Un tueur nommé Luke est un western spaghetti peu connu et peu diffusé qui mérite pourtant d’être visionné par les fans du genre. Son intrigue proche du film noir lui permet de se détacher du tout-venant de la production transalpine de l’époque et vaut donc le détour.
Synopsis : L’implacable Luke vole au secours d’un jeune orphelin spolié par un immonde shérif corrompu…
Critique : En 1969, Giulio Petroni semble avoir trouvé son genre de prédilection. En effet, il ne tourne plus que des westerns à partir de son excellent La mort était au rendez-vous (1967). Il vient tout juste de finir le tournage de Trois pour un massacre, désormais plus connu sous son titre original de Tepepa avec Orson Welles et Tomás Milián, quand il écrit et met en boîte ce Tueur nommé Luke qui a le mérite de se distinguer du tout-venant par son intrigue fortement inspirée du film noir.
Un tueur nommé Luke est un western spaghetti à la sauce film noir.
Le métrage débute par un meurtre crapuleux effectué en pleine nuit dans une ambiance pluvieuse qui a peu à voir avec le western. Par la suite, le complot des notables pour s’accaparer la fortune d’un orphelin, ainsi que les rapports entre les personnages viennent confirmer cette tendance. Cela octroie une petite originalité à ce métrage qui évite le thème de la sempiternelle vengeance.
De même, le cinéaste détourne le cliché habituel du personnage brisé dont on découvre le secret par des flashback. Il en reprend le dispositif, et même la marque stylistique avec gros plan sur les yeux du héros, mais pour mieux nous surprendre. Effectivement, ces passages n’ont pas pour vocation de renforcer la détermination du protagoniste principal en quête de vengeance, mais bien plutôt de mieux comprendre sa faiblesse et l’origine de son trauma. Mieux, Petroni détourne également la traditionnelle séquence de duel final. Ici, le personnage ne cherche aucunement à échapper à la mort, et va développer un comportement suicidaire remarquable dans le cadre strict du western.
Des acteurs intéressants, en dépit d’un protagoniste peu charismatique
Malheureusement, ces éléments perturbateurs qui auraient pu faire d’Un tueur nommé Luke un très grand western spaghetti ne sont pas suffisants pour pallier les errements d’un script parfois un peu confus. Ainsi, les motivations du méchant qu’incarne avec gourmandise par Luigi Pistilli ne sont pas vraiment claires et certains personnages sont éliminés sans que l’on sache vraiment pourquoi. On peut également regretter la faiblesse de la partition musicale de Riz Ortolani, pourtant d’ordinaire très inspiré. Il ne semble pas très à l’aise avec le contexte mexicain du film (qui appartient de fait à la mouvance du western zapata) et livre une bande originale peu marquante.
Enfin, si Luke Askew est un acteur qui a le mérite de se démarquer des sempiternelles imitations de Clint Eastwood, il manque également de charisme pour incarner un personnage principal, là où il s’en sort d’ordinaire très bien en tant qu’acteur de second rôle. L’amateur de jolies filles pourra toutefois se consoler grâce à deux actrices à la plastique irréprochable. La superbe Chelo Alonso (dont ce fut la dernière apparition à l’écran avant son mariage) compose une garce d’anthologie. C’est ici une femme tentatrice qui se joue des hommes avec virtuosité (et notamment d’un homme d’Eglise ridicule, thème typiquement latin). Mais on reste également pantois devant la beauté de la Polonaise Magda Konopka, révélée par Satanik, avant de continuer une riche carrière au sein de l’industrie du bis italien jusqu’en 1980 où elle s’est éclipsée des écrans.
Un tueur nommé Luke est un film injustement méconnu
Si le film fait donc partie des bonnes surprises au sein d’une production transalpine pléthorique, il n’a eu le droit qu’à une distribution tardive et confidentielle en France cinq ans après sa réalisation. Il a fallu notamment attendre l’été 1974 pour que le métrage fasse son apparition dans des cinémas de province, restant inédit sur la capitale, ce qui rend difficile la traçabilité de sa carrière sur notre territoire. Les amateurs du genre ne doivent en tout cas pas négliger ce film, certes inégal, mais qui confirme tout le bien que l’on pense du cinéaste Giulio Petroni durant cette fin des années 60 synonyme pour lui de réussite artistique.
Critique du film : Virgile Dumez