O Cangaceiro est un faux western, mais un véritable brûlot politique à la gloire de la révolution prolétaire. Son discours peu nuancé est compensé par l’originalité de son cadre brésilien et l’interprétation démentielle de Tomás Milián. Une rareté à redécouvrir.
Synopsis : Au Brésil, Espedito échappe au massacre d’une bande de Cangaceiros. Un ermite le recueille et lui confie la mission de débarrasser la région des bandits. Espedito forme un groupe de Cangaceiros, venge les opprimés, terrifie les propriétaires et gagne ainsi son titre de Rédempteur.
Critique : A une époque où le western est le genre populaire par excellence en Italie, certains cinéastes ont eu à cœur de renouveler une formule gagnante en évitant les redites de la production courante. Sans doute inspirés par El Chuncho de Damiani, Giovanni Fago et son armée de scénaristes ont eu la curieuse idée de délocaliser les thématiques habituelles du genre au Brésil. Ainsi, O Cangaceiro se dote d’une originalité qui en fait une bien belle curiosité encore de nos jours.
Les auteurs se sont emparés d’une situation historique réelle : la découverte de gisements pétroliers sur le territoire brésilien, dans des zones tenues par des brigands appelés Cangaceiros. Ils ont ensuite développé une intrigue classique de vengeance d’un personnage nommé Espedito contre ceux qui ont tué ses parents et sa vache.
Toutefois, le point le plus intéressant du script vient de la prise de conscience progressive du protagoniste principal de la portée révolutionnaire de ses actes.
La force du film vient de la caractérisation extrême de ce paysan qui devient du jour au lendemain une sorte de Robin des Bois. Illettré et donc peu conscient de la signification de son acte de rébellion, Espedito est assurément un meneur d’hommes charismatique. Mais c’est aussi un paysan naïf qui se fait manipuler par des êtres plus retors que lui. Ainsi, son amitié naissante avec un Hollandais qui travaille pour une compagnie pétrolière dissimule sans doute une manœuvre de la part de l’homme d’affaire.
Même sentiment ambivalent lorsqu’Espedito passe un accord avec le militaire bourru incarné par l’inusable Eduardo Fajardo. L’homme se sert de la naïveté d’Espedito pour retourner sa violence contre le peuple.
De manière habile, Giovanni Fago démontre que le geste révolutionnaire est souvent détourné de son but initial par des individus mal intentionnés. Certes, le long-métrage s’inscrit ici pleinement dans une optique gauchiste typique d’un certain cinéma zapatiste, mais cela est toutefois fait avec un certain talent.
Il faut dire que le film est littéralement porté par le jeu outré, mais ô combien jubilatoire, du grand Tomás Milián. L’acteur, qui était pourtant un intellectuel, se glisse à merveille dans la peau de ce paysan illuminé qui devient héros d’une grande cause sans vraiment s’en rendre compte. De quasiment tous les plans, le comédien vampirise l’écran et signe l’une de ses prestations les plus remarquables.
Face à lui, Ugo Pagliai joue l’ambiguïté (sexuelle ?) avec un certain talent, tandis qu’Eduardo Fajardo campe un militaire retors convaincant. Réalisé avec fougue et entrain par Giovanni Fago, le film bénéficie aussi d’une jolie photographie et d’une musique brésilienne agréable de Riz Ortolani. Maître du contrepoint, le musicien livre une partition qui ne ressemble en rien à ce qui se faisait à l’époque et contribue à l’étrangeté manifeste de ce film décidément très original.
Faux western, mais véritable film politique, O Cangaceiro mérite donc largement d’être visionné tant il recèle de surprises. Tour à tour drôle, étonnant, trépidant et même touchant, le film compense ses faiblesses techniques (un montage chahuté) par son enthousiasme quasi juvénile. A redécouvrir donc d’urgence.
A noter que O Cangaceiro ne doit pas être confondu avec un long-métrage brésilien homonyme réalisé en 1953 par Lima Barreto et connu en France sous le titre Sans peur, sans pitié.
Critique du film : Virgile Dumez
© 1971 IFC – Canal Diffusion / Illustration : Averardo Ciriello. Tous droits réservés.