Thriller domestique anecdotique par Neil Jordan réalisateur d’Entretien avec un vampire, qui exploite à l’américaine le cliché de la dingue par Isabelle Huppert, sans parvenir à lui conférer la moindre épaisseur, ni même noirceur. Un exploit quand on dirige une comédienne de cette trempe.
Synopsis : Quand Frances trouve un sac à main égaré dans le métro de New York, elle trouve naturel de le rapporter à sa propriétaire. C’est ainsi qu’elle rencontre Greta, veuve esseulée aussi excentrique que mystérieuse. L’une ne demandant qu’à se faire une amie et l’autre fragilisée par la mort récente de sa mère, les deux femmes vont vite se lier d’amitié comblant ainsi les manques de leurs existences. Mais Frances n’aurait-elle pas mordu trop vite à l’hameçon ?
Huppert méga star américaine
Critique : Le succès de Elle de Paul Verhoeven aux USA et la nomination de sa star, Isabelle Huppert, aux Oscars, a permis à la comédienne de jouir d’une soudaine renommée outre-Atlantique, qui dépassait le cinéma art et essai dans lequel elle avait été jusqu’alors cloisonnée. Si notre star nationale avait déjà été vue dans des productions américaines (La porte du paradis de Cimino en 1980, Faux témoins, en 1987, Amateur de Hal Hartley en 1994, et enfin I love Huckabees, en 2005), rien ne prédestinait l’actrice Française a connaître un tel regain de popularité aux USA.
En 2019, c’est donc sur les planches de New York que le public américain a pu la retrouver (La Mère de Florian Zeller), puis au cinéma, dans plus de 2 000 cinémas à travers le pays, dans le rôle d’une vieille femme seule et démente, dans le film de Neil Jordan, Greta.
Le grand retour de Neil Jordan
Neil Jordan, bien qu’un peu has-been, a été un grand cinéaste, et l’on se souvient de ses impérieux La Compagnie des loups (Avoriaz 1985), Entretien avec un vampire (1994), et dans un genre dramatique The Crying Game (1992), petit film d’auteur irlandais, au succès mondial, grâce à un script tortueux qui valut au réalisateur l’Oscar du meilleur scénario original. De quoi valoriser la rencontre entre Huppert et cet ancien cinéaste majeur dont on pouvait, se disait-on, encore attendre le meilleur (Byzantium, son précédent film, en 2012, était d’excellente facture).
Promesses déçues
Greta, thriller que l’auteur a co-écrit, ne restera pas dans les annales du genre. La faute en incombe à un point de vue artistique faux. Une démarche commerciale plus décevante qu’éprouvante. Et une incompréhension quant à la présence de Jordan derrière la caméra, puisque le cinéaste irlandais se contente de l’insipidité quand on l’a connu à des sommets d’intensité dramatiques que cette petite série B domestique pour public non-exigeant échoue à reproduire.
L’échec d’une écriture
Rien dans le script ne parvient à donner chair aux personnages, de leur noirceur psychologique à leur sinistres desseins. L’invraisemblance du pitch de départ qui ne relève jamais de l’ironie les contraint à la caricature, et le jeu machiavélique du chat et de la souris se résume à bien peu, Huppert se contentant de façon assez risible de “stalker” l’héroïne, donc, de la poursuivre dans l’immensité d’une ville où elle traque un peu trop facilement ses proies (cf. la séquence ahurissante de bêtise avec la co-locataire de la jeune victime qui, initialement à juste commis l’erreur de ramener un sac à la personne qu’il ne fallait pas rencontrer.
L’indigence scénaristique se repose sur des clichés inintéressants dans pareil contexte, celui d’Isabelle Huppert en monstre de folie, et celui de Chloë Grace Moretz en parangon d’innocence. Dans les deux cas, cela ne fonctionne pas. Huppert est limitée, dans son cynisme, par la langue et son incapacité à trouver une vraie fêlure dans un personnage, somme toute, assez lisse par rapport à ses précédentes compositions ; le visage poupon de Moretz dessert, quant à lui, son incarnation d’éternelle adolescente, quand les sœurs Fanning, elles, ont pris de l’assurance. Et dire qu’elle avait magnifiquement débuté sa carrière en égérie geek, à botter des culs toute jeunette qu’elle était, dans l’anti-héroïque et très insolent Kick-Ass.
Au final, Greta n’est pas dérangeant, à peine marrant, toujours au détriment du film. Son manque de malice en serait presque sinistre.
Critique : Frédéric Mignard