De l’autre côté du ciel est un concentré de poésie qui a fait recette au Japon en entrant dans le top 20 annuel. Les Occidentaux seront sous le charme de sa créativité et de ses rêveries.
Synopsis : Lubicchi vit au milieu de grandes cheminées dont l’épaisse fumée recouvre depuis toujours le ciel de sa ville. Il aimerait prouver à tous que son père disait vrai et que, par-delà les nuages, il existe des étoiles. Un soir d’Halloween, le petit ramoneur rencontre Poupelle, une étrange créature avec qui il décide de partir à l’aventure, à la découverte du ciel.
De l’autre côté du ciel, un beau succès de l’animation japonaise
Critique : En sortant le film pour les fêtes de Noël 2020, le distributeur japonais de De l’autre côté du ciel a ciblé un public jeune et familial. Bien lui en a pris, au milieu d’un classement annuel lourd en productions animées phénoménales destinées à des adolescents forcément plus grands ou des animés pour un public plus adulte, l’adaptation de l’ouvrage illustré d’Akihiro Nishino a fait autant de recettes que le James Bond No Time to Die à l’issue de l’année 2021, démontrant le charme indéniable de cette dystopie de pollution, à l’imaginaire fantasque.
L’auteur, Akihiro Nishino, humoriste et comédien nippon, avait bel et bien un long métrage en tête lorsqu’il a créé son ouvrage graphique au milieu des années 2010. Il rêvait de l’adaptation comme le jeune héros du film, orphelin de père, rêve de sortir la tête du voile de nuages noirs et de la pollution que les autorités imposent aux autochtones de la “Ville Cheminée”. Ces derniers sont contraints de faire profil bas et de ne pas ambitionner les étoiles. L’espace, la voute étoilée, le bleu d’une immensité céleste n’existent pas dans ce très bas monde. Ou du moins, le bas peuple n’a pas le droit de rêvasser à son existence. Le savoir est un pouvoir qu’il faut annihiler. Un danger pour la hiérarchie ultime.
Conte écologique et humaniste autour d’une créature nommée Poupelle
Véritable réflexion sur les mythes, les mensonges d’état, l’autoritarisme par la distorsion de la vérité, De l’autre côté du ciel est ambitieux dans sa trame, ses idées politiques et humanistes, son bon sens écologique et sa vision dantesque d’un macrocosme d’ordures et de pollution. D’ailleurs l’un des personnages centraux est Poupelle, l’homme poubelle qui fonctionne comme une peur ancestrale auprès des habitants de la cité, comme si il était une manifestation de leur conscience apparue pour mettre chacun face à ses responsabilités écologiques. Créature de bric et de broc, seul compagnon de l’enfant ramoneur, il est facétieux, mais véhicule des sentiments forts de loyauté, de fidélité, quelque part entre le meilleur ami canin de l’homme, le confident dont on a toujours rêvé dans son enfance de laissé-pour-compte, ou la figure tutélaire du père disparu.
Dans une quête de la vérité qui consiste à percer l’opacité d’un monde souterrain et nocif, Poupelle est le trait d’union entre cet environnement industriel de pollution charbonnée et la vérité de pureté que nul ne doit envisager sous peine de lourdes sanctions. Les autorités orwelliennes ont leurs espions et l’aliénation est générale. Le monde a oublié ce qu’était la lune et les étoiles au point d’être de bonne foi quand ils réfutent l’ailleurs céleste.
Un univers de maestria visuelle fait pour le grand écran
Particulièrement dense, l’univers graphique de De l’autre côté du ciel est magnifié par la réalisation de Yusuke Hirota qui pare les images animées de couches de 2D et 3D. Ces textures d’animation se marient dans une danse infernale qui permet à l’inspiration poétique d’enfler. Les verticalités urbaines vertigineuses ou le gigantisme d’une décharge qui devient lieu de songe et de cauchemar débouchent sur une maestria visuelle qui démontre l’engagement d’une équipe sous le charme du matériau littéraire initial.
Cette rencontre entre Le Petit Prince de Saint-Exupéry et La cité de l’ombre de l’écrivaine Jeanne Duprau, qui évoquait l’histoire d’une cité souterraine assez identique, ne laisse pas les adultes hors de la rêverie. La construction et les efforts artistiques viennent à enjoindre les plus grands à prolonger leurs propres songes dans cet univers adroitement replié sur lui-même jusqu’à l’étonnant final qui ne manque ni de dextérité technique ni d’émotion et de sensibilité.
Un an après une sélection au Festival d’Annecy, les Français ont la chance de découvrir De l’autre côté du ciel sur les écrans larges de leur cinéma. Le rêve ne fait que commencer.