Après le succès de Benda Bilili, Renaud Barret redéploie l’énergie de Kinshasa dans un documentaire étonnant qui se nourrit de la créativité jubilatoire des artistes underground d’une cité en effervescence et en souffrance. Système K est une œuvre bouillonnante.
Synopsis : “Système K.” comme Kinshasa. Au milieu de l’indescriptible chaos social et politique, une scène contemporaine bouillonnante crée à partir de rien, crie sa colère et rêve de reconnaissance. Malgré le harcèlement des autorités et les difficultés personnelles des artistes, le mouvement envahit la rue et plus rien ne l’arrêtera !
L’art comme arme de résilience
Critique : Insalubrité, rivières de déchets, stigmates de guerre, corruption, misère qui engendre des réponses policières autoritaires… Pour son nouveau long métrage sur Kinshasa, Renaud Barret, fasciné par cette terre d’excès de souffrance et de morbidité, y trouve surtout matière à une mise en abîme artistique. L’artiste politique filme des poings levés et des autochtones indignés prêts à servir une cause militante à travers un art vivant, spontané, dans un environnement toxique où la répression et la mort sont le lot quotidien de chacun.
Dans ce marasme humanitaire, que d’aucuns qualifieraient d’enfer de bruits et de matières, Barret y scrute la résilience d’êtres prêts au sacrifice de leur existence pour ne pas taire une pensée libre qui passe par la provocation et une forme de folie contagieuse.
Un musée d’art contemporain à ciel ouvert
Avec une énergie qui ne se tarie pas, une capacité à retranscrire l’urgence des combats en s’entretenant avec des protagonistes habités par l’abnégation, Système K, comme Kinshasa, est une référence au système D comme débrouille auquel s’applique constamment ces glaneurs que n’aurait pas reniés la glaneuse Agnès Varda. Pour faire de leur ville un musée d’art contemporain, peinture de la souffrance d’un peuple, leurs matériaux diffèrent, mais la pratique est identique ; elle consiste essentiellement à récupérer les déchets toxiques et parfois à les mélanger à l’épiderme (le plastique fondu qui coule sur la peau, le sang des animaux abattu qui recouvre l’un des performeurs qui va même, dans sa dénonciation, jusqu’à boire ce sang au risque de sa vie…).
Les formes artistiques extrêmes se mélangent à l’étrange et à l’art génial d’une transe artistique qui se nourrit du trop plein de déchets et du trop peu d’eau potable quand rumeurs, religion et histoires nourrissent la population.
Dans ce chaos urbain où l’errance ravive l’impression d’assister à de funestes marches, les artistes déshumanisés au premier abord par leurs incarnations, risquent leur vie et démontrent la place essentielle qu’ils tiennent. Ils questionnent, interpellent, dérangent. Leur art est leur agora, une place politique et militante qui explicite la souffrance d’une nation à qui l’on fait courber l’échine, sans que le monde ne semble sourciller.
Système K comme Kaos ou l’urgence de l’art
Système K est habité par un dynamisme et une créativité qui est celle de l’urgence, dans des décors irréels d’une Afrique déliquescente qui essaie de survivre avant même de pouvoir exister. L’entreprise est heureuse, le résultat artistiquement grand et politiquement nécessaire.
Renaud Barret est parvenu à nous inoculer sa flamme pour Kinshasa, que l’on découvre sous un angle inédit. Un virus contre lequel on ne se vaccinera pas.
Les sorties du 15 janvier 2020
Les sorties VOD de la semaine du 14 avril 2020
Bonus
• Entretien avec Renaud Barret
• Bande – annonce