Made in Hong Kong est la quintessence du film révolté des années 90. Poétique, violent, inspiré. Et surtout éblouissant. Sur fond de la rétrocession de Hong Kong à la Chine, ce bijou de Fruit Chan est un monument à la génération 90.
Synopsis : Hong Kong, été 1997. Mi-Août est un jeune marginal ayant abandonné le collège il y a quelques années pour vivre de menus larcins. Il est à présent collecteur de dettes pour un certain M. Wing, proche des triades locales. Le quotidien de Mi-Août va se trouver bouleversé par deux événements : la découverte par Jacky, petit voyou handicapé mental qu’il a pris sous son aile, de deux lettres d’adieux laissées par une jeune suicidée, et sa rencontre avec la jolie Ah Ping dont il tombe rapidement amoureux. Or cette dernière est atteinte d’une maladie incurable…
© 1997 Nicetop Independent Limited. Tous droits réservés.
Critique : Made in Hong Kong est une œuvre méconnue des cinéphiles en France. En 1999, MK2 Diffusion propose le futur classique de Fruit Chan de façon discrète, deux ans après sa présentation à Locarno. Les miettes au box-office (moins de 4 000 entrées) seront cohérentes avec les entrées de la reprise salle que propose Carlotta en 2018 ; le distributeur faisait alors l’un de ses pires scores annuels, sur une vingtaine de longs métrages diffusée en salle. Fruit Chan était en 1999 inconnu en France et, en 2018, il était tout simplement passé de mode depuis son savoureux Nouvelle Cuisine et ses mets cannibales (2006).
Un arrière-plan historique solide
Poussé par MK2, Wild Side et désormais Carlotta, Fruit Chan, en tant que cinéaste ingénieux, se doit pourtant d’être redécouvert. Made in Hong Kong, lui, mérite un autel. Un culte. Le sujet – la délinquance juvénile, le trafic de drogue, l’endettement des familles monoparentales, sur fond de rétrocession historique de Hong Kong à la Chine – est passionnant. Le récit peut aussi désormais être vu par le prisme de l’actualité (la répression chinoise sur les étudiants hongkongais, l’oppression d’un régime qui veut faire marcher au pas cet ancien territoire britannique). Cependant, c’est bien un aspect universel qui transpire dans son récit de révolte et de poésie adolescente.
Un autel à la génération 90
Au firmament des productions jeunes et tempétueuses des années 90, cette déferlante issue de la Nouvelle Vague hongkongaise s’apparente autant au poétique My Own Private Idaho de Van Sant qu’aux chaotiques ersatz de Tarantino (True Romance que le réalisateur de Réservoir Dogs avait écrit, par exemple), avec cette vibe indépendante empruntée au cinéma de Godard, dont Jarmush ou Hal Hartley avaient perpétué le culte durant toute la décennie.
Made in Hong Kong, dans sa furie naturaliste, ses explosions de violence parfois gore (le film est interdit aux moins de 16 ans) et son incarnation désespérée de la vie (le suicide d’une jeunesse sans lendemain, la maladie qui fige la beauté de la jeunesse à tout jamais) est un monument à la génération 90 qui y retrouvera tous les éléments qui ont pu la faire vibrer à cette époque.
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Malgré sa temporalité, le désormais classique de Fruit Chan parle énormément aux autres générations. La virtuosité de la réalisation, son montage effréné, ses trouvailles de réalisation, son sens impitoyable du rythme en font un objet de cinéma à louer. Pour un vrai premier film (on oublie les premiers essais de Fruit Chan), c’est un coup de maître. L’instant presse, l’impatience et le sentiment d’urgence n’ont de sens que dans la richesse de l’arrière-plan et des personnages entre eux. Dans une zone où l’humain baigne dans le nauséeux et un déterminisme crasse, des étincelles de beauté rendent le drame d’une jeunesse à fleur de peau, brillant dans ses exaltations existentielles.
Made in Hong Kong est le prototype du cinéma culte, total et immanquable
Plus de deux décennies après sa sortie, le chef d’œuvre de Fruit Chan est un pur miracle, désormais transcendé par sa propre copie HD, malgré le grain parfois disgracieux de scènes tournées avec des restes de pellicule trouvés ici et là, et donc pas toujours de bonne qualité. Au-delà du système D, le cinéaste a surmonté les épreuves. Fruit Chan a écrit, dirigé, monté et auto-produit le projet, arrivant à un résultat insensé. Le nabab Andy Lau, impressionné, est venu in fine doubler l’apport d’argent pour financer la finalisation du film, aider sa sortie et les ventes à l’étranger.
Se dire cinéphile et amateur de cinéma coréen en 2021 (la fameuse génération Parasite) et ne pas avoir vu la version HD de Made in Hong Kong est désormais une erreur à corriger fissa. Attention, le collector de Carlotta est limité en Digipack à 1000 exemplaires... Foncez.
La jeunesse paumée au cinéma
Les sorties du 6 octobre 1999
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