Yurt (Le pensionnat) : la critique du film (2024)

Drame | 1h56min
Note de la rédaction :
7/10
7
Yurt (Le pensionnat), l'affiche

  • Réalisateur : Nehir Tuna
  • Acteurs : Doğa Karakaş, Can Bartu Aslan, Tansu Biçer
  • Date de sortie: 03 Avr 2024
  • Année de production : 2023
  • Nationalité : Turc, Allemand, Français
  • Titre original : Yurt
  • Titres alternatifs : Dormitory (Titre international) / Bursa (Pologne)
  • Autres acteurs : Ozan Çelik, Didem Ellialti, Orhan Güner, Isilti Su Alyanak, Ozan Bilen, Emrullah Erbay, Ercan Erdil, Miraç Kaya, Erdi Kökerer
  • Scénariste : Nehir Tuna
  • Monteuse : Ayris Alptekin
  • Directeur de la photographie : Florent Herry
  • Compositeur : Avi Medina
  • Cheffe maquilleuse : Funda Nigar Boldurmaz
  • Chef décorateur : -
  • Directeur artistique : Vahhab Ayhan
  • Producteurs : Tanay Abbasoglu, Dorothe Beinemeier, Thierry Lenouvel, Ozan Bilen, Didem Ellialti, Selin Erdem, Gökalp Köseoglu, Nehir Tuna
  • Producteur exécutif : Mustafa Sönmez
  • Sociétés de production : TN Yapim, Ciné-Sud Promotion, Red Balloon Film
  • Distributeur : Dulac Distribution
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeur vidéo : Blaq Out (DVD, 2024)
  • Date de sortie vidéo : 9 octobre 2024
  • Budget :
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 22 364 entrées / 6 682 entrées
  • Box-office nord-américain / monde :
  • Rentabilité :
  • Classification : Tous publics
  • Formats : Noir et Blanc et Couleurs / Son : 5.1
  • Festivals : Festival international du film de Marrakech 2023 / Festival international du film de Saint-Jean-de-Luz 2023 / Mostra de Venise 2023 : en section « Orizzonti » / Festival international du film de Göteborg 2024 : compétition « Ingmar Bergman »
  • Nominations :
  • Récompenses : Festival international du film de Marrakech 2023 : meilleur acteur pour Doğa Karakaş / Festival international du film de Saint-Jean-de-Luz 2023 : Prix SFCC de la Critique . Meilleur réalisateur / Mostra de Venise 2023 – section « Orizzonti » : meilleur scénario pour Nehir Tuna
  • Illustrateur/Création graphique : © Dulac Distribution (photos). Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © TN Yapim, Ciné-Sud Promotion, Red Balloon Film. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Attachée de presse : Claire Viroulaud
  • Tagline : "Le portrait d'une adolescence bouillonnante" Première XXXX
Note des spectateurs :

Premier film autobiographique valeureux, Yurt (Le pensionnat) livre un portrait sans concession de la Turquie des années 90 coincée entre islamisme et nationalisme kémaliste. Poignant.

Synopsis : Turquie, 1996. Ahmet, 14 ans, est dévasté lorsque sa famille l’envoie dans un pensionnat religieux (Yurt). Pour son père récemment converti, c’est un chemin vers la rédemption et la pureté. Pour lui, c’est un cauchemar. Le jour, il fréquente une école privée laïque et nationaliste ; le soir, il retrouve son dortoir surpeuplé, les longues heures d’études coraniques et les brimades. Mais grâce à son amitié avec un autre pensionnaire, Ahmet défie les règles strictes de ce système, qui ne vise qu’à embrigader la jeunesse.

Une conception interrompue par la Covid-19

Critique : Alors qu’il a déjà tourné une douzaine de courts métrages en quinze ans, le réalisateur turc Nehir Tuna s’est lancé en 2018 dans l’écriture de son premier long, destiné à devenir Yurt (Le pensionnat). Après avoir obtenu des financements liés à la qualité de son scénario, le projet est lancé en 2019 et Nehir Tuna réunit déjà son jeune casting composé de Doğa Karakaş (17 ans) et Can Bartu Aslan (19 ans).

Yurt, photo 1

© 2023 Ciné-Sud Promotion – Red Balloon Film – TN Yapim / Photo : Dulac Distribution. Tous droits réservés.

Malheureusement pour l’aspirant-cinéaste, le projet est stoppé net par la pandémie mondiale de Covid-19. Interrompu pendant trois longues années, Yurt n’est finalement réalisé qu’en 2022. La question du casting s’est naturellement posée puisque les deux acteurs prévus arborent désormais la vingtaine. Heureusement pour le cinéaste, Doğa Karakaş fait toujours nettement plus jeune que son âge, tandis que le personnage incarné par Can Bartu Aslan doit de toute façon paraître plus mature. Le cinéaste choisit donc de ne rien modifier par rapport à la mouture de 2019.

La Turquie, entre culte kémaliste et islamisme

Largement autobiographique, Yurt (le pensionnat) est le récit d’apprentissage d’un gosse de riche qui est envoyé par son père dans un internat religieux, tandis qu’il fréquente une école privée nationaliste la journée. Le tout est situé dans la Turquie du milieu des années 90, marquée notamment par des affrontements de plus en plus violents entre les laïcs, désireux de perpétuer l’héritage de Mustapha Kemal (Atatürk), et les islamistes qui prennent de plus en plus d’ascendant dans la société turque par le biais de nombreuses congrégations extrémistes. On notera d’ailleurs que dans cette lutte interne, ce sont assurément les religieux qui l’ont emporté, bien aidés dans leur conquête de la société par le président Recep Tayyip Erdoğan.

Dans Yurt, le cinéaste se garde bien de prendre parti pour les uns ou les autres. En réalité, il dénonce surtout la mainmise des idéologues sur l’éducation de la jeunesse. Ainsi, Nehir Tuna montre que les méthodes des islamistes sont particulièrement violentes et prosélytes, mais celles employées par les laïcs égalent celles de leurs opposants dans le domaine de la propagande sans nuance. D’un côté, l’on chante la gloire d’Allah et de l’autre celle d’Atatürk qui est quasiment divinisé. Cela place le jeune héros dans une position intenable, un grand écart idéologique davantage destructeur que réellement structurant.

Yurt ou l’image d’une société fracturée

Face à la puberté, le jeune homme doit à la fois répondre à ses pulsions naturelles, à sa sensualité naissante et en même temps réfréner ses aspirations à la liberté par la multiplication des contraintes imposées par la société et son propre père. Dès lors, c’est en faisant la connaissance d’un camarade plus pauvre que lui que le gamin va prendre conscience des terribles fractures sociales au cœur du pays. En même temps, il éprouve des sentiments confus qui vont de l’amitié à l’attraction physique pour ce camarade fascinant car apparemment plus libre.

Yurt, photo 2

© 2023 Ciné-Sud Promotion – Red Balloon Film – TN Yapim / Photo : Dulac Distribution. Tous droits réservés.

L’air de rien, sans jamais s’appesantir, le cinéaste livre donc un portrait saisissant de la Turquie des années 90, traversée par des fractures religieuses, idéologiques et sociales. Pour autant, il n’oublie pas de développer un récit d’apprentissage poignant autour d’un garçon naïf qui va peu à peu ouvrir les yeux sur les grandes injustices de ce monde. Là où l’on pouvait s’attendre à une grande révolte de la part du protagoniste, il n’en sera rien. Mais pour autant, celui-ci n’est plus le même à la fin du film et l’acceptation de son destin se fait désormais en pleine maturité.

Afin de mieux préciser ce changement, le cinéaste a eu recours à un stratagème un peu grossier. Tant que le gamin est immature, Yurt est proposé dans un superbe noir et blanc, valorisé par la belle photographie de Florent Herry. Dans son dernier quart, la couleur s’invite comme pour mieux signifier l’ouverture du jeune homme aux réalités du monde. Le procédé paraît un brin factice, mais n’enlève rien à la pertinence de l’écriture du long métrage. Enfin, pour souligner les événements, la musique d’Avi Medina est plutôt réussie sans être trop invasive.

Une bête de festival à la sortie discrète en France

Porté par des jeunes acteurs formidables, Yurt (Le pensionnat) est donc un premier film valeureux que l’on vous conseille fortement. Présenté dans la section « Orizzonti » de la Mostra de Venise 2023, le métrage est reparti avec le Prix du meilleur scénario, bien mérité. Après avoir fait le tour des festivals, Yurt a été distribué dans les salles françaises par Dulac Distribution à partir du 3 avril 2024 pour un résultat initial de 10 034 entrées.

Par la suite, le film a chuté à 5 107 retardataires, puis atteint les 20 000 tickets vendus en cinq semaines d’exploitation. Relancé à partir du 8 mai par son distributeur, le métrage parvient à se maintenir à des niveaux bas, mais suffisamment pour atteindre 22 364 entrées, soit un peu plus du double de ses résultats initiaux. Depuis, Yurt est disponible en DVD chez Blaq Out ou bien en VOD.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 3 avril 2024

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Yurt (Le pensionnat), l'affiche

© 2023 Ciné-Sud Promotion – Red Balloon Film – TN Yapim. Tous droits réservés.

Biographies +

Nehir Tuna, Doğa Karakaş, Can Bartu Aslan, Tansu Biçer

Mots clés

Cinéma turc, Récit initiatique, La sexualité des adolescents au cinéma, Les drames de l’adolescence, L’école au cinéma, La religion au cinéma

 

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Yurt (Le pensionnat), l'affiche

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