Pur hommage au giallo des années 70, Blackaria est surtout un long-métrage amateur aux séquences parfois enthousiasmantes, malgré les défauts inhérents à ce type d’auto-production.
Synopsis : Angela, une élégante jeune femme, passe ses nuits à fantasmer sur sa sensuelle voisine Anna Maria, une diseuse de bonne aventure au charme envoutant. Un soir, Angela retrouve son cadavre sauvagement mutilé. Sous le choc, elle brise accidentellement la boule de cristal de cette dernière. Un cristal qui a la réelle faculté de lire l’avenir. Mais saura-t-elle utiliser son nouveau don pour échapper à la mort violente qui lui est promise ?
Critique : Un moment donné, la ville de Montpellier s’imposait progressivement comme un lieu de création dans le cinéma de genre avec notamment les films de Frédéric Grousset (Aquarium), mais aussi désormais ceux du duo François Gaillard / Christophe Robin. Dans tous les cas, ces auteurs sont des artistes passionnés qui œuvrent en-dehors des circuits traditionnels grâce à des financements privés. Dans le cas précis de ce Blackaria, ce sont les deniers personnels de François Gaillard et le bénévolat de l’ensemble de l’équipe artistique et technique qui ont permis la réalisation de ce qui devait être au départ un court-métrage.
Convaincus par la qualité du court, les cinéastes ont décidé de prolonger le plaisir en l’étendant au format d’un long. Tourné avec les moyens du bord en DV, le film pâtit d’un certain nombre de défauts liés à sa conception hasardeuse. Ainsi, le rendu de la DV donne une image parfois trop réaliste, même si la photo très bariolée permet de masquer en grande partie ce défaut. De même, la prise de son directe rend la voix des acteurs terne et caverneuse, renforçant l’impression d’un jeu fragile de leur part. Enfin, les acteurs ne sont pas toujours bien dirigés et plongent inexorablement le film du côté de la production bis (on a parfois l’impression d’être devant un porno ou un Jean Rollin, les scènes de saphisme accentuant ce sentiment).
Malgré ces griefs que l’on ne peut passer sous silence, Blackaria est plein de promesses enthousiasmantes qui en font un spectacle à recommander à tous les amateurs de bis italien des années 70. Passionnés par cette période artistique faste, les deux auteurs rendent hommage au cinéma de Mario Bava, Dario Argento et Lucio Fulci avec un amour du genre qui transcende les défauts formels du long-métrage. Ils proposent ainsi une histoire sympathique fondée comme il se doit sur un whodunit, entrecoupée par un nombre conséquent de meurtres efficaces et très sanglants. Grâce à une réalisation élégante, un montage inspiré et un indéniable sens du fétichisme sexuel, François Gaillard parvient à créer une ambiance fascinante. Il est grandement aidé par l’excellente partition musicale du duo français Double Dragon. En citant volontiers les créations synthétiques des Goblin, de Giorgio Moroder ou de John Carpenter, les musiciens livrent une bande originale qui enthousiasmera tous les fans de groupes électro comme M83 ou de rock progressif comme Zombi. Leur musique épouse à merveille les images bariolées du métrage et permet à de nombreuses séquences de décoller.
Certes amateur, Blackaria n’a pas de mal à se hisser au-dessus des dernières productions de Dario Argento et se révèle bien moins ennuyeux à suivre que l’esthético-chiant Amer (pourtant nettement supérieur sur le plan technique).
Le DVD de Blackaria
Une édition du Chat qui Fume riche en suppléments pour une petite production très sympathique.
Compléments : 3.5/5
Totalement passionnés par leur création, les auteurs nous livrent un nombre impressionnant de bonus. On commence tout d’abord par un commentaire audio qui revient sur les aspects les plus techniques du tournage. Ensuite, un nombre conséquent d’entretiens (avec les réalisateurs, les actrices et le groupe musical Double Dragon) permettent en presque une heure de programme de comprendre comment la réalisation d’un tel film est possible de nos jours. On y parle sans aucune langue de bois, on y évoque les tensions sur le plateau, ainsi que les qualités et défauts de chaque participant, le tout dans une ambiance bon enfant. Les auteurs nous offrent aussi deux courts-métrages plutôt sympathiques et des bandes-annonces.
Pourtant, le bonus qui nous fait le plus plaisir vient de la présence de l’excellente BO du film, dynamitée par le titre Dragonfly, chanson mémorable qui mériterait vraiment de cartonner. Un grand bravo donc pour ce programme riche et enthousiasmant.
Image : 2/5
Ne cherchez pas à régler votre téléviseur lors du visionnage de Blackaria, l’impression d’une image floutée est voulue par les auteurs afin de diminuer l’aspect réaliste de la DV. Si les couleurs flashy (merci Suspiria et Mario Bava) sont très correctement rendues, on est plus réservé sur la définition de l’ensemble.
Son : 2/5
L’unique piste française souffre d’une prise de son qui éloigne les voix des acteurs par rapport aux autres bruits d’ambiance. Heureusement, le long-métrage étant essentiellement musical, le rendu de la musique de Double Dragon est de très bonne qualité.
Virgile Dumez