Les herbes sèches marque le retour à Cannes du cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan, neuf ans après la Palme d’or Winter Sleep. A travers son nouveau long contemplatif, le cinéaste évoque les illusions des jeunes professeurs envoyés sur des terres hostiles d’Anatolie.
Synopsis : Samet est un jeune enseignant dans un village reculé d’Anatolie. Alors qu’il attend depuis plusieurs années sa mutation à Istanbul, une série d’événements lui fait perdre tout espoir. Jusqu’au jour où il rencontre Nuray, jeune professeure comme lui…
Nuri Bilge Ceylan, un habitué du Festival de Cannes
En savoir plus : Pour son grand retour après cinq ans d’absence (Le poirier sauvage est sorti en 2018), le réalisateur Nuri Bilge Ceylan se retrouve une nouvelle fois en compétition à Cannes. Une évidence de programmation pour ce chantre du cinéma contemplatif qui aime grater sous le vernis sociologique de son pays. En 2002, Uzak, son 3e film, est récompensé d’un prix d’interprétation masculine. En 2007, l’auteur retrouve la Sélection officielle avec Les climats, Prix FIPRESCI de la critique internationale. Il est honoré du prix de la mise en scène pour Les trois singes en 2008, gratifié du Grand Prix en 2011 avec Il était une fois en Anatolie qui dépasse les 2h30 de durée. Son premier film fleuve.
Avec Winter Sleep, en 2014, Nuri Bilge Ceylan triomphe au Palmarès avec une Palme d’or récompensant 3h16 de cinéma exigeant. Les spectateurs essaient de découvrir le film par curiosité. 360 000 entrées, c’est peu pour une Palme, mais beaucoup pour un cinéma aussi radical dans sa lenteur inhérente au travail du peintre des émotions et de l’atavisme.
Les Herbes sèches. © Nuri Bilge Ceylan
En 2018, l’auteur de marque réitère avec Le poirier sauvage, un retour en Anatolie pour 3h08 de métrage. Le jury de Cate Blanchett ne le récompensera pas pour autant. Le cinéaste a à peu près tout obtenu et l’Australienne ne semble pas sensible au charme réel de son cinéma pour spectateurs courageux.
Les Herbe sèches et les climats imposés aux jeunes enseignants en Turquie
Avec Les herbes sèches, Nuri Bilge Ceylan retrouve Memento Distribution qui le suit depuis 2011 et Il était une fois en Anatolie. Le distributeur français a d’ailleurs coproduit ce long très long de 3h17, avec la Turquie et l’Allemagne. Cette nouvelle collaboration, écrite, produite et montée par le cinéaste aux casquettes toujours multiples, obtient la satisfaction d’une septième sélection en compétition. Il faut dire que l’auteur doit tout à ce festival, notamment un succès en France qui ne se dément pas, avec des productions de moins de 3 millions d’euros qui écoulent leur rythme auprès de 120 à 150 000 spectateurs, si l’on écarte la Palme (360 000), son premier long à être sorti en France (Nuages de mai, 2001, aux chiffres anecdotiques) et Les trois singes en 2009 dont l’échec se soldera aussi par une séparation avec le distributeur Pyramide Films.
Dans Les herbes sèches, Nuri Bilge Ceylan évoque une problématique très française : la mutation difficile des jeunes professeurs et donc fonctionnaires, dans des zones où personne ne souhaite s’installer. Evidemment, chez le cinéaste, pas de banlieue grise, mais les paysages froids de l’Anatolie orientale qui lui est cher. Cette zone de désespoir et de solitude pour beaucoup, c’est tout ce que la jeunesse turque désire éviter lui préférant la vie plus remuante d’Istambul. En Turquie, on n’emploiera pas d’ailleurs le terme de mutation, mais de « Service obligatoire ».
Les herbes sèches, probable nouveau jalon dans la filmographie du cinéaste du réel poétique gravé dans la vie de ses protagonistes, évoquera donc les illusions d’une jeunesse à l’idéologie forte des premiers instants, chamboulés par le contact avec un terrain au climat et paysages hostiles. Le terreau des remises en question et du beau cinéma contemplatif, très certainement.
Tous les films du festival de Cannes 2023
Affiche officielle – 76e édition © Photo de Jack Garofalo/Paris Match/Scoop – Création graphique © Hartland Villa
Le Cercle Noir pour Fidélio Photos © Nuri Bilge Ceylan