Le détour (Saturday Night) : la critique du film (1922)

Comédie, Romance, Muet | 1h42min
Note de la rédaction :
8/10
8
Le détour, l'affiche du film de 1922

Note des spectateurs :

Comédie savoureuse, Le détour oppose les classes sociales du début du 20ème siècle par la grâce d’un script bien écrit et d’une réalisation impeccable. Assurément un grand film.

Synopsis : Les riches Iris Van Suydam et Richard Prentiss sont sur le point d’annoncer leurs fiançailles. Mais le sort, en la personne d’une femme de ménage qui nettoie l’escalier de service, en a décidé autrement : la blanchisseuse tombe dans l’escalier principal et Richard la raccompagne chez elle. Piquée, Iris part se promener en voiture avec son chauffeur. Celui-ci lui sauve la vie lors d’un spectaculaire accident et ils tombent amoureux. Iris épouse donc son chauffeur et Richard sa blanchisseuse.

DeMille signe une comédie sociale classique, mais efficace

Critique : Actrice et scénariste confirmée, Jeanie Macpherson collabore avec le réalisateur Cecil B. DeMille depuis 1915 et le film Forfaiture qui a rencontré un joli succès. Dès lors, les deux complices ont enchaîné les collaborations, dans des genres très différents les uns des autres. Désormais davantage connu pour ses fresques religieuses, Cecil B. DeMille a pourtant réalisé bon nombre de films dramatiques, mais aussi quelques comédies dont Le détour qui s’avère une excellente surprise.

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© 2015 Bach Films. Tous droits réservés.

Si la situation de départ est assez classique puisqu’un événement extérieur pousse un homme du monde à s’enticher d’une blanchisseuse, tandis que sa promise se jette dans les bras de son chauffeur. L’occasion pour les auteurs d’explorer deux classes sociales bien distinctes dans la société américaine du début du 20ème siècle, d’un côté l’aristocratie qui s’arc-boute sur ses privilèges et de l’autre la domesticité du bas peuple.

Une vision sociale pessimiste, mais plutôt réaliste

Au départ, les auteurs s’ingénient à brouiller les repères sociaux en supposant que l’amour peut briser toutes les barrières sociales. Toutefois, là où d’autres longs-métrages se seraient interrompus sur un happy end, la comédie cherche à prouver que l’amour, même le plus pur, aura bien du mal à résister à la pression sociale et aux diktats de la norme sociétale.

Cecil B. DeMille crée des scènes comiques particulièrement drôles en plongeant une jeune fille vulgaire au cœur d’une aristocratie guindée, tandis que sa consœur aristocrate est contrainte de subir les soirées arrosées de son mari issu du prolétariat. Certes, l’opposition entre ceux qui aiment l’opéra et ceux qui ne jurent que par le jazz (genre très populaire au début des années 20) est un peu schématique, mais cela passe très bien dans le cadre d’une comédie comme celle-ci. D’autant que le constat de l’incompatibilité des classes sociales n’est pas inintéressant. DeMille et sa scénariste ne se font juge ni de l’une, ni de l’autre, mais constatent simplement le caractère irréconciliable de deux modes de vie radicalement différents et de deux cultures peu compatibles.

DeMille en profite aussi pour tourner quelques séquences spectaculaires

Pour dynamiser son long-métrage, DeMille signe quelques scènes spectaculaires plutôt inattendues dans le cadre d’un film comique : il s’agit de l’impressionnant accident entre un train et une voiture, mais aussi de l’incendie final qui précipite la résolution de l’intrigue. Les cinéphiles pourront d’ailleurs noter que cette intrusion soudaine d’un incendie spectaculaire a été à nouveau utilisé par les auteurs dans l’excellent Les damnés du cœur (1929).

Porté par des acteurs particulièrement bien dirigés, Le détour est donc une comédie savoureuse qui n’a finalement pas tant vieilli que cela dans son discours. Elle a connu à l’époque de sa sortie américaine un franc succès et a ainsi permis de confirmer l’importance de DeMille à Hollywood. L’année suivante, il pouvait ainsi mettre en chantier une production de grande envergure appelée à rester dans l’histoire du cinéma, à savoir la version muette des Dix Commandements (1923).

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Critique de Virgile Dumez

Le détour, l'affiche du film de 1922

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