Davantage le portrait d’un pays en pleine mutation qu’un polar tendu, Indomptables souffre de sa courte durée et de personnages seulement esquissés. Seul son caractère documentaire intéresse vraiment.
Synopsis : À Yaoundé, le commissaire Billong enquête sur le meurtre d’un officier de police. Dans la rue comme au sein de sa famille, il peine à maintenir l’ordre. Homme de principe et de tradition, il approche du point de rupture.
Cameroun Connection
Critique : Le point de départ d’Indomptables date de fort longtemps pour le comédien Thomas Ngijol puisqu’il s’est librement inspiré du documentaire Un crime à Abidjan (Mosco Boucault, 1999) diffusé à l’époque sur Arte et qui a fait forte impression sur l’aspirant humoriste. Conservé précieusement sur une VHS, ce documentaire a accompagné la vie de l’artiste jusqu’à ce qu’il décide d’en tourner une version fictionnelle intitulée Indomptables (2025).
© 2025 Why Not Productions, Chronic, Canal+ Afrique / Photos : Blaise Djilo. Tous droits réservés.
Le but de Thomas Ngijol était de retourner dans le pays d’origine de ses parents pour se rapprocher de ses racines, mais également pour prendre le pouls d’une société camerounaise en pleine évolution, y compris sur le plan des mœurs. Bien entendu, cela lui permet également d’aborder un registre qu’il n’avait jusque-là jamais approché, à savoir le polar rugueux, genre qu’il apprécie. Désireux de ne pas se laisser enfermer dans son image d’amuseur public, Thomas Ngijol voulait donc aborder un certain nombre de thèmes qui lui sont chers.
Une société violente en pleine évolution des mœurs
Bien sûr, il livre un portrait sans concession du Cameroun où la misère est encore très présente par le décor même des bidonvilles. De même, il aborde ici le thème classique de la corruption des fonctionnaires, dont les traitements ne sont pas suffisants pour leur assurer un bon train de vie, obligeant parfois certains à outrepasser leurs prérogatives. Enfin, le cinéaste évoque longuement les rapports complexes d’un père autoritaire avec le reste de sa famille, que ce soit sa femme (excellente Thérèse Ngono) ou ses enfants.
Dans son costume tiré à quatre épingles, le policier joué avec sobriété par Thomas Ngijol incarne en quelque sorte une société à l’ancienne, respectueuse des hiérarchies et marquée par un patriarcat qui ne va pas sans violence. Mais le cinéaste montre que la société camerounaise évolue comme le reste du monde. Non seulement les femmes ne se laissent plus dicter des ordres par leurs maris en s’opposant à leurs décisions de manière franche, mais les jeunes filles jouent au football comme les garçons.
Un homme dépassé par la situation
Malgré son costume qui indique sa fonction sociétale de maintien de l’ordre, le commissaire échoue sur tous les tableaux. En usant de violence envers les prévenus, il déshonore en quelque sorte sa fonction, tandis qu’il ne parvient pas davantage à se faire respecter à la maison par des jeunes gens biberonnés aux réseaux sociaux. Ainsi, le Cameroun n’échappe nullement à la mondialisation qui s’opère sur tous les continents.
© 2025 Why Not Productions, Chronic, Canal+ Afrique / Photos : Blaise Djilo. Tous droits réservés.
Tourné sur place avec des acteurs camerounais professionnels qui permettent d’avoir une certaine unité de jeu, Indomptables souffre pourtant d’une ossature narrative un peu faible. Ainsi, la fameuse enquête sur le flic assassiné n’est qu’un prétexte pour suivre la vie quotidienne de l’enquêteur et de ses relations avec les autres. La plupart des protagonistes secondaires sont à peine esquissés et l’on ne comprend finalement pas vraiment ce qu’apporte cette enquête à une œuvre qui aurait dû rester un simple documentaire.
Indomptables, un récit trop court pour pleinement convaincre
La résolution de l’intrigue ne présente guère d’intérêt, tandis que la très courte durée (1h21min) du métrage rend l’ensemble trop superficiel. Il aurait ainsi fallu approfondir la psychologie des autres personnages au lieu de se focaliser uniquement sur ce policier finalement incapable d’évoluer dans sa pensée, même si l’on sent un léger fléchissement en fin de parcours.
Souvent réalisé caméra à l’épaule pour donner un certain sentiment de véracité et d’intensité, Indomptables n’est aucunement un mauvais film, mais le scénario aurait gagné à être approfondi car, tel quel, il ne sert finalement qu’à renseigner le public occidental sur la réalité sociale camerounaise, ce qu’un documentaire aurait sans doute abordé de manière plus pertinente.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 11 juin 2025
© 2025 Why Not Productions, Chronic, Canal+ Afrique / Affiche : RYSK / Photos : Blaise Djilo. Tous droits réservés.
Biographies +
Thomas Ngijol, Danilo Melande, Thérèse Ngono
Mots clés
Cinéma français, L’Afrique au cinéma, Les violences policières au cinéma, La corruption au cinéma, La famille au cinéma