Dynamité par un second degré jouissif, Nuits de cauchemar est une petite série B horrifique qui mérite le culte qui l’entoure désormais. Un spectacle 100% bio.
Synopsis : Bienvenue dans ce petit motel accueillant, un peu à l’écart des grandes artères routières, tenu par un couple des plus folkloriques, Vincent et Ida Smith. Ici on offre tout pour attirer le client en manque de tranquillité et de dépaysement. En prime, la maison fabrique un superbe saucisson, dont la qualité est reconnue dans toute la région environnante. Mais les paisibles tenanciers ont une drôle de recette secrète pour obtenir avec amour et dévouement le plus succulent des produits régionaux !
Kevin Connor remplace Tobe Hooper, un temps envisagé
Critique : Visiblement impressionnés par le succès rencontré par Massacre à la tronçonneuse (Hooper, 1974), Steven-Charles et Robert Jaffe décident d’écrire un scénario qui reprendrait une structure identique, en ajoutant des éléments encore plus perturbants que ceux du brûlot de Tobe Hooper. Ils écument ensuite les différents studios avec leur projet sous le bras et approchent même Hooper qui est un temps attaché au long-métrage.
Toutefois, suite à plusieurs problèmes, le film ne se monte pas et finit par se retrouver sans metteur en scène. Finalement produit en totale indépendance pour la modique somme de 3 millions de dollars, Nuits de cauchemar entre en phase de production grâce à un accord de distribution avec United Artists. Les producteurs engagent le Britannique Kevin Connor qui vient tout juste de débarquer à Hollywood.
Un mets savoureux grâce à un second degré salvateur
Le réalisateur, bien qu’en position de faiblesse, se plaint de l’absence de second degré du script et demande une réécriture qui s’avéra fondamentale dans la réussite du long-métrage. Effectivement, ce qui au départ ne devait être qu’une pâle copie de Psychose (Hitchcock, 1960) et de Massacre à la tronçonneuse, va devenir sous son impulsion une œuvre bien plus intéressante, car dominée par un humour noir assez savoureux.
Conscient des limites de son histoire, Kevin Connor a opté pour un décalage constant qui parvient à être constamment drôle, sans jamais verser dans la parodie ou la condescendance vis-à-vis du genre abordé. En réalité, le cinéaste ne fait que grossir le trait afin de caricaturer une certaine Amérique. Son regard extérieur – rappelons qu’il est anglais – lui permet de se moquer de l’Amérique des rednecks. Il insiste notamment sur les contradictions d’une population qui ne cesse de se référer à Dieu, tout en se comportant de manière totalement déviante avec son prochain.
Une autre idée de l’agriculture biologique
La description de ces braves fermiers qui produisent une viande succulente de manière totalement biologique – mais à base de chair humaine – est absolument tordante, d’autant qu’elle anticipe de plusieurs décennies la mode du tout bio. En se servant d’arguments déjà vus dans L’auberge rouge (les voyageurs détroussés par des aubergistes) ou Soleil vert (la production de viande humaine pour faire face à la demande croissante de nourriture), les auteurs parviennent à obtenir une mixture assez corrosive.
Si l’ensemble est évidemment à voir au second degré, les amateurs d’horreur ne seront pas non plus déçus puisque le dernier quart d’heure offre quelques belles réjouissances comme une visite guidée dans l’antre des fermiers, ou encore ce duel délirant à la tronçonneuse qui tourne à la boucherie. De quoi satisfaire les amateurs de chair fraîche goulûment étalée sur l’écran.
Des acteurs au bon goût du terroir
Mais le film ne serait pas aussi drôle sans la prestation des deux acteurs principaux. Rory Calhoun trouve là le meilleur rôle de sa carrière puisqu’il fait preuve d’un vrai sens du second degré, lui qui a passé son temps à incarner les valeurs de l’Amérique traditionnelle. Face à lui, on ne peut qu’admirer la prestation de Nancy Parsons, absolument irrésistible en sœur dégénérée. Sa prestation sans filet est un modèle d’excentricité, elle qui sera ensuite l’attraction principale de la saga Porky’s. Enfin, saluons l’audace des scénaristes qui se sont triturés les méninges pour offrir un nouveau modèle agricole à l’humanité. Pas sûr qu’ils soient entendus !
Si la réalisation de Kevin Connor est sans doute un peu trop sage pour que le long-métrage accède à une sorte de folie communicative, elle n’en demeure pas moins efficace pour illustrer un script bien délirant.
Petit succès-surprise aux Etats-Unis, Nuits de cauchemar n’a pas particulièrement explosé les records en salles, mais s’est taillé ensuite une jolie réputation grâce au marché florissant de la vidéo. Il a acquis au cours des décennies une aura de petit film culte finalement bien méritée.
Vintage box-office :
Sorti dans 16 salles sur Paris-Périphérie, le film de Kevin Connor est apparu en 9e position, avec 22 000 entrées, c’est-à-dire loin derrière la meilleure entrée de la semaine, Tendres cousines de David Hamilton, qui flirtait avec les 102 000 mignonnes. Nuits de cauchemar devait aussi se battre avec l’increvable Shining qui était en 5e semaine d’exploitation. Nuit de cauchemar était à l’affiche du Max Linder, du Paramount City, du Paramount Bastille, du Paramount Opéra, du Paramount Montmatre, du Paramount Orléans et enfin du Convention Saint Charles, pour ce qui est de l’intra-muros.
Les sorties de la semaine du 19 novembre 1980
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