Thriller à l’efficacité diabolique, Calme blanc a surtout révélé le talent de Nicole Kidman au monde entier. Un peu vain, mais divertissant.
Synopsis : Pour oublier la mort tragique de leur fils dans un terrible accident, un couple décide de partir en mer. Sur l’océan, ils vont à la rescousse d’un homme qui est en train de couler. Mais ce que John et sa femme Rae ne savent pas encore, c’est que leur nouveau passager est un dangereux psychopathe…
Un thriller australien basé sur un roman noir américain
Critique : Petit classique de la série noire, le roman de Charles Williams publié en France sous le titre Calme blanc – De sang sur mer d’huile (1963) a séduit le réalisateur Orson Welles qui a entamé un tournage en 1967. Comme souvent avec le génie américain, le manque de financement, puis le décès de l’acteur principal ont mis fin définitivement à cette œuvre restée une fois de plus inachevée. En 1986, ce sont les Australiens Phillip Noyce et George Miller qui font l’acquisition des droits d’adaptation.
Cette fois-ci, les deux compères vont parvenir à concrétiser le projet à l’aide d’un budget assez cossu et d’un tournage conséquent étalé sur près de six mois. Seulement producteur, George Miller délègue ici la réalisation proprement dite à Phillip Noyce qui n’a rien d’un novice puisqu’il a déjà quatre longs-métrages à son actif, dont la plupart ont eu un excellent écho auprès de la critique. Il s’agit en tout cas de la première incursion du réalisateur dans le thriller pur et dur, et il va démontrer son appétence pour le genre.
Deux hommes, une femme et un voilier… plusieurs possibilités
Effectivement, le film est un véritable défi pour tout cinéaste puisque son intrigue se déroule en intégralité sur un voilier, avec uniquement trois personnages, dont l’un se retrouve rapidement isolé des deux autres. Difficile donc de créer une tension soutenue dans un tel environnement marqué par la promiscuité. Les auteurs suivent donc le séjour en plein océan d’un couple en convalescence psychologique. Ils viennent tout juste de perdre leur jeune bébé, à la suite d’un terrible accident de voiture qui tétanise le spectateur dès les premières minutes du film.
Alors que tout paraît calme et paisible au cœur de l’océan, le couple vient en aide à un naufragé qui semble particulièrement peu explicite sur la raison de sa présence en pleine mer. Assez rapidement, le doute s’installe quant aux intentions de l’intrus qui cache assez mal son déséquilibre mental. On ne révélera rien si l’on précise que l’homme est effectivement un psychopathe décidé à faire la peau au couple, puisque cela est dévoilé au bout du premier quart d’heure.
Une intrigue réduite à sa plus simple expression, ce qui n’empêche pas la tension
De quoi s’inquiéter quant à la suite des événements puisque l’on se demande assez rapidement comment les auteurs vont parvenir à renouveler les péripéties afin de garder intacte la tension des débuts. A part quelques légers flottements, notamment lorsque la caméra suit un peu trop souvent les déambulations de Sam Neill dans le bateau en train de couler, l’ensemble du film tient plutôt bien la route. Loin du naufrage pourtant prévisible avec un tel sujet, Phillip Noyce gère au mieux l’espace confiné qui est à sa disposition et orchestre de main de maître un petit thriller efficace à défaut d’être profond.
En réalité, il s’appuie sur le talent déjà bien affirmé de la jeune Nicole Kidman – tout juste vingt ans au moment du tournage – qui allait d’ailleurs gagner son ticket pour Hollywood et les bras de Tom Cruise grâce à sa prestation remarquable. C’est bien simple, elle porte sur ses épaules l’intégralité du film grâce à sa capacité à passer de la vulnérabilité à la puissance de conviction en quelques regards seulement. Face à elle, Billy Zane est un serial-killer un brin caricatural, même si le comédien s’en sort tout de même correctement. Sam Neill écope quant à lui du rôle le moins intéressant, ce qui ne l’empêche pas d’assurer.
Un final grotesque, largement imputable aux producteurs
Stressant et bien réalisé, Calme blanc est donc un thriller très correct qui pâtit toutefois de ses cinq dernières minutes, clairement ajoutées par les producteurs à la suite de projections test jugées décevantes. Effectivement, dans la version initiale, le méchant incarné par Billy Zane n’était pas vraiment puni et sa menace restait latente. Dans le film retouché, il réapparaît de manière totalement absurde, suivant la grande mode des retours surprise du grand méchant initiée dans les années 80.
Cette dernière scène, ajoutée après coup, est non seulement ridicule et invraisemblable, mais elle vient finalement massacrer une œuvre qui était restée digne jusque-là en ne tombant pas dans le grand-guignol. Voilà donc une concession qui coûte cher, même si cela n’a sans doute pas choqué le public de l’époque, comme en témoigne le succès rencontré par le long-métrage dans le monde entier.
Calme blanc a d’ailleurs permis à l’ensemble des artistes impliqués de quitter leur terre natale pour aller s’installer à Hollywood, avec des fortunes diverses. Nicole Kidman y a gagné ses galons de star, Sam Neill est devenu un acteur renommé, Billy Zane s’est perdu dans les eaux d’un certain Titanic (Cameron, 1997), tandis que Phillip Noyce y a perdu son âme d’artiste pour devenir un yes man de l’industrie hollywoodienne.
Critique du film : Virgile Dumez