Pâtissant d’un script absurde, L’homme le plus dangereux du monde n’a pas grand intérêt sinon une juste dénonciation de la révolution culturelle maoïste. Un peu léger.
Synopsis : Un scientifique américain est envoyé en Chine communiste afin de voler un enzyme qui pourrait révolutionner l’agriculture. Mais, ses patrons ont implanté une puce dans son cerveau : s’il échoue, ils peuvent ainsi le tuer en faisant exploser la bombe inclut dans la puce.
La dernière collaboration entre Jack Lee Thompson et Gregory Peck
Critique : Alors qu’ils viennent de tourner ensemble L’or de MacKenna (1969) pour le producteur Carl Foreman, le réalisateur Jack Lee Thompson et la star Gregory Peck décident de se retrouver moins d’un an plus tard pour un film d’espionnage intitulé en France L’homme le plus dangereux du monde (1969). Il faut dire que les deux hommes se connaissent bien puisqu’ils ont déjà tourné ensemble Les canons de Navarone (1961) et Les nerfs à vif (1962), deux films importants dont le premier surtout fut un triomphe mondial.
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Alors que Gregory Peck a toujours déclaré ne pas aimer L’or de MacKenna, on pouvait se demander pourquoi il remet le couvert aussitôt avec Jack Lee Thompson. En réalité, la production compliquée du western a largement retardé sa sortie et celui-ci n’est donc pas encore sur les écrans lorsque débute le tournage de L’homme le plus dangereux du monde. Si le western spectaculaire pâtissait déjà de choix artistiques douteux, le film d’espionnage va s’avérer bien pire et va ainsi enterrer pour de bon la collaboration entre les deux artistes.
Une analyse géopolitique déjà dépassée à l’époque
Inspiré d’un roman de Jay Richard Kennedy, L’homme le plus dangereux du monde était initialement un projet attaché à Frank Sinatra, Spencer Tracy et Yul Brynner. L’auteur étant un ancien espion, il connaît a priori les rouages du métier et tente donc de donner une vision plus réaliste de cette activité. Malheureusement, son histoire d’espionnage industriel tire vers la science-fiction la plus absurde et rend donc ses observations caduques.
Pire, le film décrit une situation géopolitique totalement conjoncturelle et qui a rapidement été dépassée par la réalité. Ainsi, les auteurs ont voulu dénoncer les dangers de la révolution culturelle chinoise et ont parié sur une alliance entre les Etats-Unis et l’URSS pour faire plier la nouvelle puissance chinoise. Ils s’appuyaient pour cela sur les échauffourées entre Soviétiques et Chinois le long de leur frontière commune.
Pourtant, les auteurs ne pouvaient absolument pas prévoir le renversement d’alliance qui allait s’opérer moins de deux ans après la sortie du film, à savoir un rapprochement entre les Etats-Unis et la Chine, contre l’URSS (symbolisé par la visite officielle de Nixon en Chine en février 1972). La théorie développée dans le long-métrage s’effondre donc d’elle-même et rend obsolète son intrigue.
Le film dénonce avec justesse les dérives de la révolution culturelle chinoise
Par contre, les critiques françaises de l’époque – dont la plupart étaient largement influencées par des idées de gauche, voire d’extrême gauche – ont détruit le film en disant qu’il s’agissait d’une vision orientée de la révolution culturelle chinoise. Avec le recul historique, nous pouvons pourtant désormais valider les séquences qui montrent la violence intrinsèque des gardes rouges à l’encontre de la vieille intelligentsia chinoise. Ces images qui étaient considérées à l’époque comme de la propagande antichinoise sont finalement assez proches de ce qui se passait sur place. On notera d’ailleurs que le long-métrage a été tourné à Hong Kong et aussi à Taïwan, ce qui ajoute une touche de réalisme au film.
Encore une fois, le principal problème de L’homme le plus dangereux du monde n’est pas tant son discours que sa forme discutable et ses choix artistiques. Au passage, ceux qui en ont fait un monument de propagande n’ont sans doute pas regardé les dernières minutes où les auteurs font des puissances occidentales des rapaces aussi dangereux dans leurs méthodes que les communistes vus précédemment. Le cinéaste a donc l’intelligence de renvoyer tout ce beau monde dos à dos.
Il n’est malheureusement pas aussi doué pour développer une intrigue crédible. On ne croit jamais à cette histoire de micro implanté dans le crane du héros. Pire, cette idée saugrenue donne lieu à des séquences assez ridicules où Gregory Peck doit parler seul dans des pièces vides, tandis que les pauvres Arthur Hill et Alan Dobie sont contraints de l’écouter enfermés dans un QG un peu cheap durant toute la durée du film.
Beaucoup trop de séquences ridicules ruinent le crédibilité du film
L’alternance constante entre les événements se déroulant en Chine et la salle du QG rend le film ennuyeux. On peut également sourire devant certaines scènes ridicules, comme cet échange entre le scientifique-espion incarné par Gregory Peck et Mao alors qu’ils jouent au tennis de table. C’est ici l’illustration littérale – et donc ridicule – de ce que l’on a appelé la diplomatie du ping-pong.
Les séquences où l’espion démasqué cherche à fuir la Chine ne sont pas beaucoup plus crédibles et il semble vraiment facile de quitter un pays pourtant très contrôlé. Certes, Jack Lee Thompson sait toujours être efficace lors des scènes d’action et il profite d’une bonne composition musicale de Jerry Goldsmith pour accompagner ses images, mais L’homme le plus dangereux du monde ne parvient jamais à décoller vraiment et s’avère un échec artistique patent.
Véritable bide aux Etats-Unis, le film n’a pas non plus brillé en France. Sorti moins de six mois après L’or de MacKenna, le métrage a réalisé deux fois moins d’entrées que son prédécesseur avec seulement 620 790 anticommunistes au compteur. Ce qui apparaît finalement comme plutôt mérité.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 10 septembre 1969
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