Beau drame poétique sur la prime enfance, avec ses joies et ses peines, àma Gloria est un joli film d’auteur à l’écriture fine et aux interprètes touchées par la grâce. Une belle découverte.
Synopsis : Cléo a tout juste six ans. Elle aime follement Gloria, sa nounou qui l’élève depuis sa naissance. Mais Gloria doit retourner d’urgence au Cap-Vert, auprès de ses enfants. Avant son départ, Cléo lui demande de tenir une promesse : la revoir au plus vite. Gloria l’invite à venir dans sa famille et sur son île, passer un dernier été ensemble.
Un récit d’apprentissage autobiographique
Critique : Collaboratrice de Claire Burger durant plus de dix ans, Marie Amachoukeli est connue des cinéphiles pour avoir coréalisé le très bon Party Girl qui a obtenu la Caméra d’Or à Cannes en 2014, mais aussi pour ses nombreux scénarii comme celui des Fauves (Vincent Mariette, 2018). Pourtant, avec àma Gloria (2023), la réalisatrice prend définitivement son envol en solo et livre une œuvre touchante qui plonge ses racines dans les souvenirs d’enfance.
Effectivement, cette histoire d’un amour puissant entre une petite fille et sa nounou a été réellement vécue par la réalisatrice dans sa propre enfance. D’ailleurs, ce terrible sentiment d’abandon qui frappe la gamine lorsqu’elle apprend le départ de sa nounou sonne si juste qu’il ne pouvait être qu’une réminiscence d’un souvenir encore très présent. Après avoir effectué un casting sauvage pour rechercher des non professionnels, Marie Amachoukeli, aidée de sa directrice de casting Christel Baras, a déniché deux perles rares pour interpréter les deux rôles principaux.
Deux actrices non professionnelles absolument formidables
Découverte dans un parc pour enfants, la petite Louise Mauroy-Panzani est une véritable révélation tant elle dévore la caméra de ses grands yeux ronds. D’un naturel impressionnant, la gamine parvient non seulement à être craquante tout en restant une enfant simple et abordable. Face à elle, la capverdienne Ilça Moreno Zego interprète quasiment son propre rôle à l’écran puisque son histoire personnelle recoupe en grande partie celle de son personnage. En entremêlant le vécu intime de ses actrices avec le scénario d’origine, Marie Amachoukeli a ainsi réussi à créer une œuvre où réalité et fiction semblent s’entremêler en permanence.
Toutefois, pour bien faire comprendre que le regard demeure toujours à hauteur d’enfant, la réalisatrice a eu l’idée d’intercaler quelques passages animés qui ajoutent encore de la poésie à un film déjà très séduisant. Ces moments de pure grâce ouvrent ainsi une lucarne sur l’imaginaire de la petite fille, permettant de signifier des sentiments qui ne peuvent être verbalisés par une si petite gamine. Filmée souvent en gros plan, la petite fille exprime pourtant tous ses sentiments par ses yeux et ses attitudes.
Un regard malin sur les inégalités nord-sud
Outre cette belle relation entre une enfant et sa nounou, le long métrage permet de jeter un éclairage intéressant sur ces travailleurs de l’ombre qui hantent pourtant nos maisons. Ainsi, la douleur sourde qui émane d’àma Gloria vient également de cette situation improbable qui oppose pays du nord et du sud. Afin de pouvoir nourrir sa famille, la nounou capverdienne est contrainte de quitter son pays pour venir élever les enfants des autres, tandis que les siens grandissent sans elle. Par ailleurs, les enfants des pays aisés peuvent éprouver des sentiments puissants pour une femme payée pour cela.
La beauté du film vient de l’amour réel et absolu qui émane des deux personnages principaux, finalement bien loin des contingences économiques. Durant ce beau parcours de vie, les deux personnages féminins apprendront à vivre de manière plus autonome – la plus âgée en devenant sa propre patronne et la plus jeune en se détachant progressivement de cette figure maternelle de substitution. Pourtant, lors de la dernière scène, leur amour éclate de manière magnifique dans un grand moment d’émotion digne du final de Central do Brasil (Walter Salles, 1998).
L’enfance dans toutes ses contradictions
Assument pleinement le statut de mélodrame, la réalisatrice bouleverse aisément le spectateur en investissant le champ de la prime enfance avec un regard à la fois puissant, beau et bienveillant, mais sans céder à la mièvrerie. La soudaine méchanceté dont est capable la gamine vient notamment rappeler à quel point l’enfance demeure un formidable laboratoire d’expériences violentes et contradictoires.
Ce très joli film d’auteur a pu faire le tour des festivals avant d’être présenté en ouverture de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes en 2023. Diffusé dans les salles françaises à partir du mercredi 30 août 2023, àma Gloria a eu le droit à 172 copies sur toute la France dont 27 dans la capitale au plus fort de son exploitation. Le long démarre sa carrière avec 27 968 curieux dont près du tiers rien que sur Paris. En deuxième semaine, le film voit le nombre de ses copies augmenter, ce qui permet de limiter la chute à 17 751 retardataires. Malgré une pente descendante régulière, le métrage parvient à doubler ses entrées initiales en un mois de présence dans les cinémas d’art et essai.
àma Gloria, un bouche à oreille très favorable
Grâce à un bouche à oreille très favorable et au soutien de son distributeur, àma Gloria a tenu l’affiche pendant plusieurs mois, générant plusieurs centaines d’entrées durant de longues semaines. La gamine a fini par faire chavirer les cœurs de 72 678 spectateurs, ce qui s’avère un résultat moyen, mais établi sur la durée, preuve s’il en est de sa bonne réception par son public cible. Depuis, le joli drame de l’enfance est disponible au format physique en DVD ou en VOD. On vous le conseille fortement.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 30 août 2023
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Marie Amachoukeli, Louise Mauroy-Panzani, Ilça Moreno Zego
Mots clés
Cinéma français, Récit d’apprentissage, La condition des enfants dans le monde, L’Afrique au cinéma, Les mères au cinéma