La bataille de l’eau lourde : la critique du film et le test DVD (1948)

Docu-fiction, Historique, Guerre | 1h36min
Note de la rédaction :
7/10
7
La bataille de l'eau lourde, l'affiche

  • Réalisateur : Titus Vibe-Müller Jean Dréville
  • Date de sortie: 13 Fév 1948
  • Nationalité : Français, Norvégien
  • Titre norvégien : Kampen om tungtvannet
  • Avec dans leurs propres rôles : Frédéric Joliot-Curie, Lew Kowarski, Raoul Dautry et Hans Von Halban
  • Distributeur : Lux Films
  • Éditeur vidéo (DVD) : Editions Montparnasse
  • Sortie vidéo (DVD) : Le 16 octobre 2019
  • Box-office France / Paris-périphérie : 5 373 377 entrées / 1 224 049 entrées
  • Festival : Médaille ENIC attribuée aux réalisateurs à la Mostra de Venise 1948
Note des spectateurs :

Ancêtre du docu-fiction, La bataille de l’eau lourde propose de suivre un épisode fondamental de la Seconde Guerre mondiale interprété par ceux qui l’ont réellement vécue. L’effet de réalisme est garanti. A redécouvrir.

Synopsis : En Norvège, pendant la Seconde Guerre mondiale, les membres d’un commando de résistants sabotent la production d’eau lourde fabriquée par les Allemands dans l’usine de Vemork. Il se trouve en effet que l’eau lourde entre dans le processus de fabrication de l’arme nucléaire, que les nazis seraient sur le point de réaliser. Il s’agit de raser l’usine et de détruire tout le stock d’eau lourde disponible. Le sort du monde en dépend…

Un film qui répond à une demande forte au sortir de la guerre

Critique : Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le public français est avide de reconstitutions des faits de résistance qui ont été menés par leurs compatriotes. Sans doute est-ce un moyen d’effacer la honte attachée à la période de collaboration, mais également celui pour le pouvoir politique de solidifier l’unité nationale autour de faits héroïques. Cette période que les historiens qualifient de “résistancialisme” a vu fleurir quelques longs-métrages au succès impressionnant. Cela démarre avec Bataille du rail (René Clément, 1946) qui engrange près de six millions d’entrées, puis cela se perpétue avec Le bataillon du ciel (Alexandre Esway, 1947) qui arrive en tête du box-office national en 1947 avec plus de huit millions d’entrées. De quoi susciter l’intérêt de nombreux producteurs.

C’est pourtant en lisant un article écrit par Jean Marin en 1946 que le réalisateur Jean Dréville a eu l’idée de tourner un film sur cette fameuse bataille de l’eau lourde. Pour mémoire, il s’agit d’une opération commando menée en Norvège afin d’empêcher les nazis d’obtenir un composant indispensable à la fabrication d’une éventuelle bombe atomique. Cet épisode est généralement considéré comme une des raisons expliquant l’échec des forces nazies dans l’obtention de la force nucléaire.

Jean Dréville invente un nouveau genre : le docu-fiction

Toutefois, Jean Dréville opte pour un style proprement original afin de raconter cette aventure : il obtient l’accord de tous les protagonistes réels pour qu’ils rejouent devant la caméra leur propre rôle. En alternant ces éléments fictionnels avec des archives documentaires, le réalisateur peut ainsi être considéré comme l’inventeur du docu-fiction. Dans La bataille de l’eau lourde, aucun acteur professionnel n’est présent hormis deux ou trois ayant pour fonction de remplacer des protagonistes décédés. Cette originalité est à la fois un point fort du film car il nous plonge dans l’action en compagnie de ceux qui l’ont vraiment vécue, et son point faible lorsque certains d’entre eux ne paraissent pas très à l’aise devant une caméra, au point de rendre leurs échanges un peu artificiels.

Si la première partie se déroulant dans les bureaux parisiens ou les laboratoires est assez fastidieuse, avec une réalisation sommaire et des « acteurs » pas très naturels, cela s’améliore assez rapidement. Dès que l’opération commando démarre, le spectateur est plongé au cœur d’un événement décrit avec beaucoup de précision et de réalisme. Un certain suspense est également présent, tandis que la voix off de Jean Marin se fait moins pesante. La plupart des séquences d’action dans la neige – que l’on imagine tournées avec l’aide du réalisateur norvégien Titus Vibe-Müller – sont particulièrement réussies. Elles permettent de mieux comprendre le défi que représentait une telle opération de sabotage.

Pas un sommet de cinéma, mais indispensable pour les amoureux d’Histoire

Sur le même thème, les amoureux de cinéma préféreront sans aucun doute l’excellent film de guerre hollywoodien Les héros de Télémark (Anthony Mann, 1965), mais ceux qui attachent de l’importance à la véracité historique se pencheront plus judicieusement sur cette Bataille de l’eau lourde. Toutefois, comme La Bataille du rail qui a grandement amplifié le phénomène de la résistance au sein des cheminots, on est en droit de questionner l’entière validité du dispositif, d’autant que les autorités de l’époque ont donné leur complet soutien à l’entreprise. Il semblerait que le long-métrage prête moins le flanc à la critique sur ce plan que le film de René Clément, mais une certaine prudence reste de mise.

Accueilli une fois de plus avec les honneurs lors de sa sortie en février 1948, La Bataille de l’eau lourde a été diffusé avec succès au Festival de Venise de 1948 et a connu un triomphe dans les salles françaises. Avec près de 5,4 millions d’entrées, il s’est hissé à la troisième marche du podium français annuel.

Le test DVD :

La bataille de l'eau lourde, la jaquette DVD

© 1947 Le Trident / © 2019 Editions Montparnasse. Tous droits réservés.

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Compléments & packaging : 2/5

Le DVD est fourni dans un fourreau classique accompagné d’un petit livret de 16 pages plutôt informatif, même si rien n’est dit à propos du coréalisateur norvégien, ni sur l’implication apparemment conséquente de l’équipe nordique. En bonus vidéo, l’éditeur nous fournit un court-métrage d’animation en prise de vue réelle de Paul Wenninger qui s’intitule Uncanny Valley (2015). Si le court-métrage est assurément de qualité, on se demande quand même l’intérêt de sa présence, sachant qu’il évoque la guerre de 14-18.

L’image : 3/5

Le film a effectivement été restauré, mais on est encore assez loin de la seconde jeunesse attendue. Si certains plans en clair-obscur sur la neige sont vraiment resplendissants, on note encore de nombreuses impuretés sur la pellicule, ainsi qu’un grain assez prononcé de temps à autre. Bien entendu, nous ne parlons pas ici des documents d’archives qui, eux, ont été conservés tels quels et c’est bien naturel.

Le son : 3/5

La voix off de Jean Marin se détache bien du reste dans cette version mono qui délivre un rendu assez agressif. Parfois stridente, la piste sonore est certes très efficace, mais elle oblige assez souvent à baisser le son tant elle manque d’équilibre. En tout cas, tout souffle a été éradiqué et les dialogues demeurent clairs.

Critique et test DVD : Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 13 février 1948

La bataille de l'eau lourde, l'affiche

© 1947 Le Trident / Illustrateur : G. Allard. Tous droits réservés.

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La bataille de l'eau lourde, l'affiche

Extrait de La bataille de l'eau lourde

Docu-fiction, Historique, Guerre

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