Thriller social doublé d’un portrait de femme combative, Anti-squat aurait gagné en puissance avec un scénario plus concis.
Synopsis : Inès est menacée de se faire expulser de chez elle avec Adam, son fils qu’elle élève seule. Elle doit alors décrocher un emploi stable pour retrouver un logement. Prise à l’essai chez Anti-Squat, Inès commence à travailler dans cette société qui propose des logements temporaires et précaires dans des immeubles de bureaux vides. A ce poste, Inès doit tenir deux mois pour valider sa période d’essai, et parvenir à s’en sortir.
Le logement de l’extrême
Critique : Nicolas Silhol est, sans conteste, un réalisateur engagé. Après s’être penché sur les rapports de domination dans le monde du travail avec Corporate en 2017, il s’intéresse, cette fois, au problème du mal-logement qui concerne quinze millions de personnes, soit presque un quart de la population française.
Pour prémunir les propriétaires contre d’éventuels squatteurs tout en permettant à des personnes dans la précarité de s’abriter dans des bâtiments vacants, est né le concept de protection par l’occupation. Une idée qui, si elle semble, au premier abord, tout à fait louable, ne tarde pas à révéler son cynisme.
En effet, chez Anti-Squat, l’entreprise qui a recruté Inès (Louise Bourgoin, dont 2023 marque le grand retour avec trois films à l’affiche), les règles sont éminemment plus favorables aux propriétaires qu’aux résidents/locataires, soumis à un tout petit loyer en contrepartie de l’entretien des lieux. Ils n’ont ni le droit de recevoir des amis, ni celui de faire de fêtes, ni même d’héberger un enfant ou un animal. De plus, le moindre écart peut les condamner à l’expulsion immédiate. A travers ce règlement déshumanisé qu’est chargée de faire appliquer la protagoniste centrale du film pour garder son emploi, le réalisateur dénonce un monde impitoyable, capable de créer des emplois flexibles et précarisés dans le seul but d’écraser d’autres personnes encore plus miséreuses.
Anti-Squat dénonce l’horreur de l’exploitation humaine
Avec sa mise en scène plutôt austère, Anti-Squat se pose en un drame social puissant, à la lisière du thriller. La révolte, nourrie d’arguments tangibles, est palpable. La fragilité de Louise Bourgoin, happée par les remous d’un univers aussi implacable qu’incontrôlable, ainsi que l’époustouflante justesse d’interprétation du jeune Samy Belkessa, qui incarne son fils, ajoutent un degré supplémentaire à l’horreur de cette exploitation de l’homme savamment organisée par l’homme.
Pourtant, malgré tous ces atouts, le film ne parvient pas à convaincre totalement, la faute à un scénario à la colonne vertébrale molle, avec une nette tendance à s’égarer dans une variété de thèmes plutôt que de se consacrer à la seule peinture d’un système défaillant, tout en alternant des scènes inégales. En résulte un manque de tension et d’émotion.
Néanmoins même imparfait, Anti-Squat se hisse dans la catégorie des films nécessaires par sa capacité à pointer du doigt des pratiques indignes et pas toujours connues d’une société prétendument évoluée.
Sorties de la semaine du 6 septembre 2023
© Le Cercle Noir pour Fidelio, d’après des photos de Julien Panié – Copyrights Film : Kazak Productions. Tous droits réservés / All rights reserved