L’homme de désir : la critique du film (1971)

Drame, LGBTQ | 1h37min
Note de la rédaction :
7/10
7
Jaquette 2017 de L'homme de Désir de Dominique Delouche

  • Réalisateur : Dominique Delouche
  • Acteurs : Emmanuelle Riva, François Timmerman, Éric Laborey
  • Date de sortie: 17 Mar 1971
  • Nationalité : Française
  • Scénario : Dominique Delouche
  • Photographie : Serge Bourgoin, Jean Bourgoin
  • Distributeur : Les Films du Prieuré
  • Editeur DVD : L'Harmattan (2017)
  • Box-office Paris-Périphérie :
  • Festival : Sélection officielle Cannes 1971 - Semaine de la Critique (Prix Max Ophuls)
Note des spectateurs :

En avance sur son temps, ce drame passionnel embrassait une thématique homosexuelle avec une modernité déconcertante. Malgré un Prix à Cannes, L’homme du désir fut un échec et disparut de la circulation…

Synopsis : Sur la route de Paris, Etienne, un écrivain humaniste, prend à bord de sa voiture un auto-stoppeur, Rudy, un jeune homme à la dérive qui fait partie d’une bande de mauvais garçons. Rapidement attiré par Rudy, Etienne aimerait bien l’aider à se sortir de son milieu. Pour cela, il l’invite dans sa maison de campagne où son épouse l’accueille avec beaucoup de gentillesse. Mais Rudy ne supporte pas longtemps la paix de ce foyer et s’enfuit. C’est dans un commissariat qu’Etienne retrouve le jeune délinquant. Il le fait libérer, assurant qu’il se porte garant de sa bonne conduite, et le ramène à nouveau chez lui.

Dominique Delouche, l’homme de désir et de tabou

Critique : Dominique Delouche a convaincu Emmanuelle Riva d’apporter son soutien à un projet à la thématique homosexuelle taboue en 1969. L’artiste, féru de beaux arts, en particulier de danse et de musique classique, et qui avait déjà fait tourner Danielle Darrieux dans une adaptation d’un roman de Stefan Zweig, n’avait nullement pour intention de susciter la polémique. Son film n’a de scandaleux qu’un sujet trop en avance pour son temps, puisque l’intrigue est davantage centrée sur une réflexion autour d’un amour passionnel, celui d’un homme bourgeois marié pour un jeune homme, délinquant révolté, qui casse tout ce qu’il touche sur le droit chemin de l’autodestruction. Entre ces deux âmes en souffrance, chacune à leur façon, on retrouve Riva en épouse excentrique, complice dans les secrets de son époux, personnage atypique pour son temps, dont le sacrifice de soi n’est jamais traité unilatéralement dans le mélodrame, mais plutôt avec la maturité d’un auteur à la vision romancée et exaltée de la femme au foyer…

Ardent dans ses passions, capable d’exprimer à voix haute l’amour le plus interdit, dans une société de violence, où les corps se vendent, où la trahison blesse, et la police veille, L’homme de désir est magnifique dans son noir et blanc intemporel, écrin sublimé sur la copie restaurée du DVD de L’Harmattan. La profondeur des champs qui opposent les zones grises urbaines et une campagne quasi irréelle, à la beauté spectrale et à l’onirisme prégnant, apporte au film une beauté manifeste et nourrit la binarité d’une société de fin de décennie dans l’ébullition des émotions et des colères.

La passion par l’émancipation

Œuvre des sens interdits, où la culture, l’éducation apportent aussi une émancipation intellectuelle, là où l’on n’aurait pu redouter qu’étouffement et oppression, le film de Dominique Delouche est trop complexe pour se figer dans les clichés, la facilité de l’exhibition, même si la tentation de l’imagerie homo-érotique de la petite frappe présente tout au long du film, est une étape manifeste dans la construction d’un cinéma homosexuel alors à ses balbutiements.

Sorti une semaine après la diffusion d’une émission de Ménie Grégoire, interrompue par des militants gays, en plein débat sur ce qui était perçu comme une déviance ou une anomalie sexuelle, le film a au moins charmé la critique, convaincue par ses impressionnantes qualités picturales et psychologiques. Malheureusement le film, qui connut un passage dans une section parallèle à Cannes et un joli prix, ne put bénéficier du soutien des salles qui, en 1971, préféraient vendre la chair qui s’exhibait “h”ardemment, dans un nouveau type de cinéma, paillard et cochon, loin de la sensibilité du film de Delouche, un classique qui ne le deviendra jamais vraiment, mais qui, au moins, est parvenu à survivre à l’oubli absolu grâce au second souffle de la restauration offerte aux films d’un 7e art de l’histoire qui ne devront jamais périr.

Critique  : Frédéric Mignard

Disponible en DVD et VOD sur le site de L’Harmattan

Sorties de la semaine du 17 mars 1971

Jaquette 2017 de L'homme de Désir de Dominique Delouche

© DVD 2017 L’Harmattan / Dominique Delouche / Les Films du Buisson

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