Captive d’Anoushka est un manifeste d’inclusivité qui s’éloigne du porno graphique pour se rapprocher d’une vérité crue, drôle et éthique. Le discours militant en fait une œuvre de son temps.
Critique : Nouvelle collaboration d’Anoushka avec Canal+, après l’exaltant Vivante, Captive surprend par sa différence. Dans une volonté de cinéma vérité qui désorientera les amateurs de X traditionnel, la réalisatrice affirme un vrai travail d’écriture, de psychologie, et d’union des corps dans tout ce que devrait réprouver le cinéma de charme traditionnel. La crudité exposée, qui ne cache en rien la pluralité corporelle, envoie balader l’idée d’une perfection physique, jamais accessible, même avec artifices.
Une approche humaine célébrant la pluralité des corps
Ici, l’humain s’aime tel qu’il est, se désire, mais s’interroge aussi sur des problématiques universelles (la maternité, la PMA pour toutes…). Les dialogues en sont d’autant plus apaisants qu’ils donnent de la chair à son intrigue. Celle-ci suit les réflexions d’une jeune femme psy, déprimée, lassée par son travail et perdue dans son propre ressenti conjugal, en proie au doute. Sa compagne insiste pour qu’elle puisse porter leur enfant, mais c’est sans compter les traumas du passé de l’héroïne, harmonieusement campée par la féministe de nature Misungui.
L’approche d’Anoushka refaçonne les canons de sociabilité, sans chercher à promulguer des codes périmés. L’ouverture à une féminisation du point de vue offre à l’œuvre pornographique une vision jamais consommatrice, mais bienveillante, où la jouissance et l’orgasme s’inscrivent dans l’accomplissement de l’autre et de soi, dans une harmonie des sens. Les mises en scène sont toujours inscrites dans l’effort de valoriser l’autre et le collectif.
L’anomalie sociale et le hors genre élevés au rang de normes dans Captive d’Anoushka
Cinéma réalité ne rime pas avec porno amateur : le film est diffusé sur Canal+ le même mois où le X amateur est éclaboussé pour ses excès, ses agressions et sa brutalité. Or tout dans Captive d’Anoushka confine à un travail d’équipe accompli, à une démarche artistique patente. Le signifiant pare l’image d’une texture qui est celui d’une cohérence esthétique et éthique dont la manifestation finale est bien une scène plurielle où la réalisatrice parvient à créer le sentiment d’une réalité filmée. C’est là tout le talent de la conteuse revenant pourtant à son histoire pour conclure ce parcours de femme(s) face aux décisions de vie qui se partagent à deux plutôt que de les laisser scinder le couple.
Une invitation saine au débat d’idées
Les acteurs, saltimbanques polyvalents, affirment leur confiance en ce projet un peu fou, forcément excentrique pour le spectateur un peu éloigné de la réalité philosophique, idéologique, communautariste des Parisiens ou des réseaux sociaux. Sa programmation dans la case du sacrosaint porno de Canal du samedi soir, est revigorante dans sa volonté de proposer une alternative, une différence de bonne foi. Mais est-ce que cette alternative s’inscrit dans une finalité hégémonique pour un cinéma X consensuel de nouveaux bourgeois ? Cela restera l’interrogation finale à se poser.
Plus que jamais le septième art, même confiné au streaming, a besoin de diversité, d’idées alternatives et de créations plurielles. Quant au mot éthique, il rime avec celui de politique. Captive est donc une invitation saine au débat d’idées.
Première diffusion sur Canal+ : le 7 novembre 2021 – interdit aux moins de 18 ans.