Making of d’un film qui n’existe pas, Jodorowsky’s Dune est un documentaire passionnant qui revient dans le détail sur un projet cinématographique fou, malheureusement avorté faute de moyens financiers. Un rêve de cinéphile.
Synopsis : En 1975, le producteur français Michel Seydoux propose à Alejandro Jodorowsky une adaptation très ambitieuse de Dune au cinéma. Ce dernier, déjà réalisateur des films cultes El Topo et La Montagne sacrée, accepte. Il rassemble alors ses “guerriers” artistiques, dont Jean Giraud (Moebius), Dan O’Bannon, Hans-Ruedi Giger et Chris Foss qui vont être de toutes les aventures cinématographiques de science-fiction de la fin du siècle (Star Wars, Alien, Blade Runner, Total Recall etc.).
Le casting réunit Mick Jagger, Orson Welles, Salvador Dali, David Carradine ou Amanda Lear, mais également son jeune fils Brontis Jodorowsky ; Pink Floyd et Magma acceptent de signer la musique du film… L’équipe de production recherche 5 millions de dollars pour finaliser le budget et se heurte à la peur des studios hollywoodiens qui craignent le tempérament de Jodorowsky…
Jodorowsky en mode gourou, porteur d’un projet fou
Critique : Quel est le point commun entre Alejandro Jodorowsky, Orson Welles, Mick Jagger et Salvador Dali ? Tous ont été impliqués à des degrés divers dans la création du film Dune. Non pas la version finale tournée par David Lynch au début des années 80 pour Dino De Laurentiis, mais bien celle qui devait voir le jour au cœur des années 70, portée par la foi de Jodorowsky et du producteur Michel Seydoux.
Finalement, ce projet fou n’a jamais abouti faute de financement et il n’en reste plus vraiment de traces si ce n’est un artwork book magnifique entièrement dessiné par Moebius (Jean Giraud). C’est donc l’histoire de ce projet singulier que nous raconte le documentariste Frank Pavich.
L’histoire passionnante d’un film qui n’a jamais vu le jour
Comme autrefois Lost in La Mancha (Fulton et Pepe, 2002) qui était le making of du film inachevé de Terry Gilliam sur Don Quichotte, Frank Pavich réalise ici le making of d’une œuvre qui n’existe finalement même pas. Pourtant, cela demeure passionnant de bout en bout tant les artistes impliqués font saliver.
Tout d’abord, il faut évoquer la personnalité hors norme et terriblement séduisante d’Alejandro Jodorowsky qui est ici longuement interrogé. La passion de l’artiste pour son projet inachevé se ressent encore, plus de quarante ans après les faits. Persuadé alors d’être un gourou qui allait changer la face du monde en un seul film, Jodorowsky faisait certes montre d’un ego démesuré, mais cette fougue lui a permis de réunir les plus grands artistes de l’époque sous sa houlette. Non seulement l’homme a su attirer à lui des génies comme Moebius, Chris Foss ou H.R. Giger, mais aussi Dan O’Bannon et un certain nombre d’excentriques comme Dali, Mick Jagger, Orson Welles et le groupe français Magma. Le cinéaste a même convaincu le groupe Pink Floyd de se joindre au projet.
Un projet radical qui a fait peur aux investisseurs
Malheureusement, le documentariste nous rappelle que l’argent est le nerf de la guerre et qu’il est difficile d’envisager un projet coûtant au bas mot 15 millions de dollars (ce qui serait l’équivalent d’un budget de blockbuster d’aujourd’hui) pour le confier à un excentrique comme Jodorowsky. L’homme est effectivement connu pour sa passion et son intransigeance. Le documentariste reconstitue et anime le storyboard de quelques séquences, prouvant l’ambition du projet, mais aussi sa radicalité. Certains passages gore et la mort du héros (un gamin de 12 ans dont la gorge est tranchée face caméra) n’ont certainement pas rassuré les potentiels investisseurs américains.
Un film qui a influencé plusieurs générations, alors qu’il n’existe même pas
En réalisant ces séquences animées qui s’appuient sur les dessins de Moebius, Frank Pavich rend ainsi un hommage sincère aux artistes engagés dans cette incroyable aventure. Il nous permet aussi de voir à quel point le travail effectué a été repris par d’autres, au point d’infuser dans toute la culture populaire de ces dernières décennies. Suite à cette cruelle déception, Jodorowsky a décidé de continuer à tourner des œuvres originales, tout en se servant du travail préparatoire de Dune pour signer des scripts de BD avec Moebius (L’Incal, notamment).
Passionnant de bout en bout, Jodorowsky’s Dune s’avère être un excellent documentaire, à la fois révélateur d’une époque où tout semblait permis, mais également symptomatique des limites financières du septième art.
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Critique du film : Virgile Dumez