Premier film naturaliste, Vingt dieux est un récit d’apprentissage qui bénéficie d’une grande justesse de ton, d’acteurs du cru formidables et d’une réalisation perspicace. A découvrir.
Synopsis : Totone, 18 ans, passe le plus clair de son temps à boire des bières et écumer les bals du Jura avec sa bande de potes. Mais la réalité le rattrape : il doit s’occuper de sa petite sœur de 7 ans et trouver un moyen de gagner sa vie. Il se met alors en tête de fabriquer le meilleur comté de la région, celui avec lequel il remporterait la médaille d’or du concours agricole et 30 000 euros.
Un premier long métrage placé sous le signe de la ruralité
Critique : Premier long métrage de Louise Courvoisier après deux courts remarqués, Vingt dieux plonge le spectateur dans le monde rural franc-comtois que connaît parfaitement la réalisatrice pour y avoir grandi. Celle-ci tenait à rendre hommage à ce milieu généralement peu représenté à l’écran et plutôt invisible, même à la télévision. Pour cela, la cinéaste a fait appel à un casting entièrement non professionnel qu’elle a glané dans la région même de l’action, afin de conserver un maximum d’authenticité jusque dans les accents locaux.
© 2024 Agat Films & Cie – Ex Nihilo – France 3 Cinéma – Auvergne Rhône-Alpes Cinéma. Tous droits réservés.
Pour autant, Louise Courvoisier ne livre aucunement un documentaire sur la paysannerie franc-comtoise, mais préfère suivre le brusque passage à l’âge adulte de Totone, un jeune garçon insouciant et fêtard qui va devoir s’occuper de sa petite sœur après le décès inattendu de son père. Dès lors, le jeune homme, assez irresponsable au début du film, va tout tenter pour trouver de l’argent, et pourquoi pas, sa voie dans un monde rural rugueux et brutal.
Un réel désir de cinéma, par-delà l’aspect documentaire attendu
Afin de se détacher immédiatement de la forme documentaire, Louise Courvoisier entame son film par un long plan-séquence qui présente le monde dans lequel elle a évolué enfant, ainsi que son personnage principal. Le plan-séquence sera employé à de nombreuses reprises durant un métrage qui n’oublie donc jamais de créer un espace très cinématographique, jusque dans le choix du Cinémascope qui offre une parfaite inscription des protagonistes dans l’espace.
Loin d’idéaliser ce monde, Louise Courvoisier en montre surtout la dureté, avec les ravages de l’alcool, les heures de travail que l’on ne compte plus, les concurrences entre fermiers, mais aussi les solidarités lorsque tout bascule. Ainsi, Totone peut compter sur un solide groupe d’amis pour l’aider dans son projet un peu fou : produire le meilleur comté de la région pour décrocher la médaille d’or du meilleur fromage et la prime de 30 000 euros qui va de pair. Mais là encore, Louise Courvoisier ne tombe aucunement dans le piège tendu par le feel good movie tant à la mode. Le métrage ne fera pas fi de toute crédibilité pour permettre à son personnage d’arriver à ses fins et le spectateur n’aura donc pas le droit à un happy end débilitant. Cela n’empêche nullement Vingt dieux de rester optimiste dans son approche, puisque l’adolescent irresponsable du début va grandir sous nos yeux, en parallèle avec l’affinage du fromage.
Un récit initiatique porté par des non professionnels formidables
Durant cette période de maturation, le jeune homme va pouvoir connaître l’amour, mais aussi expérimenter la trahison, le mensonge et les coups. Vingt dieux se présente donc comme un pur récit d’initiation, inscrit dans une réalité parfaitement décrite. L’ensemble tient magnifiquement la route grâce à un casting parfaitement sélectionné. Totone est interprété par Clément Faveau, véritable révélation à l’écran. Le jeune homme fait preuve d’un naturel confondant et attire immédiatement la sympathie, malgré un comportement souvent irresponsable face à son entourage proche.
© 2024 Agat Films & Cie – Ex Nihilo – France 3 Cinéma – Auvergne Rhône-Alpes Cinéma. Tous droits réservés.
Face à lui, on aime également beaucoup Maïwene Barthelemy qui incarne une agricultrice amoureuse de ce jeune loup un brin sauvage. Davantage les pieds sur terre et visiblement un peu plus âgée, la jeune fille apparaît comme bien plus mature que son petit copain. En tout cas, le naturel de leur relation touche immédiatement le spectateur. Enfin, signalons la justesse de la petite Luna Garret dans le rôle de la petite sœur du héros. Elle aussi paraît finalement plus responsable que son grand dadais de frangin malgré son âge nettement inférieur. Mais il faudrait citer l’ensemble du casting tant il règne un parfait équilibre entre tous les interprètes.
Vingt dieux, un incroyable succès en salles
Finalement, Vingt dieux s’avère être une très bonne surprise grâce à une belle justesse de l’écriture, combinée à la volonté de faire du cinéma et de raconter la destinée de quelques personnages, sans que le discours prenne le pas sur les sensations et les émotions. Sorti depuis le 11 décembre 2024 dans 231 salles, Vingt dieux a surpris tout le monde en séduisant 186 617 spectateurs dès sa semaine d’investiture, classant le long métrage à la 4ème place du classement hebdomadaire.
Fier de cette réussite, le distributeur Pyramide n’a eu de cesse d’augmenter le nombre de copies, allant jusqu’à 650 à l’heure actuelle. Au moment où nous écrivons ces lignes, à la mi-janvier 2025, le métrage a déjà dépassé les 640 000 entrées, ce qui est totalement inespéré pour une première œuvre uniquement portée par des inconnus. Le film et ses concepteurs méritent amplement ce joli succès, déjà amorcé à Cannes.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 11 décembre 2024
© 2024 Agat Films & Cie – Ex Nihilo – France 3 Cinéma – Auvergne Rhône-Alpes Cinéma / Affiche : Laurent Le Crabe (photo) – Pyramide – L. Matas – S. Wojtowiez – S. Ramm. Tous droits réservés.
Biographies +
Louise Courvoisier, Clément Faveau, Maïwene Barthelemy
Mots clés
Cinéma provincial français, Récit initiatique, Le monde paysan au cinéma, Le passage à l’âge adulte au cinéma, Les succès de 2024, Premier film