Le désert de la peur : la critique du film + le test DVD (1959)

Guerre | 2h05min
Note de la rédaction :
8/10
8
Le désert de la peur, affiche cinéma 1959

  • Réalisateur :
  • Acteurs : Harry Andrews, Anthony Quayle, John Mills, Sylvia Syms, David Lodge
  • Date de sortie: 15 Mai 1959
  • Nationalité : Britannique
  • Titre original : Ice Cold in Alex
  • Scénariste : T. J. Morrison, Christopher Landon
  • Société de production : Boétie Films Distribution
  • Distribution : Boétie Films Distribution, L'Union des Producteurs de Films (pour Paris-Périphérie)
  • Editeur vidéo : Tamasa, Studiocanal
  • Date de sortie vidéo : 16 juin 2020
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 531 888 entrées / 77 631 entrées
  • Classification : Tous publics
  • Format : 1.66 : 1 / Mono
  • Festivals : Grand Prix de la Critique Internationale, Berlin 1958, 4 nominations aux BAFTA (Meilleur film, Meilleur film britannique, scénario, Acteur)
  • Crédits : 1958 StudioCanal Films LTD - DVD copyrights Tamasa
Note des spectateurs :

Moins film de guerre que road movie en temps de conflit, Le désert de la peur séduit surtout par l’efficacité de son suspense. L’un des meilleurs opus de J. Lee Thompson.

Synopsis : Pendant la Seconde Guerre mondiale, un groupe de secours de l’armée américaine se retrouve séparé des troupes dans le Sahara. Le chemin à parcourir est long et difficile. Le leader de l’équipe ne peut s’empêcher de rêver à la bière glacée qu’il pourra s’offrir en arrivant à Alexandrie.

Critique : Dans la carrière très inégale de J. Lee Thompson (Les Canons de Navarone aussi bien que Le Justicier braque les dealers …), Le désert de la peur est une bonne, voire une très bonne surprise.

Si l’on excepte un début un peu lent et une toute fin laborieuse, ce road movie en temps de guerre repose sur un scénario classique mais efficace : quatre personnages doivent surmonter des embûches pour parvenir à Alexandrie ; on sait que ce modèle éprouvé (que l’on songe à Aventures en Birmanie ou au salaire de la peur, évoqué ici explicitement) ouvre dans deux directions : le suspense, et l’aspect initiatique.

De ce point de vue, Le désert de la peur ne démérite pas. Les morceaux de bravoure s’enchaînent à un rythme régulier, tous différents, et relancent perpétuellement l’action en même temps que l’intérêt. Étape par étape, les quatre protagonistes doivent traverser un champ de mine, réparer des amortisseurs avec un cric en moins, sauver l’un des leurs pris dans un bourbier, et franchir une dune de sable avec une ambulance qui n’est pas prévue pour cet obstacle.

À chaque fois, le suspense savamment distillé (ah ! Ces pierres qui se brisent alors qu’elles soutiennent le véhicule…) tient de la mécanique d’horlogerie : le tempo est parfait, le montage alterné maîtrisé, rien à redire. Thompson varie aussi sa mise en scène, sait jouer de la profondeur de champ ou des contre-plongées pour intensifier des situations déjà délicates. Par moments, il se révèle étonnamment inventif dans la scénographie : les personnages s’opposent visuellement, ou au contraire semblent prendre la pose devant l’objectif.

Un voyage initiatique

Mais le scénario serait incomplet si des tensions internes ne venaient aggraver la trame narrative. Ainsi a-t-on un personnage principal, interprété avec un rien trop d’insistance par John Mills, torturé par la culpabilité ; un autre venu sur le tard aux agissements suspects, une infirmière que les épreuves vont endurcir mais qui va aussi, convention oblige, tomber amoureuse du héros ; et tout cela sous le regard du quatrième larron, plus fade, qui se contente souvent de commenter ou de révéler (par exemple l’alcoolisme d’Anson) même s’il participe efficacement à toutes les péripéties. Ce cocktail détonant, quoique légèrement prévisible, permet que même les moments plus faibles tiennent, sans se diluer dans des dialogues explicatifs ou psychologiques.

Le desert de la peur (Ice Cold in Alex) promoComme dans les plus grands classiques, c’est dans l’action que les hommes découvrent leur valeur, qu’ils s’affirment. En ce sens, le voyage permet de se connaître en découvrant les autres, et débouche sur une morale implicite, qui brasse des grands thèmes tels que la culpabilité et le rachat, la fraternité, le courage. Rien de nouveau, dira l’amateur de films hollywoodiens. Au moins ces thèmes sont-ils traités sans caricature (encore une fois, si l’on excepte les dernières répliques, bêtement explicites), avec même une pointe d’émotion, par exemple pendant l’enterrement de l’infirmière. On regrettera quelques passages plus mous, notamment la scène d’amour assez fade, mais l’impression générale est très favorable : on ne décroche pas de cette aventure haletante.

Le désert de la peur, film précurseur ?

Terminons par deux curiosités : la première est annoncée par le titre original, la bière glacée qui devient le but ultime, Graal dérisoire et pourtant majeur, et donne lieu à une fort belle séquence. La seconde se situe au début du film : pendant l’exposition apparaît un général fantoche qui explose de manière quasi comique ; certes, on n’est pas dans MASH (Altman, 1970) ou Catch 22 (Mike Nichols, 1970), mais on sent pointer la satire qui s’épanouira quelques années plus tard. Ne parlons pas d’antimilitarisme, mais dans cette œuvre sage, la moquerie et le refus de condamner l’ennemi a priori ouvrent sur des conceptions moins nationalistes du film de guerre, petite brèche qui mettra du temps à s’élargir.

Le saviez-vous ?

Sorti le même jour que La mouche noire en France, Le désert de la peur a eu un petit impact sur Paris-périphrie où seulement trois cinémas le diffusaient en première semaine -le Caméo, le Lynx, l’Eldorado-, pour un total de 17 731 entrées.

Sur Paris, il était surtout écrasé par deux grosses nouveautés américaines, Le génie du mal de Fleischer, avec Orson Welles (25 846) et Comme un torrent de Vincente Minnelli, avec Sinatra, Shirley MacLaine et Dean Martin (44 878, numéro 1 hebdomadaire). On notera, en 4e position, l’entrée d’Oh Qué Mambo, de John Berry, avec Dario Moreno, Jean Poiret, Magali Noël, Michel Serrault et Alberto Sordi.

Le désert de la peur entrait donc en 11e place de la semaine sur Paris. Sa carrière provinciale s’avéra plus satisfaisante.

Sorties de la semaine du 15 mai 1959

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Le désert de la peur, affiche cinéma 1959

© 1958 StudioCanal Films LTD

Le test DVD

Compléments : 4/5

Il y a, bien sûr, le livret toujours documenté de Charlotte Garson, qui est l’identité de la collection. Mais cette fois Tamasa a ajouté trois modules passionnants. Dans le premier, Steve Chibnall analyse les influences (Lean, Hitchcock) et les thèmes majeurs de Thompson avant de s’attacher au film lui-même et à ses conditions de tournage (13mn) ; le deuxième est le témoignage de l’actrice principale, Sylvia Syms, malicieux et revigorant (13mn), qui revient avec humour sur les difficultés rencontrées ; enfin, l’universitaire Melanie Williams propose une étude fouillée du métrage, en soulignant son originalité, sous un angle parfois féministe.

Image : 4/5

Le noir et blanc est superbement rendu dans cette copie immaculée. Tout au plus notera-t-on un léger fourmillement sur les ciels et, évidemment, le contraste avec les stock-shots plus abîmés.

Son : 4/5

La seule piste disponible, mono VOST, est dynamique et claire, sans gêne d’aucune sorte. Rien à voir évidemment avec le son multipiste contemporain, mais le confort d’écoute ne déçoit pas.

François Bonini

DVD Le désert de la peur tamasa

© 1958 StudioCanal Films LTD – DVD © Tamasa

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