Best Worst Movie ou comment le pire des nanars est devenu avec le temps l’objet d’un culte presque à l’épreuve du temps.
Synopsis : Documentaire autour du phénomène sur Troll 2, série Z conspuée à la fin des années 80 et devenue culte aux USA plus de quinze ans plus tard.
Critique : Grand collaborateur de Bruno Mattei, le pape du Z rital des années 80, Claudio Fragasso est passé du statut d’assistant réalisateur à celui de réalisateur de seconde zone. Il s’est rendu involontairement célèbre en réalisant en 1989 une petite suite tardive au film Troll de John Carl Buechler produit par Richard Band.
Best Worst Movie ou le culte du nul
Cent pour cent putassier, avec des acteurs locaux issus de l’Utah, et notamment un dentiste improvisé en acteur, le docteur George Hardy, Troll 2 est aujourd’hui célébré par les puristes du genre dégénéré. Ce pur produit d’un Z pastoral, avec maquillages grotesques, effets spéciaux verts organiques hideux (moins risqué que le rouge gore peu populaire à l’époque) et acteurs exsangues, s’était risqué à une sortie en VHS discrète en France. Pas plus.
Un documentaire relate l’histoire de ce projet fou et notamment du dentiste star malgré lui, Best Worst Movie, réalisé par Michael Paul Stepheson. Le réalisateur du film n’est autre que le gamin qui jouait le premier rôle de Troll 2 ! Best Worst Movie est devenu une petite bête de festivals et a sillonné les écrans américains du pays lors de séances spéciales, souvent couplées avec l’outrage initial.
Une réflexion pertinente sur le rêve américain
Outre l’amusement de redécouvrir les scènes affligeantes de maladresse du nanar original qui s’étaient avérées insupportables en leur temps, c’est avec un intérêt vraiment sociologique que l’on découvre l’aventure singulière consécutive à l’exploitation vidéo catastrophique de ce film de trolls sans vrai trolls !
On découvre ainsi les espérances déçues de petites gens après la découverte du métrage final et les critiques assassines qui ne les épargnaient pas, eux, inoffensifs comédiens amateurs, pas forcément prêts à encaisser pareil choc des mots, alors qu’ils venaient de faire une première expérience dirigés par un cinéaste acariâtre manipulant l’extravagance tyrannique et une langue qui n’était pas la leur !
Les retrouver vingt ans plus tard, face au succès geek grandissant, lors de conventions ou de soirées Troll 2 à travers la grande Amérique, est une belle histoire qui resitue l’homme face au mythe du rêve américain qu’il lui sera toujours inaccessible, malgré cette relative postérité que l’on imagine aussi restreinte qu’éphémère.
Claudio Fragasso sous un angle peu flatteur
Dans Best Worst Movie, le documentariste est accompagné du fameux dentiste. Ensemble, ils partent à la rencontre de l’actrice principale. L’instant saisissant nous invite dans le morne quotidien d’une femme, probablement une laissée-pour-compte, à la beauté fanée mais toujours coquette, que l’on nous dévoile dans son patent échec social, seule à s’occuper de sa mère dans des conditions que l’on imagine difficiles. Pathétique ? Émouvant ? Le regard devient social et révèle une fois de plus les grandes failles du rêve hollywoodien.
Plus amusante, mais tout aussi pathétique, l’incursion de Fragasso au cœur du documentaire révèle un artisan du Z sans grand talent mais surtout irascible et sévère, qui en vingt ans n’a pris aucun recul par rapport à son film, voire à son œuvre. Heureusement pour lui, le public de bisseux américain, jeune et excentrique, en a pris pour lui.
Le film est inédit en salle et en vidéo en France.