Un mélodrame délicat et plein de suspense autour des amours empêchées de deux femmes âgées.
Synopsis : Nina et Madeleine sont profondément amoureuses l’une de l’autre. Aux yeux de tous, elles ne sont que de simples voisines vivant au dernier étage de leur immeuble. Au quotidien, elles vont et viennent entre leurs deux appartements et partagent leurs vies ensemble. Personne ne les connaît vraiment, pas même Anne, la fille attentionnée de Madeleine. Jusqu’au jour où un événement tragique fait tout basculer…
Critique : Si les films traitant de l’homosexualité masculine sont désormais multiples, les amours lesbiens surtout quand ils concernent des personnes d’un âge certain, ne bénéficient pas de la même exposition.
Pour son premier long-métrage de fiction, Filippo Meneghetti s’intéresse au parcours de deux femmes qui, après avoir connu des partenaires masculins, décident de finir leur vie ensemble. Il scrute subtilement l’impact du regard des autres sur nos comportements, de ce miroir déformant de nous-mêmes façonné par la vision de ceux qui nous entourent.
Nina (Barbara Sukowa, égérie de la nouvelle vague allemande des années 80) et Martine Chevallier, sociétaire de la Comédie-Française, sont deux retraitées qui habitent les deux appartements du dernier étage d’un immeuble dans une ville de province. Pour ne pas rester seules, elles ont l’habitude de passer leur après-midi ensemble à bavarder ou à prendre le thé. Et quand elles sont chacune chez elles, elles laissent la porte ouverte au cas où l’une aurait besoin de l’assistance de l’autre. C’est en tout cas la version officielle, celle admise par leur entourage. Mais la vérité est un peu différente, puisque voilà plusieurs années que Nina et Madeleine s’aiment.
Si Nina est depuis toujours une femme libre et indépendante, il en va autrement pour Madeleine qui a eu un mari et a deux grands enfants, Anne (Léa Drucker) et Frédéric (Jérôme Varanfrain), à qui elle a du mal à avouer la nature exacte de sa relation avec Nina. Et c’est bien ce qui cause la colère soudaine et violente de Nina quand elle constate qu’une fois encore, Madeleine n’a pas eu le courage d’annoncer à ses enfants qu’elles souhaitaient vendre leurs appartements respectifs pour s’installer à Rome afin de vivre leur amour en toute tranquillité. Devant un public ébahi, elle se venge sur l’agent immobilier et lui jette à la face « Ça vous pose un problème les vieilles gouines ? ». De toute évidence, ce jeune homme ne s’offusque guère de cette homosexualité. Pas plus d’ailleurs qu’Anne avec qui Madeleine entretient des relations harmonieuses. Mais Madeleine qui a toujours mené une existence bourgeoise (la riche décoration de son appartement en atteste) et est attachée aux convenances sociales, est effrayée de n’être pas dans la norme.
Mais le sort va bousculer tous leurs projets le jour où Madeleine est victime d’un AVC. Reléguée au second plan par une assistante de vie zélée (Muriel Benazeraf) et présente jour et nuit au chevet de Madeleine, Nina, persuadée d’être la seule à pouvoir permettre à Madeleine de recouvrer une bonne santé, déploie des trésors de machiavélisme. Entraîné dans un imbroglio de mensonges, de méchanceté et de manipulation, le mélodrame prend brusquement la forme d’un thriller de mœurs.
Si la scène d’ouverture distille un léger parfum de mystère, c’est dans un écrin de réalisme riche d’oppositions et de contrastes que le réalisateur inscrit son message d’amour, porté par deux comédiennes magistrales qui captent toute l’attention. Grâce au Scope, procédé cinématographique qu’il affectionne, la caméra ne capture que les moments essentiels, toujours empreints d’une profondeur et d’une humanité qu’un scénario (coécrit avec Malysone Bovorasmy) tout en retenue met en exergue. Les seconds rôles ne sont pas en reste. Après Jusqu’à la garde, Léa Drucker confirme la justesse de son jeu et Muriel Benazeraf, victime innocente d’une situation qui la dépasse, complète d’une ultime touche d’intensité ce quatuor hors du commun.
Critique : Claudine Levanneur