Premier film du fils de Jafar Panahi, Hit the Road est un drame familial qui ressemble beaucoup au cinéma de Kiarostami par sa rigueur formelle, ce qui n’exclut pourtant pas l’émotion. Intéressant.
Synopsis : Iran, de nos jours. Une famille est en route vers une destination secrète. À l’arrière de la voiture, le père arbore un plâtre, mais s’est-il vraiment cassé la jambe ? La mère rit de tout mais ne se retient-elle pas de pleurer ? Leur petit garçon ne cesse de blaguer, de chanter et danser. Tous s’inquiètent du chien malade. Seul le grand frère reste silencieux.
Comme un air d’Abbas Kiarostami…
Critique : Fils du réalisateur Jafar Panahi qui a été maintes fois emprisonné ou mis en résidence surveillée, Panah Panahi a participé de manière indirecte à la conception des films les plus récents de son paternel. Cela ne l’a pas empêché d’écrire son propre scénario qui s’éloigne quelque peu des préoccupations de son père, tout en livrant un constat assez préoccupant de la situation en Iran. Relu et validé par son père, le script de Hit the Road (2021) nous replonge dans un type de cinéma typiquement iranien : le road-movie.
Même si Panah Panahi s’en défend, Hit the Road semble nous ramener à la grande époque des films d’Abbas Kiarostami, pour la plupart réalisés dans des automobiles en mouvement afin d’éviter la censure et de contourner les interdictions de tournage. Certes, les personnages sont différents de ceux du maître du cinéma d’auteur des années 90, mais le style visuel s’en rapproche beaucoup, avec une importance donnée aux plans larges sur des paysages désertiques, contrastant avec les nombreux plans serrés dans la voiture. De même, Panah Panahi rejoint ici toute une tradition du cinéma iranien en donnant un rôle assez imposant au petit garçon qui semble être un véritable tyran domestique au cœur de cette famille plutôt urbaine.
Hit the Road nous conduit vers la frontière turque
Le cinéaste décrit ici une famille iranienne qui représente la frange la plus éclairée du pays, avec un fonctionnement qui n’évite pourtant pas les conflits internes. Ainsi, les différents protagonistes ne cessent de se disputer, sans que l’on ressente pour autant un désamour entre eux. La grande force du long-métrage est justement de parvenir à créer du lien entre des personnages qui semblent sans cesse s’opposer alors qu’en réalité, ils s’aiment. Petit à petit, le spectateur en vient à comprendre le but de ce voyage vers la frontière turque. Dès lors, le road-movie se teinte d’une forme de nostalgie qui est renforcée par la jolie musique de Peyman Yazdanian et de plusieurs titres pop entrainants.
© 2022 Pyramide / Photographie : JP Productions. Tous droits réservés.
Hit the Road dessine ainsi une critique en creux d’un pays où il ne fait plus bon vivre, et où le seul espoir est dans la fuite. Il est même étonnant que le tournage se soit apparemment bien passé quand on songe au portrait peu reluisant du régime iranien qui en ressort.
La critique en creux d’un régime abominable
Alors que la réalisation parvient à varier les angles de vues pour ne pas rendre le voyage trop ennuyeux, le scénario approfondit petit à petit les relations entre les différents membres de la famille. Avec beaucoup de dignité, le cinéaste aborde le désarroi de cette mère – magnifique Pantea Panahiha tout en sobriété et puissance intérieure – et de ce père – imposant Mohammad Hassan Madjooni – qui sont contraints de dire adieu à leur fils ainé. A mesure que l’échéance approche, le long-métrage se fait plus épuré, marqué par de longs plans séquences où l’émotion s’immisce, mais aussi plus fort dans sa description d’un pays sous surveillance permanente.
Réalisé avec talent, Hit the Road est donc un beau premier film qui a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 2021 et a concouru à la Caméra d’Or, sans l’obtenir. Le film a été ensuite proposé en salles à la fin avril 2022 par Pyramide Distribution. Pour sa première séance parisienne, Hit the Road s’est classé à la troisième place avec 318 spectateurs dans seulement 8 salles. Sa moyenne de 40 spectateurs par site était plutôt correcte. Sa première semaine parisienne le voit arriver à 10 334 voyageurs, mais la chute intervient dès la septaine suivante, malgré quelques salles supplémentaires. Le film s’écroule à 5 930 automobilistes. Toutefois, la suite est un peu plus intéressante puisque le drame réussit à doubler ses entrées initiales au bout de quelques semaines avec 25 797 clients.
Une carrière intéressante dans le domaine de l’art et essai
Sur l’ensemble de la France, Hit the Road a connu une carrière plutôt satisfaisante en restant notamment l’un des sleepers de l’été puisque projeté dans les cinémas durant de longs mois. Après une première semaine à 25 480 entrées, Hit the Road franchit la barre des 50 000 spectateurs en trois semaines. Jusque fin juin, le road-movie attire plus de 1000 covoitureurs par semaine. Il demeure à l’affiche durant tout l’été 2022 et continue à grappiller des entrées jusqu’à sa sortie en support physique pour terminer sa carrière à 77 034 tickets vendus.
Ce succès de l’art et essai a depuis fait l’objet d’une parution en DVD et également en blu-ray.
Critique de Virgile Dumez
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© Pyramide, © JP Film Production, 2021
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Panah Panahi, Pantea Panahiha, Mohammad Hassan Madjooni, Rayan Sarlak, Amin Simiar
Mots clés
La famille au cinéma, Le voyage au cinéma, Les voitures au cinéma, Cinéma iranien