Bad Dreams entend pénétrer au cœur de notre inconscient collectif à l’aide de séquences oniriques d’une beauté sombre, le tout porté par une musique électronique planante. Un film d’auteur ambitieux, même si limité par son budget.
Synopsis : Sarah, une lycéenne en crise, fait des cauchemars récurrents. Elle décide de sécher les cours et s’enfuit de chez elle. Elle accepte alors de participer à une étude universitaire sur le sommeil qui lui permettra de trouver un lieu où dormir et subvenir à ses besoins. Espérant que ses mauvais rêves disparaissent, elle va devenir involontairement l’instrument d’une découverte terrifiante…
Un réalisateur aux multiples casquettes
Critique : Pas franchement satisfait de l’accueil glacial reçu par son premier long-métrage Notre maison (2018) dont il considère qu’il lui a échappé, le concepteur d’effets visuels canadien Anthony Scott Burns a souhaité rapidement rectifier le tir avec un second long plus maîtrisé. Cette volonté de contrôle absolu se voit par la multitude de casquettes qu’il porte sur Bad Dreams (en réalité Come True en VO). Effectivement, Burns est non seulement le réalisateur et le scénariste, mais aussi le directeur de la photographie et le monteur du film.
A l’arrivée, Bad Dreams s’avère une œuvre terriblement ambitieuse – prétentieuse diront certaines mauvaises langues – et ceci malgré des restrictions budgétaires qui brident parfois l’imagination foisonnante du réalisateur. Ainsi, Burns fait siennes les théories de Carl Gustav Jung exposées dans son livre Sur l’interprétation des rêves qui rassemble des notes de conférences données par le psychanalyste entre 1938 et 1941. Ainsi, Le film est dès lors divisé en fonction de concepts jungiens comme l’anima, l’animus, le soi (à savoir l’image qu’un individu a de lui-même), la persona (qui correspondrait au masque social) et l’ombre (qui est une part de soi que l’on ne connaît pas).
Bad Dreams plonge dans l’inconscient collectif
Cette division quelque peu artificielle dans le long-métrage permet toutefois de comprendre l’intégralité du film comme une exploration de la conscience et de l’inconscient d’un individu, en l’occurrence ici une jeune femme en rupture avec la société. Le spectateur est invité à plonger au cœur de ses cauchemars dans des séquences superbes et répétitives où un travelling avant nous emporte à travers des paysages fantastiques qui semblent issus des toiles du peintre polonais Beksiński. Au centre de ce dispositif, un personnage central énigmatique représente justement la part d’ombre qui serait en chacun de nous et ferait ainsi partie d’un inconscient collectif.
Si les séquences de cauchemars ponctuent régulièrement le long-métrage de leur beauté formelle, les plans tournés dans la ville d’Alberta n’en sont pas moins beaux puisque le réalisateur magnifie l’architecture moderne et froide de l’aire urbaine canadienne. On retrouve ici des points communs avec le cinéma des Cronenberg, père et fils. L’ensemble est également porté par une superbe musique composée par le réalisateur lui-même et le groupe de synthpop Electric Youth. La bande originale est ainsi pour beaucoup dans le plaisir ressenti durant la projection de ce Bad Dreams volontairement planant et ne cherchant jamais la facilité d’écriture des films d’horreur commerciaux.
Un twist final contestable, mais qui ne gâche pas la projection
Il faut dire que le métrage bénéficie également de l’interprétation très convaincante de la jeune Julia Sarah Stone. L’actrice porte sur ses épaules l’intégralité du film, là où les autres acteurs semblent plus en retrait. Véritable trip sensoriel qui semble d’abord rétif à l’analyse, Bad Dreams se termine par un twist final qui peut être diversement apprécié. Certains regretteront notamment qu’il explique à peu de frais tout ce qui précède de manière assez artificielle. Cela peut apparaître effectivement comme une simple béquille de scénariste. D’autres préféreront y voir au contraire la confirmation que l’ensemble de l’œuvre se veut uniquement métaphorique et psychanalytique. Les deux points de vue se défendent, mais cette fin laisse tout de même un peu dubitatif.
Cela ne gâche pourtant pas les nombreuses qualités de ce second long-métrage vraiment ambitieux sur les plans visuel et sonore, tout en cherchant à explorer une voie plus mature et complexe que d’accoutumée dans le genre. On notera que le film a d’ailleurs remporté de nombreux prix lors du Blood in the Snow Canadian Film Festival en 2020. Le métrage a également été sélectionné à Sitges, puis au Festival de Gérardmer en 2021. Finalement, ARP Sélection a opté pour une sortie en VOD sur le territoire français à partir du mois de juillet 2021. On espère sincèrement qu’une sortie en support physique intervienne d’ici quelque temps afin de pouvoir visiter à nouveau les cauchemars entêtants de cet inédit vraiment intéressant.
Critique de Virgile Dumez
Voir le film en VOD
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