Réalisé avec talent, Acusada nous plonge dans la tourmente médiatique d’un fait divers judiciaire. Si la démarche est assurément intéressante, elle n’est pourtant pas totalement aboutie.
Synopsis : Seule présumée coupable du meurtre de sa meilleure amie, Dolorès Dreier, jeune étudiante argentine, attend son procès depuis deux ans. Sa famille, soudée, a fait appel au meilleur avocat de la ville. Avec son équipe, elle prépare minutieusement sa défense. Mais à quelques jours du procès, Dolorès est au centre d’un véritable déchaînement médiatique. Des secrets font surface, la solidarité familiale se fissure, Dolorès s’isole, et la stratégie de défense vacille…
Une immersion totale dans la tourmente judiciaire
Critique : Deuxième long-métrage de Gonzalo Tobal, après le très moyen Villegas en 2012,
Acusada permet au réalisateur de passer à la vitesse supérieure en matière de réalisation. Là où son premier effort faisait preuve d’un naturalisme dépouillé, Acusada multiplie au contraire les effets pour immerger le spectateur dans les sensations éprouvées par les personnages principaux. Effectivement, son but n’est aucunement de livrer un énième film de procès reposant sur les rebondissements, mais bien d’analyser l’impact de la tourmente judiciaire sur une petite famille. Inspiré de plusieurs faits divers survenus en Argentine, le long-métrage est toutefois une pure œuvre de fiction qui s’attache à suivre le parcours psychologique d’un groupe de personnages pris au cœur d’une affaire de meurtre.
A la suite d’une prise d’alcool lors d’une fête, la jeune Dolores est accusée d’avoir assassinée sa meilleure amie, retrouvée lardée de coups de ciseaux. Pourtant, la jeune fille nie les faits. Le spectateur, quant à lui, est plongé dès le début du film deux ans après les faits, à l’approche du procès. La famille de l’accusée est sous haute tension, ruinée par les frais engagés afin d’avoir de bons avocats, et surtout minée par le doute quant à l’innocence de leur progéniture.
Le cinéaste arrive à merveille à saisir cet état de tension permanent qui finit par gangrener la cellule familiale. Il utilise pour cela une musique menaçante, ainsi que des décrochages sonores qui nous mettent dans la même disposition d’esprit que l’héroïne.
Les dérives des médias et des réseaux sociaux en ligne de mire
Mais surtout, l’intérêt d’Acusada réside dans sa dénonciation du battage médiatique entourant ces affaires. Toujours à l’affût d’un bon scoop, les journalistes se soucient peu de déontologie et jouent avec les vies brisées des protagonistes pour les opposer comme dans un show de télé-réalité. Autre cible de Gonzalo Tobal, les réseaux sociaux sont décrits comme particulièrement néfastes pour la jeunesse. Cet aspect moralisateur n’est toutefois pas trop appuyé et passe donc plutôt bien. Par contre, le choix du réalisateur de ne se concentrer que sur le ressenti des personnages ruine quelque peu le suspense, d’autant plus que la résolution en forme de point d’interrogation ne permet pas de s’accrocher à une intrigue à proprement parler. Du coup, le long-métrage peut paraître légèrement décevant lorsqu’il se termine.
De bons interprètes au service d’une œuvre inaboutie
Le tout est porté par d’excellents acteurs dont le très juste Leonardo Sbaraglia (vu récemment dans Douleur et gloire d’Almodovar), ainsi que par la jeune Lali Espósito, mannequin et chanteuse très connue en Argentine, parfaite en adolescente mystérieuse. Enfin, Gael Garcia Bernal vient faire un caméo lors d’une séquence d’interview télévisée particulièrement intense.
Au final, Acusada est assurément un bon film, auquel il manque juste un petit supplément d’âme qui le ferait basculer du côté des œuvres incontournables. En l’état, il s’agit juste d’un intéressant instantané d’une société médiatico-judiciaire devenue totalement folle.
Critique du film et test blu-ray : Virgile Dumez