Marriage story est une chronique familiale qui confine au sublime dans son écriture et son approche universelle du couple, pourtant traité dans le microcosme artistico-intellectuel de Noah Baumbach, cinéaste de l’irrésistible qui réussit ici son meilleur long métrage.
Synopsis : Un metteur en scène et sa femme, comédienne, se débattent dans un divorce exténuant qui les pousse à des extrêmes…
Critique : Près de quinze ans après le formidable Les Berkman se séparent, qui l’avait révélé au public français, Noah Bauchman sonde une fois de plus la fin de couple, avançant douloureusement dans le divorce de deux artistes charismatiques, qui s’aiment toujours, mais se voient contraints d’emprunter des chemins différents, aux deux pôles opposés du pays, l’un, mari dramaturge et metteur en scène, restant attaché à la cote Est et New York, où il développe son projet de troupe théâtrale, quand l’autre, épouse et actrice, s’installe à Los Angeles pour le pilote d’une série qui va devenir un succès avec toutes les incidences que cela implique sur le long terme.
A la différence de ce qui se tramait dans les Berkman, Marriage Story laisse le champ des possibles ouvert à la réunion des deux camps, tant l’amour, magnifiquement déclamé dans des lettres longuement lues en introduction, déborde d’une passion de l’autre, dans ses petits riens du quotidien, décrits avec panache. Les personnages froissés que jouent Adam Driver et Scarlett Johansson sont ainsi irrésistibles ; ils bénéficient d’une noblesse de composition, d’écriture, d’une luminosité du mot, du verbe, et d’un éclairage réaliste qui les rend authentiques. Les deux acteurs tombent le masque hollywoodien pour un exercice de cinéma vérité truculent, loin des figures figées des univers de Star Wars et autre Marvel où ils ont su fédérer une armée d’amateurs de psychologie artificielle.
Marriage story, notre histoire d’amour avec un couple, à la folie, passionnément
Le conte conjugal est complice, tendre et intrinsèquement douloureux, avec quelques scènes mémorables qui démontrent l’incroyable talent des deux stars qui se mettent littéralement à nu dans leur déversement de diatribes infectes qui dépassent la pensée de leurs personnages, et qu’ils déclament, plus pour heurter celui qui les a tant blessés que pour se rassurer sur la véracité de leurs sentiments. Baumbach, que l’on a connu plus léger, mais toujours aussi déprimé, dans tous les cas, toujours inspirés par ses personnages, pousse ses deux vedettes très loin dans leur retranchement illustrant la frontière ténue entre amour et haine. Toutefois, dans un parfait exercice d’équilibriste, le cinéaste trouve dans les avocats jubilatoires des deux parties (formidables Ray Liotta et Laura Dern) des contrepoints assez détestables, à la candeur, naïveté et donc à la souffrance des deux conjoints sur le point de se quitter et qu’il nous est impossible de ne pas aimer passionnément.
Dans cet affrontement conjugal, point de Kramer contre Kramer, le mélodrame est surtout une farce dramatique exquise, aux dialogues enlevés, subliment réalisée, avec un score somptueux de Randy Newman qui habille ce délice d’images. In fine, la plus grande réussite de Marriage Story réside dans sa capacité à nous faire tomber d’amour pour ce duo-là. On s’éprend de ses personnages et de ses acteurs. Adam Driver et Scarlett Johansson ravivent notre flamme pour le cinéma, même si celui-ci n’en est plus vraiment, puisque le long métrage ne connaît qu’une diffusion sur les plateformes de streaming et de SVOD Netflix.
Critique : Frédéric Mignard
© Netflix, Heydey Films
Critique : Frédéric Mignard