Cinéaste du littéraire, à l’œuvre parfois un peu froide, voire sèche, mais toujours dense, Benoit Jacquot exerce depuis le milieu des années 70, y compris comme acteur.
Il a été remarqué avec le drame mettant en scène Anna Karina, L’assassin musicien. Suivront Les enfants du placard, avec Brigitte Fossey, et surtout Les ailes de la colombe, l’une de ses œuvres phares, en 1981. Le film met en scène Isabelle Hupert et l’ancienne compagne de l’auteur, Dominique Sanda.
La traversée du désert après Les ailes de la colombe
Alors qu’il exerce aussi comme comédien, Benoit Jacquot connaît une certaine traversée du désert dans les années 80 où il travaille beaucoup pour la télévision. Au cinéma, Ni Corps et biens, avec Lambert Wilson et Sanda, qui a déconcerté, ni Les Mendiants, totalement passé inaperçu, dans lequel il dirige encore Dominique Sanda, mais aussi sa future bien-aimée, Judith Godrèche, ne marqueront sa carrière.
De Sanda à Godrèche, en passant par Ledoyen et Huppert, Benoit Jacquot cherche sa muse
La roue tourne en 1990 avec La Désenchantée, le film de la révélation pour Godrèche ; la flamme est visible à l’écran qu’elle crève de sa belle jeunesse. En 1995, il réitère un joli coup avec La Fille seule, où Virginie Ledoyen obtient un nouveau beau rôle, après celui obtenu chez Assayas (L’eau froide) puis chez Chabrol (La Cérémonie).
A partir de 1997, Jacquot, sans jamais trouver de succès public important, en raison d’un style très épuré peu accessible, trouve une énergie et inspiration exceptionnelles qui vont le conduire à enchaîner les films à raison d’un par an environ.
L’enchantement et la boulimie de filmer
Pour ne citer que les plus fameux, Le septième ciel avec Lindon et Kiberlain, L’école de la chair avec Huppert, Pas de scandale avec Luchini, Huppert et Lindon, le sulfureux Sade avec Auteuil et Balibar, Adolphe avec Adjani, Villa Amalia avec Huppert… Sans oublier le succès, dans les années 2010 des Adieux à la reine (Léa Seydoux, Diane Kruger) qui lui vaut un ticket pour les USA et un autre film en costumes, Journal d’une femme de chambre (Lindon, Seydoux). Principalement des adaptations de grands ouvrages littéraires.
Des apartés théâtraux, d’opéra filmés et littéraires
Ce cinéaste féru d’opéra, de théâtre, de textes littéraires dirigera de nombreuses œuvres allant dans ce sens-là (Par cœur, La fausse suivante, Tosca…), et mettra même en scène des opéras (La Traviata, Werther). Il ose et va là où son cœur lui dit de travailler, n’en déplaise aux diktats d’un cinéma commercial qu’il ne cherchera jamais à caresser.
L’expérience Isild Le Besco
Ouvert à l’expérimental, notamment dans ses rencontres cinématographiques avec sa muse des années 2000, Isild Le Besco (A tout de suite, L’intouchable, Au fond des bois), qu’il fait beaucoup voyager, dans des rôles toujours à cran, il voit sa carrière à la fin des années 2010 devenir moins éloquente : A jamais (Amalric), Eva (Berry, Huppert) et Dernier amour, sur un Casanova vieillissant joué par Vincent Lindon, ne trouvent pas d’écho auprès du public.
En 2021, Benoît Jacquot connaît l’un de ses plus grands échecs avec Suzanna Andler, d’après Marguerite Duras, malgré la présence de Charlotte Gainsbourg.
Polémique sur l’emprise et lynchage médiatique : l’actualité de Benoît Jacquot en 2024 n’est pas Belle
En 2024, le cinéaste est dans la tourmente. L’actrice Judith Godrèche exprime avoir pris conscience de l’emprise qu’a eu l’auteur alors qu’elle n’avait que 14 ans, à la suite du visionnement d’un documentaire de Gérard Miller (2011). Dans ce film, Jacquot réfléchissait sur le tabou et l’interdit du couple qu’il formait avec l’adolescente dont il était à la fois l’amant et le pygmalion.
Benoît Jacquot, auteur vedette chez les élites intellectuelles, inconnu du grand public, devient ainsi l’un des noms les plus commentés sur les réseaux sociaux en janvier 2024, pour un comportement qui ne peut que choquer avec le recul post #MeToo.
Le cinéaste est toujours actif. Lors de cette polémique, il est en plein tournage de Belle avec Charlotte Gainsbourg et Guillaume Canet pour une sortie qui posera bien des migraines à son distributeur, KMBO. L’adaptation de La mort de Belle de Georges Simenon avait été vendu à Cannes en 2023. France tv distribution en avait fait l’acquisition. Les producteurs Marie-Jeanne Pascal (Macassar Productions) et Philippe Carcassonne (Ciné-@) avaient alors déclaré :
“Ce film est particulièrement d’actualité : il traite de la présomption d’innocence, du lynchage médiatique, du jugement populaire, et de la manière dont un évènement extraordinaire peut transformer un homme ordinaire. Mais il reflète également la double démarche de Georges Simenon : l’exposition d’un milieu social et l’exploration de la part aveugle de l’âme humaine…”
Rarement l’actualité n’aura été aussi pertinente.
Filmographie de Benoit Jacquot
Réalisateur, longs métrages
- 1975 : L’Assassin musicien
- 1977 : Les Enfants du placard
- 1981 : Les Ailes de la colombe
- 1985 : Corps et biens
- 1988 : Les Mendiants
- 1990 : La Désenchantée
- 1995 : La Fille seule
- 1997 : Le Septième Ciel
- 1998 : L’École de la chair
- 1998 : Par cœur
- 1999 : Pas de scandale
- 2000 : La Fausse suivante
- 2000 : Sade
- 2001 : Tosca
- 2002 : Adolphe
- 2004 : À tout de suite
- 2006 : L’Intouchable
- 2009 : Villa Amalia
- 2010 : Au fond des bois
- 2012 : Les Adieux à la reine
- 2014 : Trois cœurs
- 2015 : Journal d’une femme de chambre
- 2016 : À jamais
- 2018 : Eva
- 2019 : Dernier Amour
- 2021 : Suzanne Andler
- 2022 : Par cœurs
- 2024 : Belle