Qui a peur de Pauline Kael ? redonne le goût de la critique cinématographique singulière et vacharde qui faisait du bien au 7e Art.
Synopsis : A elle seule, Pauline Kael est une collection d’adjectifs, bien souvent antonymes : brillante, incisive, injuste, passionnée, dogmatique, drôle, grande gueule,
enthousiaste, vulgaire, sincère, cruelle, perspicace, sectaire, etc.
Adulée par certains, abhorrée par d’autres, souvent crainte, elle fut indéniablement LA figure fondatrice d’une nouvelle approche de la critique cinématographique US. Ouvertement émotionnelle, nourrie de son propre ressenti. Mais son apport au cinéma reste immense.
À travers de nombreux témoignages et documents inédits, le film de Rob Garver construit le portrait d’une pionnière. Une critique, une femme, une combattante, en guerre contre la bien-pensance snob et consensuelle du milieu culturel de l’époque, et les oukases mercantilisme des studios hollywoodiens. Qui s’est toujours attachée à trouver et faire entendre sa propre voix, fut elle dissonante…
Une femme d’influence
Critique : Panégyrique à l’intention de Pauline Kael, critique de cinéma américaine singulière, Qui a peur de Pauline Kael ? est du pain béni pour les amateurs de cinéma qui aiment parcourir les coulisses rarement évoquées d’un pan de l’industrie du cinéma. La présentation des films aux critiques professionnels.
Derrière le passionnant portrait d’une femme qui suscite toujours l’admiration de ceux qui témoignent (Tarantino, David O. Russell…), le long métrage offre l’opportunité de découvrir le processus d’écriture d’une grande qui a officié pendant plus de 30 ans, des années 50 aux années 80, avant qu’elle ne tombe gravement malade. Qui a peur de Pauline Kael ? s’aventure aussi sur le territoire toujours opaque aux yeux du public des réactions des réalisateurs et des acteurs – et l’on mentionne ici des monuments du 7e Art -, face aux publications tantôt controversées ou tantôt salvatrices des papiers de Kael. Ceux-ci suscitaient la crainte chez ces messieurs pourtant si puissants. D’ailleurs elle était tant redoutée que les films lui étaient proposés en exclusivité lors d’une projection privée ou bien, elle se voyait tout simplement refusée d’accès à certains titres pour éviter un carnage médiatique.
Les mots à la ligne
Dans le documentaire, à la chronologie bien établie, les exemples sont loquaces. Qui a peur de Pauline Kael ? confèrerait presque aux textes publiés une suprématie sur l’image. C’est que Mme Kael jouissait d’un pouvoir excitant, malgré une subjectivité assumée souvent à contre-courant de l’avis canonique du reste de la critique. Elle ébranle les œuvres des plus grands auteurs, avec la pertinence de la conviction qui rend la lecture de ses critiques cinématographiques passionnantes.
Dramaturge ou scénariste à la peine (Warren Beatty l’y avait poussé en 1980), Pauline Kael a su faire des mots ses alliés dans différents ouvrages, et surtout des critiques profuses, pour le New Yorker, entre autres, quand la critique cinématographique avait un poids, une influence, allant jusqu’à fidéliser ses lecteurs. Véritable icone, cette influenceuse de la pellicule comprenait elle-même que le texte vivait indépendamment des films, par sa verve, loin de la bienveillance contemporaine des années 2000-2020, dans un métier assagi par les réseaux sociaux.
Qui a peur de Pauline Kael ? introduit la critique cinématographique au panthéon
Admiratif de cette grande dame, le réalisateur Rob Garver a donc parcouru pendant quatre ans ses milliers de textes ; il a rencontré les monuments qui ont voulu témoigner de son influence (Spielberg et Woody Allen, mentionnés, refuseront toutefois d’y participer). Mieux, il permet de remémorer tout un pan du cinéma américain de façon alternative, à travers une litanie d’exemples cinématographiques qui convoquent Chaplin, Kubrick, Scorsese, Resnais, Fellini, et bien d’autres.
Le ton du documentaire est émouvant et admiratif, souvent éloigné d’un esprit critique auquel il ne peut prétendre en 1h30, mais toujours formidable dans son éclairage de décennies où cinéma rimait avec mythes cinématographiques. Cette femme d’influence en fait désormais partie. La curiosité pour les cinéphiles s’impose donc.