Dons of Disco : la critique du documentaire sur Den Harrow (2021)

Documentaire, Biographie, Musical | 1h22min
Note de la rédaction :
8/10
8
Dons of Disco : l'histoire de Den Harrow et Tom Hooker, par Jonathan Sutak

  • Réalisateur : Jonathan Sutak
  • Date de sortie: 23 Fév 2021
  • Année de production : 2018
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : Dons of Disco
  • Titres alternatifs : -
  • Scénariste : Jonathan Sutak
  • Directeur de la photographie : Sean Mc Danield
  • Monteur : Noah Kistler, Jonathan Sutak
  • Compositeur : -
  • Producteurs : Anna Roberts, Jonathan Sutak, Brian Volk-Weiss
  • Sociétés de production : The Nacelle Company.
  • Sortie France sur les plateformes Apple TV, Amazon Prime Video, Google Play, Youtube, Vimeo...
  • Editeur vidéo : -
  • Date de sortie vidéo : -
  • Box-office France / Paris-Périphérie : -
  • Sortie USA : Apple TV, Amazon Prime Video, Google Play, Spectrum, Youtube, Vimeo...
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : Couleurs
  • Festivals et récompenses : Rome Film Festival (2018), Hot Springs Documentary Film Festival (2018) Portland Film Festival (2018), Slamdance Film Festival (2018), Lighthouse International Film Festival (Prix Spécial du Jury)
  • Illustrateur / Création graphique : © Inconnu. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © The Nacelle Company. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Au-delà d’un palpitant documentaire sur les coulisses de l’Italo Disco dans les années 80 et plus particulièrement le phénomène européen Den Harrow, Dons of Disco de Jonathan Sutak est une douloureuse réflexion sur la rivalité et la haine au-delà de la raison.

Synopsis : Un scandale autour de l’identité de Den Harrow, star de l’Italo disco des années 80, oppose un photographe américain et un mannequin italien. Qui est le vrai Den Harrow et peut prétendre à son héritage musical ? Découvrez l’incroyable guerre vieille de 30 ans au cœur des tubes Future Brain, Bad Boys et Charleston.

Que devient Den Harrow, le chanteur d'Italo Disco?

© The Nacelle Company

Quand l’Amérique s’intéresse au phénomène de l’Italo Disco

Critique : Den Harrow, vous connaissez ?

Si c’est le cas. Vous êtes alors un enfant du top 50 dans les trois premières années de l’émission culte ou alors vous êtes un enfant de l’ère de l’internet intéressé par la mélancolie profonde des sons synthétiques de l’Italo Disco et donc forcément, vous êtes passés par quelques tubes de l’artiste qui ont marqué les années 85-86.

Au vu de l’âge du réalisateur, Jonathan Sutak, venant d’une Amérique qui n’a jamais été affectée de près ou de loin par cette mode musicale européenne, et qui est né en 1987 quand Den Harrow n’était déjà plus qu’un concept éventé, l’on devine que celui-ci entre dans la seconde catégorie.

Le fantôme de feu Den Harrow

Il peut apparaître totalement surréaliste qu’un jeune cinéaste new-yorkais puisse réaliser un film sur un phénomène local totalement oublié, puisqu’en France le sex-symbol rital qui faisait la Une de la presse adolescente au milieu des années 80 a totalement disparu de la mémoire collective depuis ces années-là, demeurant au mieux un artiste anonyme de compilation pour nostalgiques.

La logique voudrait que, à l’instar d’une Brigitte Nielsen et autres personnalités excentriques et has been d’un passé lointain, Den Harrow en soit réduit à signer des autographes sur les plateaux de télécrochets ou de télé-réalité. On a, si l’on pense ainsi, à moitié raison. Mais la réponse à la question « Qu’est devenu Den Harrow ? » est bien plus complexe et épineuse que cela.

Mensonges et bons sons chez les Italo

Le documentaire de Jonathan Sutak, Dons of Disco, révèle en effet un autre visage de l’époque et nous fait basculer dans les coulisses d’un univers de producteurs peu scrupuleux, où manipulations et mensonges faisaient couleur locale en Italie, mais pas uniquement dans ce pays : on songe Boney M et plus tard Milli Vanilli en Allemagne pour une controverse d’une autre ampleur car elle touchera la sacro-sainte Amérique puritaine qui récompensera le duo de pop et hip-hop.

Sutak rebondit donc sur un scandale qui a duré trente ans, mais n’en n’a en fait jamais vraiment été un. En effet, la décennie 80 était protégée du bad buzz qu’impliquent aujourd’hui les réseaux sociaux, puisque l’internet n’existait pas. Personne n’a donc jamais pu ébruiter les histoires abracadabrantes et haineuses autour du phénomène relatif qu’était Den Harrow.

Den Harrow V Michael Jackson V Tom Hooker ?

On insiste sur le qualificatif de relatif. Entre 1985 et 1987, Den Harrow n’était pas vraiment une déferlante et un raz-de-marée sur le continent européen, contrairement à ce que les deux protagonistes rivaux de Dons of Disco, Tom Hooker et Stefano Zandri, pourraient laisser croire, et c’est ce qui rend le spectacle auquel on assiste assez douloureux, voire pathétique par certains aspects, et donc totalement passionnant et addictif.

Zandri, le chanteur Den Harrow, faux Américain, vrai Italien qui n’était pas celui qui chantait sur ses tubes – désolé de casser le mythe, c’est le sujet du film -, se décrit avec mélancolie comme une énorme star d’antan et se place avant Michael Jackson en 1986, mais le chanteur américain n’a-t-il pas fait son come-back avec l’album Bad seulement en 1987 ?

Tom Hooker, la voix donc, de ce que l’on appelle désormais « le projet Den Harrow », s’affirme usurpé et la victime – consentante, il n’arrive pas à l’admettre – , d’un contrat qui lui aurait volé une glorieuse carrière à laquelle son talent d’auteur-compositeur-chanteur le prédestinait. Mais de quelle carrière Tom Hooker parle-t-il ?  Celle des chanteurs kleenex qui passa très vite au tournant des années 90 pour se perdre dans l’Eurodance inaudible de la décennie suivante ?

L’Allemagne, David Hasselhoff, Brigitte Nielsen et les autres

A l’époque, le marché le plus important était évidemment britannique et celui-ci était globalement hermétique au mouvement de l’Italo Disco, à quelques titres près. Le style musical n’a pas suscité d’enthousiasme chez nos voisins anglo-saxons davantage happés par la pop, la new wave et leur productions locales qui inondaient la planète.

Chez nous, Den Harrow, beau gosse de façade, avait connu successivement trois gros tubes : Future Brain, Bad Boys et Charleston, avant de se voir priver de Top 50. Il disparut totalement de l’attention du public hexagonal avec Valerie Dore, Ken Laszlo, et autres étoiles filantes de la botte italienne quand seule Sabrina parvenait tardivement à se distinguer dans nos classements, et encore avec trois 45 tours.

Mais l’Allemagne, énorme marché et véritable fer de lance de la consommation en matière d’Italo Disco (ils étaient également fans de Brigitte Nielsen et David Hasselhoff chanteurs, c’est pour dire), est restée bien plus fidèle à Den Harrow, justifiant l’orgueil – et il en est beaucoup question ici -, des deux Dons of Disco de notre documentaire. Don’t break My Heart, tube à la mélodie crépusculaire, que Tom Hooker se résigna à laisser à Stefano Zandri/Den Harrow à un moment critique de sa carrière en Allemagne, y sera un énorme succès. Le blondinet parviendra encore à tirer son épingle du jeu dans un marché en constante évolution qui s’orientait inévitablement vers la house, la dance et les rythmes hip-hop en 1989, avec un dernier single Holiday Night.

Dons of Disco : orgueil et rancœur

Et c’est cela qui va devenir passionnant dans le film de Jonathan Sutak : l’orgueil déplacé, la rancœur tenace, l’amertume piquante et la haine viscérale que les deux hommes forcément sur le déclin vont se vouer à travers les décennies. Plus d’un côté que de l’autre d’ailleurs. Le cinéaste qui va là où personne n’avait vraiment pu aller jusqu’alors, dans les deux camps en l’occurrence, joue lui-même avec les intervenants de son film du réel. Les uns croyaient qu’il s’agissait d’un film sur Tom Hooker, les autres s’imaginaient peut-être un métrage sur Stefano Zandri donc Den Harrow. Mais Sutak est malin et préfère aller à la confrontation des points de vues heurtés, aux destins diamétralement opposés, pour laisser finalement le spectateur décider le camp dans lequel il se situe dans cette guerre à tranchées ouvertes, déclarée par Hooker (ce nom ne s’invente pas, surtout dans ce contexte de contrat à bon marché, mais juteux). Celui-ci a rompu tacitement le contrat d’anonymat pour tenir une conférence de presse en ligne, en 2016, pour signifier à la Terre entière, en gros aux Italiens et aux seuls fans survivants de l’artiste, qu’il était le talent qui composait et chantait derrière la belle gueule de Stefano Zandri et que donc la voix est plus importante qu’une coquille vide.

Que devient Den Harrow, ex-idole des années 80

© 1985, 1986, 1987 Baby Records. All Rights Reserved. Tous droits réservés.

Le bûcher des vanités au cœur d’une problématique riche

Qu’est-ce qui fait le succès d’un artiste, sa voix talentueuse ou son minois charismatique ? Telle est par conséquent la curieuse problématique à laquelle on est volontiers amené à prendre part. Grâce au recul de la projection et la découverte de la structure même du film, finement déployée, on a l’agréable sensation d’être quand même pas mal manipulé. On peut se demander si finalement le documentariste n’aurait pas également fait montre d’une certaine préférence pour l’un plutôt que l’autre. Cela reste à discuter et nous comptons bien le faire avec lui prochainement.

Dons of Disco garde-t-il toute sa neutralité de documentaire ? D’une certaine façon, plutôt bien, mais avec des personnalités aussi « chaos » et des parcours de vie aussi « chaotiques » qu’improbables ; on peut toutefois y lire un sous-texte riche sur l’acharnement, la rancœur. Celui qui a tout, une carrière établie, une fortune personnelle (euphémisme qui pourrait se résumer à la collection de ses vestes) et une vie familiale épanouie ne s’acharne-t-il pas à tirer sur une ambulance tombée bien bas ? La cruauté est là, palpable. Les deux chanteurs ennemis s’affrontent et sur le champ de ruines Jonathan Sutak réussit l’audacieux pari d’ériger un bûcher des vanités qui concernent de façon ostentatoirement différente les deux parties.

Captivant. Intelligent. Dons of Disco est aussi un bain de jouvence émouvant.

Frédéric Mignard

Dons of Disco : l'histoire de Den Harrow et Tom Hooker, par Jonathan Sutak

© The Nacelle Company

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Dons of Disco : l'histoire de Den Harrow et Tom Hooker, par Jonathan Sutak

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