Sans adieu : la critique du film (2017)

Documentaire | 1h39min
Note de la rédaction :
9/10
9
Affiche de Sans Adieu de Christophe Agou

  • Réalisateur : Christophe Agou
  • Date de sortie: 25 Oct 2017
  • Année de production : 2017
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Sans adieu
  • Titres alternatifs :
  • Scénariste : Christophe Agou
  • Monteur : Virginie Danglades
  • Directeur de la photographie : Christophe Agou
  • Compositeur : Stuart Staples
  • Son : Côme Jalibert, Christophe Agou
  • Producteurs : Aurélie Bordier, Pierre Vinour
  • Producteurs exécutifs : Aurélie Bordier, Pierre Vinour, Calmin Borel
  • Sociétés de production : Les Enragés
  • Distributeur : New Story
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeur vidéo : Blaq Out (DVD, VOD)
  • Date de sortie vidéo : 20 novembre 2018
  • Budget : 310 000 euros
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 43 126 entrées / 7 606 entrées
  • Box-office nord-américain / monde :
  • Rentabilité :
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.78 : 1 / Couleur (DCP) / Dolby Surround
  • Festivals : Acid - Cannes 2017,
  • Nominations : Nommé comme Meilleur documentaire au 23e cérémonie des Lumières (2018)
  • Récompenses : Prix du Meilleur réalisateur au Festival International du Film Culte de Trouville, Grand Prix aux Rencontres cinématographiques de Cerbère-Portbou
  • Illustrateur/Création graphique : © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Attachées de presse : Florence Alexandre, Alexia Coutant (Anyways)
  • Lieux de tournage : Auvergne, Rhône-Alpes (France)
Note des spectateurs :

Sans adieu est une œuvre essentielle, bouleversante d’humanité, sortie de façon posthume, deux ans après la mort de son auteur.

Synopsis : Dans sa ferme du Forez, à l’est du Massif Central, Claudette, 75 ans, se bat pour rester digne face à une société qui n’a plus grand-chose à faire d’elle, et dont elle a du mal à accepter et à suivre l’évolution. Le monde moderne avale chaque jour un peu plus ses terres, ses bêtes et celles de ses voisins. Comme elle, Jean, Christiane, Jean-Clément, Raymond, Mathilde et tous les autres résistent et luttent au quotidien pour préserver leurs biens… leur vie.

Crépuscule du monde paysan

Critique : Au cinéma, déjà dans les années 70, Le Cousin Jules – qui restera en fait inédit jusque dans les années 2000 – dépeignait la ruralité comme un anachronisme au sein de la France de l’exode rurale et du vieillissement de la population paysanne. Les Profils paysans de Depardon ont surfé sur le cachet suranné de ce macrocosme rustique et rustre, où la bonhomie des personnalités s’accompagnait d’une déliquescence de la pierre et de façade, et d’un sentiment de solitude et d’abandon.

En 2017, les présentations à Cannes de la fiction à succès Petit Paysan, qui s’attachait à dépeindre les maux d’une nouvelle génération d’agriculteurs, et du documentaire Sans Adieu, orientent notre empathie vers le monde bourrue du terroir, celui des agriculteurs de la France d’hier qui s’éteint dans notre indifférence, alors même qu’ils nous nourrissent dans le désarroi.

Triste balade dans la misère, Sans Adieu est le projet lumineux de Christophe Agou, décédé à 45 ans des suites d’un cancer, avant même de pouvoir compléter le montage de son film. Ce photographe de l’humain, qui a longtemps séjourné à New York, ne s’était jamais détaché de la région de son enfance, le Forez, où il décida de retourner pour photographier et filmer la vétusté rurale à l’aune de notre indifférence.

Chez les oubliés du progrès et de la mondialisation

Le résultat final, expurgé d’une centaine d’heures de rushes, est miraculeux. Il nous est proposé sur une musique éparse de Stuart Staples des Tindersticks, loin de l’omniprésence et toujours à propos quand il s’agit d’illustrer cette ruralité qui s’étiole. Sans Adieu filme les laissés-pour-compte du monde moderne, des personnes âgées et/ou marginales, enfermés dans un terroir vétuste et bordélique, des hommes et femmes qui n’ont pas pu, su ou voulu s’adapter à la vitesse ahurissante de l’industrialisation de leur secteur, à la globalisation du marché et à la révolution technologique qui s’abattaient aussi dans les campagnes, conduisant au désespoir et à la mort inéluctable ces protagonistes d’un autre temps.

Les fantômes du film sont des personnalités anachroniques, symboles d’une France paysanne agonisante qui a longtemps perduré au-delà de l’Après-guerre. Le monde évolue au gré du progrès, mais pour leur part, ils sont restés ans un cadre agricole qui, lui, semble imperméable aux caprices de la 4G. Des paysages d’une rusticité belle car sans extravagances, au milieu de basses-cours coquasses et d’un bétail qui serait presque intemporel s’il n’y avait pas la mondialisation des virus qui s’abat sur les bêtes des uns et le rendement industriel qui frappe d’obsolescence l’existence même de ces petits paysans. C’était avant la crise de la Covid 19. La pandémie les avait déjà frappés de plein fouet.

Le monde paysan au cinéma

Les protagonistes luttent, notamment contre l’âge qui les empêche de poursuivre leurs activités : le corps cède à l’écran, le mental rompt. Les thématiques du vieillissement et de la solitude ont rarement été aussi signifiantes. Ces moments sont extrêmement douloureux à supporter, tant ils nous touchent dans leur universalité et dans leur absurdité, car ils perdurent en marge d’une époque d’opulence, de bio et de bobo. Ces âmes seules, un peu aigries, vouées à la disparition dans l’indifférence, n’ont plus la vie devant eux, ils sont dans la survie. La lutte est permanente, avec les technologies, la bureaucratie, le quotidien le plus anodin qui passe par l’informatique. La modernité est à leurs yeux un casse-tête qui porte un nom, la fracture numérique qui les précipite un peu plus dans la tombe sociale, ou plutôt la fosse commune.

Sans Adieu est un documentaire subtil, à l’humanité éblouissante qui complète le livre de photo de Christophe Agou, Face au silence publié en 2010 par Acte Sud. Son titre même est imprégné de sens, puisque l’expression du Forez signifie Je ne te dis pas adieu pour être sûr de te revoir!. La tristesse profonde qui hante les images sonde les abîmes de détresse d’un pan de l’Hexagone, celui qui rend son dernier soupir dans l’insupportable indifférence d’une société qui se défausse de ses responsabilités sociales pour favoriser la productivité de demain. Sans Adieu est un appel à un sursaut et à la dignité.

Sans adieu à Cannes, en salles, mais pas aux César

Sorti au cinéma le 25 octobre 2017, cinq mois après sa présentation à Cannes, dans la Sélection Acid, Sans adieu trouve 33 cinémas pour une programmation qui tiendra une dizaine de semaines. Ses cinq premières semaines démontreront une vraie curiosité du public grâce aux critiques élogieuses qui accompagneront sa distribution. Avec 12 206 spectateurs en première semaine, puis 7 659 (-37%), 6 638 (-13%), 5 085 (-23%) et 5 085 (-23%)… le bouche-à-oreille l’a conduit à quasiment multiplier ses entrées initiales par quatre.

L’œuvre posthume de Christophe Agou, dont le tournage commença en 2002 et s’achèvera en 2014, sera nommée aux Lumières en 2018, dans la catégorie du Meilleur film documentaire, prix qui lui sera ravi par Visages Villages d’Agnès Varda et J.R..  La réalisatrice des Glaneurs et de la glaneuse (2000), fortement touchée par Sans adieu, regrettera ce choix. Pour notre part, on déplorera son absence aux César face aux vétérans Raoul Peck, Varda et Depardon. Sans adieu y avait vraiment sa place. Blaq Out lui permettra d’avoir une seconde vie en vidéo, en novembre 2018, venant enrichir les rayons des médiathèques dont la nécessité d’archiver la société française plurielle à travers le temps.

Frédéric Mignard

Sorties de la semaine du 25 octobre 2017

Affiche de Sans Adieu de Christophe Agou

Design : Le Cercle Noir pour Fidelio © New Story

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Affiche de Sans Adieu de Christophe Agou

Bande-annonce de Sans Adieu

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