Pierre Rabhi au nom d’une terre est le vibrant plaidoyer d’un homme habité et animé par une conviction ; celle de la nécessité de repenser nos sociétés pour transformer le monde afin d’en faire un espace plus respectueux des Hommes.
Synopsis : Pierre Rabhi est paysan, écrivain et penseur. Il est l’un des pionniers de l’agro-écologie en France. Amoureux de la Terre nourricière, engagé depuis quarante ans au service de l’homme et de la nature, il appelle aujourd’hui à l’éveil des consciences pour construire un nouveau modèle de société où “ une sobriété heureuse ” se substituerait à la surconsommation et au mal-être des civilisations contemporaines.
Critique : Véritable triomphe du cinéma du réel en 2013, avec plus de 100 000 entrées, soit huit fois plus que sa première semaine, Pierre Rabhi au nom d’une terre a tenu l’affiche de très nombreuses semaines pour devenir l’un des films les plus rentables de l’année. Il a été réalisé 9 ans du vivant de Pierre Rahbi, décédé en 2021. Ecolo de pensée et non partisan d’une lutte écologiste commune, l’essayiste a été célébré pendant de longues décennies, malgré quelques dérapages postérieurs à la sortie du film, notamment sur le Mariage pour tous.
Loin de toutes ces problématiques sociales postérieures, le documentaire de Marie-Dominique Dhelsing brosse le portrait de celui qui se définit alors, depuis plus de 50 ans, comme le thérapeute de la terre face à la violence du capitalisme.
De forme très classique, alternant des interviews de Pierre Rahbi, des témoignages, des scènes filmées à travers le monde, privilégiant très clairement le fond à la forme, il permet de découvrir ou redécouvrir ce personnage passionnant, pionnier d’un courant de pensée « agro-écologique » qui mérite qu’on s’y arrête.
Si la majeure partie du métrage traite de l’agriculture, il est aussi question de la diffusion des savoirs, de l’éducation des générations futures, héritières de la Terre, et de la nécessité, selon Pierre Rabhi, de repenser nos sociétés contemporaines occidentales. Le film permet ainsi d’appréhender la vision globale de cet artisan qui s’intéresse à toutes les dimensions de la vie humaine.
Le documentaire revient en premier lieu sur l’enfance et la vie de jeune adulte de Pierre Rabhi, permettant de comprendre les raisons qui l’ont conduit à développer sa pensée. Est ainsi évoquée sa confrontation à la dureté du monde ouvrier ; d’abord comme témoin, notamment des bouleversements subis par son pays natal, l’Algérie, colonie française à l’époque, et les conséquences sur la vie de son père, puis comme acteur, devenant, au tournant des années 60, ouvrier spécialisé.
Pierre Rabhi au nom de la terre et l’essor de l’agro-écologie
Rejetant ce monde qu’il définit comme aliénant, il reprend une ferme en Ardèche, en 1961, où, accompagné de sa femme, il développe un mode de vie autonome, loin d’une pensée consumériste qui n’aura plus lors jamais cessé d’enfler.
La réalisatrice montre ensuite le formidable essor de ce courant de pensée, l’agro-écologie, depuis ses balbutiements ardéchois jusqu’aux développements les plus récents dans les monastères roumains sans jamais oublier, ce qui apparaît certainement comme le cœur de l’aventure de Pierre Rabhi, ses expériences au Burkina Faso et dans les plaines sahariennes. On découvrira également à cette occasion le rôle que ce penseur a joué dans la structuration du label Agriculture Biologique, par la définition de normes au niveau européen.
On pourra toutefois reprocher au film de ne pas faire suffisamment de place aux réalisations concrètes en matière d’agro-écologie, abordées de façon très lointaine (une photo aérienne du centre agro-écologique de Gorom Gorom au Burkina Faso dans les années 80, quelques scènes prises dans un champ d’oignons au sein d’un monastère), rendant peut être le propos trop conceptuel. S’il permet à coup sûr de renforcer les certitudes de ceux déjà convaincus par ce mode d’agriculture et de vie, il ne permet pas nécessairement d’emporter la conviction des sceptiques. Tout en reconnaissant la difficulté à illustrer l’intérêt d’un tel concept, on aurait aimé, plus que les simples déambulations sur des lopins de terre, quelques illustrations, schémas ou chiffres à même de frapper les consciences.
On échappe cependant à l’écueil, par la multiplication des témoignages, notamment ceux de ces dirigeants de société qui ont délaissé une vision par trop capitalistique de l’entreprise, au profit de relations plus soucieuses à la fois de la Terre mais aussi de ceux qui la cultive. La réalisatrice permet ainsi de toucher du doigt le concept d’agro-écologie et évoquer sa puissance. Défile devant la caméra ces chefs d’entreprise qui ont osé l’expérience. Sont ainsi évoqués le campement hôtelier du Burkina Faso, les camps de vacances, le travail avec les petits producteurs de café ou de chocolat dans les pays en développement, réalisations où l’on encourage le recours, non plus aux engrais chimiques, aux produits phytosanitaires et aux OGM, mais à des techniques plus soucieuses de la qualité de l’environnement et de la santé des Hommes.
Malgré ces quelques défauts, le documentaire dresse le portrait attachant d’un homme convaincu (et convaincant) de la nécessité de faire évoluer nos mentalités justifiant tout l’intérêt de franchir les portes des salles obscures pour partir à la découverte (ou redécouverte, car pour les habitués de CinéDweller, Pierre Rabhi apparait dans le bonus du DVD Le mystère de la disparition des abeilles chroniqué également ici) de cet homme et de sa vie.
Pierre Rabhi au nom de la terre connaître deux sorties en DVD, en 2013, puis dans le cadre d’un coffret hommage, édité lors des 80 ans du militant, chez BlaqOut.