Presque 70 ans après Romy Schneider, l’autrichienne Vicky Krieps fait revivre dans Corsage, l’impératrice Elisabeth d’Autriche à travers un portrait trop corseté pour créer une véritable émotion.
Synopsis : Noël 1877, Élisabeth d’Autriche (Sissi), fête son 40e anniversaire. Première dame d’Autriche, femme de l’Empereur François-Joseph Ier, elle n’a pas le droit de s’exprimer et doit rester à jamais la belle et jeune impératrice. Pour satisfaire ces attentes, elle se plie à un régime rigoureux de jeûne, d’exercices, de coiffure et de mesure quotidienne de sa taille. Étouffée par ces conventions, avide de savoir et de vie, Élisabeth se rebelle de plus en plus contre cette image.
Une version sombre et contemporaine de Sissi
Critique : Pour toujours, Sissi, c’est Romy Schneider. En 1955, son joli minois et son ingénuité font le succès de ce film bien plus politique qu’il n’y paraît. Alors que l’Europe panse encore les blessures de la guerre, l’Autriche a à cœur de redorer son image et de ressusciter son passé glorieux. Quoi de mieux alors que d’essaimer légèreté et grâce à travers une production où les costumes somptueux rivalisent avec des décors de toute beauté, le tout enrobé dans une romance délicieusement désuète. Une version romantique bien loin de la réalité. Car la vie d’Elisabeth Amélie Eugénie de Wittelsbach, duchesse en Bavière, puis devenue impératrice d’Autriche et reine de Hongrie, Bohême et Lombardie-Vénétie par son mariage, ponctuée de drames et d’obligations, ne ressemble guère à un rêve. C’est cet aspect authentiquement sombre qu’explore la réalisatrice Marie Kreutzer à l’opposé de la version kitsch d’Ernst Marischka.
De la complexité d’être au XIXe au siècle
Désormais, la souveraine est une femme mature (elle a atteint la quarantaine, ce qui en cette fin du XIXe siècle en fait une femme vieillissante), en proie à la neurasthénie et à l’anorexie. Pour le prestige de son rang et celui de son prince de mari, elle doit cependant continue à préserver sa beauté à tous prix. Elle étouffe son corps dans des corsets trop ajustés, symboles d’un enfermement social et moral qui lui est devenu insupportable. Entre résignation et révolte, elle apprend à affirmer son indépendance et à ne laisser personne lui dicter sa conduite. Elle voyage, rencontre des hommes avec qui elle noue des relations équivoques entre amour et amitié. commet quelques actes irrationnels qui la mène aux portes de la folie. Coincée dans ce carcan patriarcal, elle prend ses distances avec un mari (à qui le comédien Florian Teichtmeister offre panache et dignité) qui n’est pourtant pas décrit comme un tyran, lui-même étant pris au piège de convenances à respecter. Assurément, l’ombre de Lady Di plane sur ce portrait moderne d’une monarchie emberlificotée dans un protocole trop lourd.
Corsage © Félix Vratny. Tous droits réservés / All rights reserved
Tout en dépoussiérant les ors de la cour d’Autriche, Corsage en préserve toute la magnificence, grâce à la multiplication de tableaux de toute beauté (dont le splendide bain de minuit éclairé par la lune) qui nous replongent dans le faste de la royauté et à l’adjonction de musiques dont l’actualité (Mick Jagger a remplacé Johann Strauss) résonne comme une note de libération au cœur de ce récit d’émancipation.
Corsage ne convainc pas
Pourtant, cette insatiable quête de reconnaissance peine à susciter enthousiasme et émotion, malgré la prestation irréprochable de Vicky Krieps, d’ailleurs récompensée du prix d’interprétation dans la section Un Certain Regard au festival de Cannes (2022). La faute à une mise en scène sans ampleur qui se contente de multiplier les scènes répétitivement languides, peu propices à l’avancée de l’histoire. Et, le désintérêt pour cette malheureuse impératrice figée croît au fil d’une narration plate, tandis que les scènes finales plutôt déroutantes provoquent l’interrogation.
Une œuvre aux relents féministes qui aborde avec intelligence mais sans passion le thème universel du diktat de l’éternelle jeunesse imposée aux femmes en général et encore bien plus violemment à celles qui sont en vue.