteurs : Henri Rollan, Albert Préjean, Charles Martinelli
  • Date de sortie: 23 Oct 2019
  • Nationalité : Français
  • Scénario : René Clair (et Francis Picabia pour Entr'acte)
  • Musique : Erik Satie (Entr'acte) et Jean Wiener (Paris qui dort)
  • "Acteurs" d'Entr'acte : Francis Picabia, Marcel Duchamp, Man Ray, Darius Milhaud, Erik Satie, Marcel Achard, Georges Auric.
  • Éditeur vidéo : Pathé
  • Sortie vidéo : Le 23 octobre 2019
Note des spectateurs :

Les deux premiers essais filmés de René Clair, Entr’acte et Paris qui dort, ont fait l’objet d’une superbe restauration qui valorisent ces deux œuvres hors normes. Indispensable pour les cinéphiles.

Synopsis :

  • Entr’acte (1924) :

Une suite de scènes « surréalistes », comme celle de la poursuite folle d’un corbillard ou de la danseuse barbue filmée en contre-plongée.

  • Paris qui dort (1925) :

À son réveil, le gardien de la tour Eiffel découvre un Paris complètement abandonné.

René Clair en pleine révolution artistique

Critique : Journaliste spécialisé dans l’art, René Clair se lance dans le cinéma au début des années 20 en devenant tout d’abord l’assistant du réalisateur Jacques de Baroncelli. Toutefois, dès 1923, Clair reprend son indépendance et rédige le script du Rayon diabolique qu’il tourne l’année suivante. Cette histoire fantastique qui voit un rayon s’abattre sur la capitale française, immobilisant tous ses occupants, exceptés ceux qui ne sont pas à sa portée, deviendra Paris qui dort, un moyen-métrage qui ne sortira finalement qu’en 1925 alors que René Clair est déjà connu du public.

Effectivement, entre-temps, le réalisateur a accepté une commande de Jacques Hébertot, directeur de théâtre et surtout propriétaire du journal où officie encore René Clair. Hébertot souhaite joindre au ballet Relâche créé par Picabia et Satie, un entracte filmé qu’il confie aux bons soins de son ami. Le court-métrage Entr’acte (1924) est finalement tourné et présenté en décembre 1924 au cœur d’un spectacle surréaliste qui fait scandale.

Paris qui dort et Entr'acte, jaquette combo Pathé

© 1924 Fondation Jérôme Seydoux – Pathé – Succession René Clair / Conception graphique © 2019 Pathé Films. Tous droits réservés.

Entr’acte est un petit bijou d’avant-garde

A revoir aujourd’hui, ces deux œuvres possèdent un certain charme, même si elles sont finalement très différentes l’une de l’autre. Ainsi, le court Entr’acte est clairement un film d’avant-garde qui ne cherche aucunement à plaire, mais bien à choquer. Pourtant, sa volonté de s’affranchir de toute règle narrative s’inscrit pleinement dans une recherche artistique coincée quelque part en le dadaïsme et le surréalisme.

Si l’enchaînement des plans peut parfois lasser, on ne peut qu’admirer la science du montage qui permet de rendre trépidante la course finale du corbillard fou. En multipliant les coupes, les confrontations d’images hétéroclites, le cinéaste fait siennes les théories qui commencent à fleurir un peu partout à cette époque (notamment celles d’Eisenstein en URSS et de bien d’autres théoriciens). Au final, Entr’acte est un objet filmique non identifié qui conserve une certaine pertinence théorique.

Paris qui dort charme les amateurs de poésie fantastique

On lui préfère toutefois le premier vrai film de René Clair (sorti pourtant après), à savoir ce Paris qui dort qui convoque le meilleur de la science-fiction et du fantastique des années 20.

Tout d’abord, les plans de la capitale vue depuis la tour Eiffel sont autant de témoignages d’une ville alors en pleine expansion. Il faut souligner la qualité des effets, que ce soit pour signifier l’immobilité des gens ou pour donner le vertige en suspendant les protagonistes au-dessus du vide. On retrouve ici quelques cascades qui évoquent les vertiges ascensionnels d’un Harold Lloyd déjà actif aux Etats-Unis. Mais c’est surtout la poésie qui se dégage du film qui saisit le spectateur.

La réalisation, absolument brillante et inventive, vient transmettre de nombreuses émotions au spectateur, et ceci malgré un rythme un peu chaotique et inégal. On ne peut qu’admirer le formidable travail accompli par l’ensemble d’une équipe technique qui disposait de moyens pourtant limités. On signalera également l’excellente tenue de l’interprétation, notamment de la part de Henri Rollan et Albert Préjean.

Devenus des classiques de cinémathèque, ces deux courts-métrages annoncent la brillante carrière du cinéaste René Clair au cours des années 30 et 40. La moins bonne tenue de ses œuvres à partir des années 50 a malheureusement eu tendance à éclipser son excellence d’alors. Il est temps de réparer cette injustice.

Le test blu-ray :

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Compléments : 4 / 5

L’éditeur nous propose de découvrir un troisième court de René Clair intitulé La tour (1930) qui rend à nouveau hommage à la tour Eiffel en la filmant sous toutes ses coutures. 14 minutes un peu longues qui n’apportent pas grand-chose à Paris qui dort et sont présentées sans restauration.

Le supplément plus copieux est constitué d’un entretien de 29min avec deux historiens d’art et de cinéma qui replacent les deux courts-métrages dans leur contexte de création. Ils nous invitent ainsi à revivre cette époque d’effervescence artistique et discutent du rôle joué par René Clair que l’un d’entre eux qualifie d’opportuniste. On peut tout de même regretter que les deux intervenants n’expliquent pas davantage les conditions de tournage des deux œuvres.

L’image : 4,5/5

Les deux courts-métrages sont présentés dans une copie restaurée en 4K. Cela permet au négatif nitrate de retrouver toute sa jeunesse et de proposer des plans vertigineux et d’une précision chirurgicale que l’on n’imaginait même pas dans les copies en circulation auparavant. On redécouvre vraiment les deux films. A noter que Paris qui dort est également proposé dans une version légèrement plus courte et teintée issue d’un catalogue britannique. La copie est moins belle à cause des teintures qui viennent parfois noyer les informations. On vous conseille vraiment le visionnage de la version en noir et blanc réalisée à partir du négatif nitrate.

Le son : 4/5

Les deux œuvres sont proposées avec des pistes musicales au piano qui sont d’une belle clarté. A noter les compositions toujours aussi délirantes d’Erik Satie sur Entr’acte. Ensemble réussi.

Critique et test blu-ray : Virgile Dumez

Paris qui dort et Entr'acte, la jaquette du blu-ray

© 1924 Fondation Jérôme Seydoux – Pathé – Succession René Clair / Conception graphique © 2019 Pathé Films. Tous droits réservés.

Crédit photo bandeau : Paris qui dort © 1923 – FONDATION JEROME SEYDOUX-PATHE – SUCCESSION RENE CLAIR. Tous droits réservés.

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