Western famélique ou fable métaphysique, Never Grow Old repose sur la contemplation et, pour le meilleur, parvient à créer un climat oppressant.
Synopsis : Un charpentier et entrepreneur de pompes funèbres irlandais Patrick Tate vit avec sa jeune famille à la périphérie d’une petite ville sur la route de la Californie pendant la ruée vers l’or de 1849.
La vie y est dure mais paisible jusqu’à l’arrivée de Dutch Albert et sa bande de hors-la-loi qui va tout faire basculer et l’obliger à protéger sa famille…
Critique : Passé inaperçu à sa sortie, inégalement reçu par la critique, Never Grow Old est un western sombre qui mérite sans doute une seconde chance. Certes, son thème général, l’invasion du mal et ses conséquences, n’a rien de bien neuf. De même trouvera-t-on nombre de péripéties prévisibles et les personnages, quoi qu’en dise le réalisateur, assez univoques et stéréotypés. On ne verra pas non plus une nouveauté dans la bourgade boueuse, aux couleurs affadies. Tout cela rappelle d’autres films, en premier lieu Impitoyable, et la comparaison ne tourne pas à l’avantage de cette petite production.
Never Grow Old, un western ténébreux, esthétiquement travaillé
Et pourtant, sans que l’on tutoie les sommets, Never Grow Old a le charme limité de ces films sincères, portés par un projet auquel ils ne se dérobent pas. Le héros de ce métrage lui ressemble, taiseux, obstiné, presque hiératique. Charpentier et croque-mort, il vivote dans une petite ville, avec sa femme et ses deux enfants. Rien d’idyllique vraiment, mais une petite existence dont la quiétude se résume à quelques séquences banales. Mais le ver est dans le fruit : la petite communauté, sous la coupe d’un pasteur illuminé, vise à créer un paradis sur terre en bannissant l’alcool et la prostitution. On sait ce qu’il en est de la prohibition : elle attire son contraire, qui fera irruption de nuit, comme il se doit (et l’essentiel du film est nocturne), sous la forme de trois incarnations du mal : Dutch Albert, interprété sans cabotinage par John Cusack, et ses deux acolytes réduits à des présences physiques, puisque l’un est muet et l’autre étranger. À partir de là, Patrick passe un contrat tacite avec le diable, et, en les suivant, se trouve pris dans un engrenage fatal. Il y a un certain talent dans la description minutieuse de cet engrenage : la répétition des corps lavés, de l’échange d’argent, associée à une lenteur quasi-minérale (plans fixes figés, tempo alangui, mutisme des personnages) rend compte de l’acceptation jamais formulée. Mais Patrick est-il mû par l’avidité (les meurtres lui rapportent de l’argent) ou la peur que Dutch lit dans ses yeux ? En tout cas, il s’enfonce physiquement et moralement jusqu’à l’insupportable, c’est à dire la pendaison d’une jeune fille que sa mère a été contrainte de prostituer. Là se trouvent le point de rupture, l’inacceptable, la fin du contrat : Patrick n’est plus l’« ami » de Dutch. On s’y attendait : la brutalité sanglante clôt le film, comme un ultime sursaut qui tient plus de la vengeance que du retournement moral.
Ivan Kavanagh choisit le minimalisme pour conter cette sombre histoire : ellipses, dialogues limités, statisme de la mise en scène, personnages figés, tout indique que le cinéaste vise le prosaïsme plutôt que la flamboyance. On peut y être sensible, puisqu’il parvient à maintenir une certaine émotion notamment pendant l’éprouvante pendaison et que cette lenteur associée à des décors aux horizons souvent bouchés accentue l’impression de menace croissante. C’est sans doute dans l’atmosphère que réside le meilleur du film, cette oppression qui tient aussi aux infimes
variations de séquences répétitives. À ce titre et même s’il ne révolutionne évidemment pas le genre, Never Grow Old fait entendre sa petite musique, mineure mais séduisante : la recherche formelle, avec ses cadrages recherchés, peut agacer ou séduire, elle a au moins le mérite de dépasser le tout-venant.
Le DVD
Compléments : 2/5
Les « coulisses du tournage » (5mn), constituées de séquences muettes mises bout à bout, ne satisferont pas plus que l’interview compassée d’Emile Hirsch (7mn). Reste le monologue inégal du réalisateur, qui intéresse quand il évoque son modèle (L’Appât de Mann) ou les difficultés de financement, davantage que dans les habituels et convenus hommages à l’équipe du film.
Image : 3,5/5
Globalement, l’image respecte les partis pris esthétiques du cinéaste : couleurs fades, éclairage minimal et ciels gris. On aurait aimé qu’un léger halo en bas de l’écran ne vienne pas gâcher quelques séquences.
Son : 4/5
Pas moins de quatre pistes (VO et VF, 2.0 et 5.1) pour un film aux effets sonores très limités. Mais les dialogues sont nets, et les détonations efficacement rendues. La VF est soignée, même si elle amoindrit l’atmosphère oppressante.
Critique et test DVD : François Bonini