Adaptation trop sage, La neige en deuil brille par des séquences de montagne, mais s’empâte dans une psychologie caricaturale.
Synopsis : Deux frères que leurs idées et leur âge séparent entreprennent une expédition de haute montagne vers l’épave d’un avion.
Une adaptation périlleuse du roman de Henri Troyat
Critique : Dmytryk traîne une réputation de metteur en scène sans génie, dont les films valent ce que valent leurs scénarios (et ce ne fut pas toujours brillant), même si l’on s’accorde sur quelques réussites, dont deux westerns superbes (La Lance brisée et L’Homme aux colts d’Or). Le début de La neige en deuil, adaptation fidèle du roman de Henri Troyat, fait craindre le pire : entre le pittoresque du village, les dialogues balourds et les situations convenues, on n’a pas très envie de connaître la suite de cette histoire de rivalité entre deux frères, de rédemption et de sauvetage (difficile d’ailleurs de ne pas penser au beaucoup plus tardif Cliffhanger de Renny Harlin). D’autant que Spencer Tracy surjoue son personnage de vieux sage qui ne ment jamais et a malgré une instruction lacunaire. Quant à la comédie de mariage qui s’ébauche sous nos yeux ébahis, elle tient du cliché maladroit à la limite du grotesque.
Non, pour apprécier La neige en Deuil, il faut passer la première demi-heure, temps nécessaire à une exposition des enjeux et des personnages laborieuse. Car, sitôt l’ascension entreprise, conduite par le grand frère expérimenté et décidée par le plus jeune pour récupérer l’argent dans un avion écrasé, c’est la fascination qui l’emporte. On le sait, la neige est photogénique, la montagne propice à de somptueux plans généraux. Et Dmytryk s’en sort plutôt bien, bénéficiant de décors souvent naturels qu’il utilise au mieux. Mais c’est davantage dans la précision méticuleuse que le cinéaste convainc : les gros plans en particulier (les mains qui agrippent, qui saignent, les pieds qui hésitent) soulignent avec efficacité la pénibilité en même temps que la tension. Dmytryk parvient à créer un vrai suspense, sans excès d’artifice et notamment une utilisation parcimonieuse de la musique.
Caricatures en hautes montagnes
On est d’autant plus déçu qu’arrivés à l’avion, la querelle manichéenne reprend. Si Robert Wagner s’en sort mieux que Spencer Tracy, les deux ont du mal parce que leurs personnages univoques poussent à la caricature : Christophe est toujours avide, en colère ; Isaïe est toujours bon et juste. Leur conflit s’enlise, fait du surplace et rien ne s’arrange avec la découverte d’une survivante qui relance la dispute pour enfin la clore, mais cette fois par de superbes séquences de descente et de chute. Au fond, c’est seulement dans les scènes muettes, précises, que La neige en deuil enthousiasme, quand il ne cède ni au lyrisme ni à la psychologie sommaire. Sitôt revenu de la montagne, il faut supporter de nouveau deux monologues de Tracy qui font plutôt sourire qu’ils n’émeuvent.
Au total, ce film en dents de scie ne cesse d’agacer tant on imagine ce qu’il aurait gagné à s’alléger des rivalités, à raffiner les dialogues ou à minimiser le jeu de Tracy. Tel quel, il relève de la curiosité anodine. Mais pour quelques séquences (heureusement longues), pour un champ-contrechamp sur Isaïe et la montagne, on peut se laisser aller à cette ascension moralisante.
Test Blu-ray :
Compléments : 2/5
Deux modules inaboutis pour seuls bonus : Patrick Brion va trop vite pour résumer la carrière de Dmytryk, et il en reste aux généralités concernant le film (15mn). Quant à l’entretien avec un libraire alpiniste, il multiplie les sujets (des romans de montagne au sur-tourisme en passant par l’histoire de sa librairie), mais ils ne sont qu’effleurés (12mn).
Image : 3,5/5
Globalement, la copie est parée de couleurs pimpantes et la définition est excellente. Mais sur quelques plans, la couleur fluctue et de nombreux bien que discrets points blancs entachent l’image.
Son : 3/5
Il faut choisir entre une piste Mono VF aérée mais vieillie et une VO Mono plus fidèle mais plus étriquée. Le confort auditif est néanmoins appréciable pour un film de 1956.
Critique et test vidéo : François Bonini