Les amants sacrifiés : la critique du film (2021)

Drame, Historique, Espionnage, Guerre | 1h55min
Note de la rédaction :
7/10
7
Les amants sacrifiés, l'affiche

  • Réalisateur : Kiyoshi Kurosawa
  • Acteurs : Yû Aoi, Issey Takahashi, Masahiro Higashide
  • Date de sortie: 08 Déc 2021
  • Nationalité : Japonais
  • Titre original : Supai no tsuma
  • Titres alternatifs : Wife of a Spy (titre international) / La mujer del espía (Espagne) / Mulher de Um Espião (Portugal) / Żona szpiega (Pologne) / Moglie di una spia (Italie) / A Mulher de um Espião (Brésil)
  • Année de production : 2020
  • Scénaristes : Ryūsuke Hamaguchi, Tadashi Nohara et Kiyoshi Kurosawa
  • Directeurs de la photographie : Tatsunosuke Sasaki, Nakaya Kimura
  • Compositeur : Ryōsuke Nagaoka
  • Société(s) de production : C&I Entertainment, ENBU, Seminar, Incline, Kirinzi, NHK Enterprises, NHK, Weroll
  • Distributeur : Art House
  • Éditeur(s) vidéo : Arte Editions (DVD et blu-ray, 2022)
  • Date de sortie vidéo : 19 avril 2022 (DVD et blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 70 064 entrées / 26 884 entrées
  • Box-office nord-américain : 69 464 $
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleurs (8K) / Son : D-Cinema 48kHz 5.1
  • Festivals et récompenses : Mostra de Venise 2020 : Lion d'argent du meilleur réalisateur / Asian Film Awards 2021 : prix du meilleur film, de la meilleure actrice pour Yū Aoi et des meilleurs costumes pour Haruki Koketsu / Prix Kinema Junpō 2021 : prix du meilleur film et prix du meilleur scénario pour Ryūsuke Hamaguchi, Tadashi Nohara et Kiyoshi Kurosawa
  • Illustrateur / Création graphique : Jeff Maunoury. Tous droits réservés.
  • Crédits : C&I Entertainment, ENBU, Seminar, Incline, Kirinzi, NHK Enterprises, NHK, Weroll
Note des spectateurs :

Avec Les amants sacrifiés, Kiyoshi Kurosawa revient avec force sur les horreurs pratiquées par les Japonais en Chine durant les années 30. Ce récit à la fois romanesque et historique revêt donc une grande importance sur le plan mémoriel.

Synopsis : Kobe, 1941. Yusaku et sa femme Satoko vivent comme un couple moderne et épanoui, loin de la tension grandissante entre le Japon et l’Occident. Mais après un voyage en Mandchourie, Yusaku commence à agir étrangement… Au point d’attirer les soupçons de sa femme et des autorités. Que leur cache-t-il ? Et jusqu’où Satoko est-elle prête à aller pour le savoir ?

Kurosawa expérimente une technologie 8K qui laisse dubitatif

Critique : Cela fait maintenant plus d’une décennie que le réalisateur Kiyoshi Kurosawa, révélé par le genre horrifique avec des œuvres souvent étranges, se conforme à un cinéma d’auteur plus classique, sans pour autant perdre en qualité. Ainsi, il a signé quelques œuvres importantes comme Vers l’autre rive (2015) et Au bout du monde (2018). En 2020, il accepte une commande de la société Nikkatsu qui veut produire et distribuer un film tourné avec une nouvelle technologie numérique très performante, à savoir la 8K.

Kiyoshi Kurosawa retrouve à la même époque un de ses anciens élèves, le réalisateur Ryûsuke Hamaguchi (Senses en 2015 et plus récemment Drive my Car en 2021) avec lequel il choisit de collaborer pour écrire un film historique visant à dénoncer les agissements des Japonais durant la Seconde Guerre mondiale. Les amants sacrifiés (2021) reçoit l’aval des financiers et peut ainsi bénéficier de la technologie la plus performante en matière de captation numérique. Toutefois, la 8K propose une telle précision chirurgicale que cela pose un véritable défi aux équipes techniques. Effectivement, les images issues de la captation sont trop précises et ne délivrent pas un rendu cinématographique convaincant. Pour Kiyoshi Kurosawa, le défi a donc consisté en la dégradation de l’image pour lui donner un aspect plus esthétique et cinématographique. Autant dire que le résultat final n’est pas nécessairement très probant. Avec l’accentuation des éclairages à contre-jour, la photographie de Les amants sacrifiés est loin d’être le point fort d’un long-métrage qui souffre clairement de ce manque de contrastes de la photographie.

Les amants sacrifiés dénonce les horreurs commises par les Japonais dans les années 30-40

Pour apprécier le film, il faut donc faire abstraction du rendu trop brut de l’image et se concentrer sur le scénario et les acteurs, heureusement tous les deux excellents. Tout d’abord, le film épouse une forme romanesque intéressante et tarabiscotée, mais qui sert un propos absolument historique quant à la rhétorique japonaise. Ainsi, Les amants sacrifiés évoque désormais sans détour les horreurs pratiquées par les Japonais sur les Chinois en Mandchourie. Le métrage dénonce, documents d’époque à l’appui, les recherches scientifiques menées dans le célèbre laboratoire dénommé : Unité 731. Pour mémoire, ce lieu situé dans l’Etat fantoche du Mandchoukouo (en Mandchourie, au nord de la Chine, alors occupée par le Japon) a permis de réaliser des expérimentations sur des êtres humains entre 1932 et 1945. Les scientifiques japonais se sont servis de cobayes humains pour effectuer des recherches sur le bacille de la peste, afin de développer des armes bactériologiques.

A travers l’histoire de ce couple d’espions japonais pris dans la tourmente de la guerre sino-japonaise, puis de la Seconde Guerre mondiale, Kurosawa et Hamaguchi font donc œuvre d’historiens en dénonçant auprès du grand public local des agissements jusque-là niés par le pouvoir en place. En cela, Les amants sacrifiés est donc un film doublement historique, puisqu’il dénonce une situation réelle des années 30, tout en étant une œuvre fondatrice de la mémoire collective nippone et de la mauvaise conscience de cette population qui a mis près d’un siècle pour se pencher sur sa responsabilité.

Un film inégal, mais non dénué de fulgurances

Il faut pour cela patienter une bonne demi-heure durant laquelle le cinéaste présente les différents personnages, sans que l’on voit où il veut en venir. Cette première partie est quelque peu confuse, et entachée par une esthétique particulière demandant un temps d’adaptation. Une fois que l’intrigue à proprement parler est installée, le métrage prend enfin son envol et se révèle capable de fulgurances. Par exemple, on adore la révélation de ce qui se trame par le biais de documents d’archives qui font froid dans le dos. Enfin, par son final apocalyptique qui voit l’effondrement de l’empire japonais, Les amants sacrifiés rappelle certains moments de Kaïro (2001), démontrant un goût toujours intact de Kurosawa pour des scènes de destruction massive. En un plan quasiment onirique, le cinéaste parvient à signifier l’écroulement complet d’un monde, tout en concluant l’histoire des deux amoureux de manière particulièrement dure et ironique.

Le film ne serait pas aussi réussi sans la prestation remarquable de l’actrice principale Yû Aoi qui se consume d’amour pour son mari glacial et manipulateur interprété avec maestria par Issey Takahashi. Grâce à eux, le spectateur parvient à se passionner pour le destin de ces deux résistants à la doxa nationaliste incarnée par le militaire obtus joué par Masahiro Higashide.

Les amants sacrifiés, victime de la crise de l’art et essai

Sorti dans les salles françaises au mois de décembre 2021, alors que l’art et essai était en très mauvais point, Les amants sacrifiés a plutôt bien démarré à Paris. Lors de sa première séance parisienne, le film japonais au sujet pas très commercial a déplacé 600 spectateurs dans seulement 10 salles, soit une excellente moyenne de 60 personnes par site. Confirmation de ces très bons chiffres le premier jour avec une excellente moyenne par copie. A la fin de sa première semaine parisienne, le film a intéressé 13 536 nippons, avant de chuter d’environ 50 % la semaine suivante. Finalement, le métrage a terminé son exploitation avec 26 884 tickets vendus à Paris.

En province, le distributeur Art House a pu positionner le long-métrage dans 94 salles pour un résultat à 27 949 entrées. L’exploitation s’est ensuite poursuivie durant tout le mois de décembre pour parvenir à doubler cette première semaine avec 70 064 férus d’histoire asiatique. Un résultat très positif si l’on tient compte d’un contexte très défavorable pour le cinéma d’auteur ces deux dernières années. Quant à Kiyoshi Kurosawa, qui n’a jamais franchi les 100 000 entrées France sur une vingtaine de films, le score est favorable, quelque part entre les 95 000 entrées de Tokyo Sonata (2009) et les 68 000 entrées du tome II de Shokuzai en 2013.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 8 décembre 2021

Acheter le film en blu-ray

Voir le film en VOD

Les amants sacrifiés, l'affiche

© 2021 C&I Entertainment – ENBU – Seminar – Incline – Kirinzi – NHK Enterprises- NHK – Weroll / Affiche : Jeff Maunoury. Tous droits réservés.

Biographies +

Kiyoshi Kurosawa, Yû Aoi, Issey Takahashi, Masahiro Higashide

Trailers & Vidéos

trailers
x
Les amants sacrifiés, l'affiche

Bande-annonce de Les amants sacrifiés (VOstf)

Drame, Historique, Espionnage, Guerre

x