Thriller hollywoodien classique, ce film de commande exécuté avec talent par Barbet Schroeder se regarde avec plaisir notamment grâce à son excellent duo d’actrices.
Synopsis : Après une rupture avec son petit ami, Allison Jones décide de partager son appartement avec une autre jeune fille. Elle trouve la compagne idéale en la personne d’Hedra Carlson, jeune fille modeste et réservée. Mais au fur et à mesure de leur cohabitation, Hedra se permet de plus en plus de choses. Lui emprunter ses vêtements, par exemple. Ou son petit ami. Et accessoirement, sa vie…
Critique : Après avoir convaincu la critique avec Le mystère Von Bülow (1990) et connu un petit succès d’estime, le cinéaste Barbet Schroeder a gagné du crédit auprès des grands studios hollywoodiens qui sont prêts à lui faire confiance pour lui confier un budget moyen. Le voilà donc embauché par le studio Columbia pour tourner une œuvre de commande, soit un thriller classique basé sur un livre de John Lutz et un script de Don Roos.
1992, année du thriller domestique
Il faut dire qu’en ce début des années 90, le thriller domestique sur fond d’usurpation d’identité et de Home invasion est à la mode, et ceci depuis le triomphe de Liaison Fatale en 1987. Mais l’année 1992 fut particulièrement faste pour le genre avec les sorties de Basic Instinct (Paul Verhoeven), Sang-chaud pour meurtre de sang-froid (Phil Joanou) ou encore La main sur le berceau (Curtis Hanson). Autant dire que le long-métrage de Schroeder ne se distingue guère du tout-venant de l’époque. A revoir aujourd’hui, on songe également au Fenêtre sur Pacifique de John Schlesinger tourné en 1990.
Une intrigue basée sur la psychologie des personnages
Pas de réelle originalité donc dans cette histoire classique de colocataire envahissante et psychotique qui va opérer un mimétisme absolu avec son amie – d’abord au niveau vestimentaire, puis capillaire, avant de lui piquer son petit copain. On peut en tout cas saluer la belle acuité psychologique du film, capable de susciter le trouble du spectateur par des petits détails, avant de progressivement plonger dans un cauchemar implacable. Si le réalisateur prend son temps, cela lui permet de ne pas tomber dans le piège du Grand-Guignol, souvent attaché à ce type de production. Ainsi, il faut attendre une bonne heure avant que les choses sérieuses démarrent et que la violence physique fasse son apparition. Plus intéressé par les dommages psychologiques, Schroeder ménage donc ses effets, même si la fin n’échappe pas à une certaine surenchère, de toute façon réclamée par le public.
Thriller efficace pour un duo d’actrices parfaitement au point
Esthétiquement soigné (la photographie de Luciano Tovoli est impeccable), JF Partagerait appartement bénéficie surtout d’un excellent duo d’actrices qui font passer tous les troubles de leurs personnages respectifs. Bridget Fonda est parfaite en jeune femme aux dents longues à qui tout semble réussir. Le film a d’ailleurs beaucoup contribué à la sortir de l’anonymat, la plaçant sur la liste des espoirs du cinéma américain des années 90. Face à elle, l’excellente Jennifer Jason Leigh se livre à une prestation borderline, plongeant une fois de plus dans les tréfonds de la folie humaine. En ce début des années 90, l’actrice avait déjà un beau palmarès dans le domaine du ciné indépendant à tendance trash (on pense notamment à La chair et le sang en 1985, à Hitcher en 1986, à Last Exit to Brooklyn en 1989 ou encore Rush en 1991). Le duo fonctionne ici à merveille et le mimétisme est même assez troublant. Du côté du casting masculin, le manque de charisme général est sans doute dommageable, mais cela souligne d’autant plus le caractère féministe de l’intrigue.
L’un des plus beaux succès de Barbet Schroeder
Beau succès surprise aux Etats-Unis, le thriller domestique a également connu les faveurs du public français avec près de 800 000 entrées sur toute la France, sans réelle tête d’affiche. Il s’agissait en tout cas à l’époque du plus beau succès du cinéaste en France depuis… son premier film More, en 1969. Pour être complet, n’oublions pas de signaler l’existence d’une suite tardive tournée en 2005 par Keith Samples intitulée JF Partagerait appartement 2. Il s’agit toutefois d’un pur produit vidéo qui ne présente aucun intérêt particulier. Grâce au succès de cette expérience au sein des grands studios, Barbet Schroeder a pu continuer à officier dans le polar durant les années 90 avec des films comme Kiss of Death (1995) ou encore L’enjeu (1998).
Sortie vidéo : L’éditeur BQHL propose le film en blu-ray le 31 mars 2021.
Critique de Virgile Dumez