Municipale est une leçon de citoyenneté qui ne manque pas d’originalité malgré un enlisement à mi-parcours.
Synopsis : La petite ville de Revin, dans les Ardennes, se prépare à élire son maire quand un individu inconnu de tous se porte candidat. Cet intrus n’est autre qu’un comédien, qui va entraîner toute la ville dans une fiction politique.
Plongée dans la France des oubliés
Critique : Des collines noyées sous la brume, une petite pluie fine et pénétrante, des alignements de maisons en brique rouge, la Meuse grise qui serpente paresseusement. Loin de son univers parisien, tel est le paysage qui s’offre à Laurent Papot dès son arrivée à Revin, ville ardennaise installée dans un semi-sommeil depuis que les industries qui ont fait sa gloire (Electrolux, Porcher, Arthur Martin et tant d’autres) ont délocalisé leur activité en Pologne ou ailleurs.
A l’heure où bon nombre de citoyens tourne le dos aux politiques de tous bords, Thomas Paulot, Ferdinand Flame et Milan Alfonsi, amis de lycée et respectivement réalisateur et metteurs en scène de théâtre, s’attellent à un scénario qui détricote l’asservissement du système électoral classique pour proposer d’autres formes d’expression politique à des populations désabusées. Pour donner corps à leur projet, ils jettent leur dévolu sur Revin, emblème de l’industrie sidérurgique et riche d’une histoire économique et sociale mouvementée. Si, sacrifiés sur l’autel du rendement à tous crins, les habitants nourrissent encore quelque amertume à l’égard des media et des politiciens, ils ont aussi créé d’innombrables poches d’amitié et de solidarité qui, en quête d’idées nouvelles, ne demandent qu’à se développer.
Municipale navigue entre documentaire et fiction
Une opportunité que choisissent nos trois compères pour lâcher dans l’arène leur plus bel atout en la personne de Laurent Papot (que l’on a pu voir dans Un peuple et son roi de Pierre Schoeller ou Pour le réconfort de Vincent Macaigne). Comédien et candidat fictif à l’élection municipale, il affirme n’avoir nullement l’intention d’occuper les fonctions de maire et prône l’autogestion. Entre réunions d’équipe, distribution de tracts, visite chez les habitants, recherche de colistiers, Laurent Papot se fait convaincant et suffisamment pédagogue pour entraîner dans son sillage des gens de tous horizons. Et voilà que cette initiative hasardeuse amenée par un inconnu surgi de nulle part suscite enthousiasme chez les plus jeunes, questionnement chez les plus anciens, regain d’énergie communicative pour tous.
Naviguant sans cesse entre documentaire et fiction, Thomas Paulot capte avec intensité des instants de vérité où se chevauchent répliques savoureuses et débats d’idées, jusqu’à ce que plombée par le doute et des problématiques redondantes, la belle envolée initiale s’étiole, prise à son propre piège.
Un procédé qui tourne court
Si le projet atteint ses limites tant scénaristiques que citoyennes, il ouvre la porte à une nouvelle forme de démocratie, refusant de ne considérer les élections, quelles qu’elles soient, que sous l’angle du désarroi et du dépit. N’est-ce pas trop tôt ? Serons-nous prêts un jour ? Saurons-nous gérer cette autogestion ? Telles sont les questions posées restées sans réponse, mais porteuses d’espoir. La dernière image du sourire franc et généreux de Laurent Papot semble bien le confirmer.
Critique de Claudine Levanneur
Les sorties de la semaine du 26 janvier 2022
© 2021 L’Heure d’été – Indéfilms 9 / Affiche : Benjamin Seznec pour Troïka. Tous droits réservés.
