Comme son héros, Summer White est un film obstiné, déplaisant, mais marquant par sa description sans complaisance des affres de la jalousie adolescente.
Synopsis : Rodrigo, un adolescent solitaire, a une relation forte avec sa mère. Les choses changent quand elle invite son nouveau petit ami à venir vivre dans leur maison, à la périphérie de Mexico. Rodrigo doit décider s’il peut accepter cette nouvelle famille ou se battre pour son trône, écrasant le bonheur de la personne qu’il aime le plus.
Critique : Rodrigo a treize ans ; il vit avec sa mère dans un quartier anonyme. Le début de Summer White décrit leur relation fusionnelle, à l’aide de brèves séquences qui introduisent un malaise : le voir s’endormir dans son lit à elle, ou se brosser les dents à côté d’elle, tous deux torse nu, laisse augurer d’une œuvre dérangeante. De fait, elle est bien dérangeante, mais pas où on l’attend, puisque, très vite, un troisième et dernier personnage, Fernando, l’amant de la mère, s’introduit dans la maison et, au grand dam du fils, trouve sa place ; ou plutôt, il prend la place de Rodrigo : la leçon de danse qu’elle donnait à l’un se retrouve à l’identique un peu plus tard avec l’autre.
Le film se focalise sur les réactions de l’adolescent face à cette intrusion ; si Fernando semble dans un premier temps bien accepté (il lui donne des leçons de conduite, l’emmène à Acapulco, lui apprend à porter le costume), le visage obtus de Rodrigo dément vite l’image rassurante d’une famille recomposée et unie. Rodrigo Ruiz Patterson, dont c’est le début dans le cinéma de fiction, excelle à faire monter la tension par un dépouillement étouffant : peu de musique ou de plans descriptifs, pas de personnages secondaires, un montage abrupt, des ellipses et des allusions plutôt que des explications. De même la violence s’exprime davantage par des actes tournés vers les choses que vers les personnes ; quand la pression est trop forte, Fernando tape sur un mur, Rodrigo sur une porte. Au milieu, la mère assiste impuissante au naufrage de son couple, incapable de saisir les enjeux ou de réagir face aux agissements de son fils.
Summer White ou l’inexorable progression vers le drame
En appuyant parfois un peu trop, le cinéaste prépare la progression du drame en parsemant des indices, dont le briquet que Rodrigo ne quitte pas et la fascination pour le feu qui l’accompagne. Les incendies répétés constituent l’un des axes narratifs majeurs qui structurent puissamment le film ; mais, d’une manière générale, les reprises et variantes (les leçons de conduite, le camping-car, les déambulations et les fuites) donnent l’impression d’un bafouillement qui s’accorde aussi bien au caractère buté de l’adolescent qu’à la situation bloquée. Fernando a beau faire des efforts, il se trouve face à un mur ; toutes ses tentatives de se concilier les bonnes grâces de Rodrigo aboutissent à un échec souligné par les coupes sèches avant la fin logique de la séquence. En un sens, le film est une parodie des récits d’initiation : les conseils de Fernando se heurtent à la mauvaise volonté de l’adolescent (voir les leçons de conduite répétitives et particulièrement tendues) ou relèvent de la caricature (porter son costume comme James Bond). C’est que le temps n’est plus du cinéma classique et de ses leçons de vie où le héros pouvait éduquer par des paroles définitives ; ici le père de substitution n’est pas le modèle, mais l’intrus et le rival. Dans cette famille moderne, les rôles sont mal définis et la place de chacun, trop floue, n’est plus qu’une apparence fragile.
Le titre, Summer White, désigne une peinture lumineuse ; il renvoie surtout, ironiquement, à la différence entre le souhait du couple qui, en repeignant la maison, pense repartir à zéro et recouvrir les problèmes, et la réalité obstinée. Cela ne fait pas du film une œuvre sympathique, on s’en doute ; c’est même le contraire. Mais avec ses partis pris exigeants, sa description attentive et sa progression implacable, il remue et ne laisse pas beaucoup de place à de faibles relâchements. Et quand la fin ouverte laisse place au noir, le malaise persiste.