L’arbre de sang, de Julio Medem, est une tragédie magnifique, diminuée toutefois par quelques dérives narratives qui peuvent rendre le visionnage nébuleux.
Synopsis : En écrivant l’histoire de ses ancêtres, un jeune couple met au jour de sombres secrets familiaux, tandis que la réalité refait soudain surface.
La critique : Échec au box-office espagnol, L’arbre de sang marquait le retour de Julio Medem trois ans après Ma Ma. Cette fois-ci, exit le grand écran pour la France, le film est apparu en toute discrétion sur Netflix sous le titre L’arbre de sang, alors que certains chanceux peuvent profiter d’un voyage ibérique ou d’un site de vente sur internet pour se procurer le blu-ray, sorti fin février, dans une édition plus que recommandable, même si les suppléments ne dépassent pas les 10 minutes. Le film de Medem, lui, dure 2h15, ni plus ni moins. C’est long, très long même pour tous ceux qui trouveront l’approche narrative extrêmement alambiquée, avec des circonvolutions dans les deux récits croisés qui vont donner des maux de tête au plus avisés des téléspectateurs. Pourtant le film est splendide, assurément. Il s’agit ni plus ni moins d’un pot-pourri de l’œuvre de Medem qui revient à la complexité narrative des Amants du cercle polaire, à une certaine forme de sensualité qui avait caractérisé le lumineux Lucia y el sexo, on y retrouve l’atavisme et la symbolique bovine de Vacas, et même le chaos de Caotica Ana… L’auteur culte de L’écureuil rouge n’a pas changé, avec ses métaphores obsessionnelles (la mer, la lune pour exprimer la féminité, la maternité, la sensualité), et ses hommes taureaux. Une facilité de l’image prégnante dès son premier film, Vacas, devenue au fil du temps la marque de fabrique du plus sophistiqué des artisans, tant on retrouve toujours cette même caméra virtuose et majestueuse, celle qui caractérisait dans les années 90 Besson en France, Fincher aux USA, et Tom Tykwer en Allemagne.
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L’arbre de sang est sans nul doute, sa plus belle réalisation ; celle-ci resplendit et nous attache à un projet, de par sa beauté irradiante, qui n’est pas des plus aisés à saisir. Le jeune couple qui s’installe pour deux jours dans une demeure du Nord de l’Espagne, perdue dans une campagne luxuriante, aux pieds des Pyrénées, est là pour partager le récit de leur vie, deux histoires qu’ils veulent apolitiques, tant elles sont déjà, telles quelles, sinueuses et dangereuses (évidemment religion et dichotomie des familles autour de la Guerre civile sont des thèmes effleurés). Les deux jeunes tourtereaux, brillamment joués par Álvaro Cervantes et Ursula Corbero, avant même leur amour naissant, étaient étroitement liés par des drames familiaux traumatisants qui vont se muer en bouleversante tragédie lors d’une dernière demi-heure de fulgurance et d’audace, pour ceux, du moins, qui pourront survivre à la pluralité des récits, aux incessants va-et-vient du cinéaste qui brouille les pistes : aux souvenirs de la famille se superposent ceux des jeunes gens, leur imagination de reconstruction qu’accompagnent les fantômes du passé encore bien présents dans l’espace actuel. Aussi improbable qu’original, cet arbre de vie déploie des branches de noirceur dans un océan de lumière, pour s’ériger parmi les joyaux d’un cinéaste visionnaire entier, qui devrait toutefois apprendre à canaliser son trop-plein d’inspiration.
Le blu-ray
Le blu-ray espagnol, lisible en France, dispose de sous-titres anglais et castillans, sur la seule piste 5.1 DTS HD, pour tous ceux qui considèrent que la qualité visuelle et sonore de Netflix, même en HD, demeure quand même bien en-deçà du format physique. La copie y est magnifique. En bonus, outre la bande-annonce et un teaser, on peut regarder deux featurettes, l’un sur les acteurs et leurs personnages, l’autre sur l’histoire du film… Rien de bien passionnant, malheureusement.
Critique : Frédéric Mignard
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